Depuis environ deux ans, l'opportunité d'avoir recours à l'incinération comme système d'élimination des déchets municipaux domestiques, occupe le devant de la scène à Maurice. Le projet, initié par un partenariat privé entre une entreprise mauricienne, Gamma et Coventa (société multinationale spécialisée dans le processus d'incinération), envisage d'absorber 300,000 tonnes de déchets sur les 400,000 tonnes produits annuellement. Ce processus d'incinération permettra de produire simultanément jusqu'à 20 MW d'électricité, qui sera vendu au distributeur de l'électricité (le Central Electricity Board) au niveau national. Les promoteurs avancent qu'ils vont réduire d'environ 30% l'émission de dioxine à Maurice.
Cependant, la société civile mauricienne notamment, des mouvements écologiques, des syndicats, des ONG, des associations de quartier et des citoyens, s'est regroupée en une plate forme anti-incinérateur pour s'élever contre son implantation à la périphérie d'une importante ville du pays et des villages côtiers du littoral ouest de île. Certaines associations écologiques ont même fait appel contre l'implantation de l'incinérateur auprès du tribunal de l'Environnement mauricien et ils sont en attente d'une décision.
Il faut savoir que l'île Maurice produit environ 400,000 tonnes de déchets solides par an et que 70% de ses déchets sont d'origine végétale (déchets verts), émanant des zones résidentielles et commerciales. Actuellement, le pays dispose d'un unique centre d'enfouissement qui est arrivé à saturation. Conçu initialement pour recevoir 400 tonnes de déchets par jour, ce chiffre est passé à 1000 tonnes par jour. D'où la nécessité de trouver des alternatives dans un État archipel où chaque pouce du territoire mérite d'être préservé. Dans ce contexte, la question se pose sur la compatibilité de l'implantation d'un incinérateur avec le concept 'Maurice, Île Durable'.
Les anti-incinérateurs questionnent la viabilité de ce projet tant du point de vue de la santé, de l'environnement et de l'économie. En effet le développement durable repose sur le %u2018principe de précaution'. Ce principe (Principe 15), consacré par le " Déclaration de Rio de Janeiro sur l'environnement et le développement " du 13 juin 1992, précise que " pour protéger l'environnement, des mesures de précautions doivent être largement appliquées par les États selon leurs capacités. En cas de dommages graves et irréversibles, l'absence de certitudes scientifiques absolue ne doit pas servir de prétexte pour remettre à plus tard l'adoption de mesures effectives visant à prévenir la dégradation de l'environnement ". Or, les promoteurs ne peuvent garantir une sécurité à 100 pour cent contre les risques en matière de santé. Le Professeur Dominique Belpomme, cancérologue français et Président fondateur de l'Association pour la Recherche Thérapeutique Anti-Cancéreuse, déclare, dans une lettre ouverte publiée dans des journaux à Maurice, que l'incinération des déchets est 'un procédé nuisible au plan sanitaire et environnemental'. Il ajoute que 'le procédé est de plus absurde au plan socio-économique car coûteux et destructeur d'emplois'. On relève parmi les risques en matière de santé le cancer et de leucémie aiguë qui sont dû, entre autres, à la diffusion dans l'atmosphère d'un nombre élevé de polluants organiques. Par ailleurs, les anti-incinérateurs sont d'opinion que l'utilisation des filtres n'est pas une mesure de protection suffisante.
Il y aussi le fait que 70% des déchets sont des déchets verts, donc recyclables. Et on trouve d'autres matières dans les déchets domestiques sous forme des produits plastiques, des bouteilles en verre, du papier et autres cartons. Tous ces produits sont recyclables tandis que leur incinération détruira des matières qui peuvent être réutilisées et recyclées pour d'autres usages.
Dans la perspective de développement durable, le tri du déchet et le recyclage constitue un pilier dans ce processus de développement et s'inscrit dans le droit fil de la Stratégie Nationale de recyclage des déchets de 2006. Ce document prend en ligne de compte la limitation des terres et des pratiques correctes pour la gestion des déchets. Depuis cette date, le recyclage et sa minimisation ont été une priorité à l'agenda du gouvernement. La stratégie nationale, reposant sur les trois 'R' (Réduire, Réutiliser, Recycler), a permis d'une part le développement de certains projets de recyclage au niveau communautaire et domestique, et d'autre part de créer des conditions pour la faculté d'Ingénierie Civile de l'Université de Maurice, d'entreprendre dans le contexte de son programme 'Recherche et Développement' la conceptualisation d'une formation dans le domaine du compostage et le développement des outils appropriés pour ce type d'activités. Il y a même une proposition pour la mise en place d'une filière de recyclage de déchets à Maurice. Or le projet d'incinérateur remet en question toute la stratégie de gestion durable des déchets, car l'incinérateur va absorber 300,000 tonnes de déchets sur les 400,000 tonnes générés annuellement avec toutes ses conséquences désastreuses pour l'environnement et l'impossibilité pour une santé durable.
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