Fabrice Lheriteau, expert en agroécologie au Gret, mène en partenariat avec le Centre technique agroécologique du Sud (CTAS) un projet d’amélioration de la sécurité alimentaire et d’augmentation des revenus agricoles en Androy dans le sud de Madagascar, débuté en 2015. Nous l’avons interrogé à l’occasion de la sortie de deux vidéos qui présentent le projet à travers les témoignages des différents acteurs impliqués.
Quelle est la situation en termes de sécurité alimentaire dans le sud de Madagascar ?
La région du Grand Sud malgache est régulièrement touchée par des épisodes de forte insécurité alimentaire, essentiellement en raison de sécheresses récurrentes, d’une mauvaise répartition des pluies ou de vents secs qui entraînent l’évaporation de l’eau du sol. Face à cette situation, les paysans ont développé une stratégie basée sur la culture de tubercules – les maniocs et patates douces dont ils sont grands consommateurs – et sur l’élevage des volailles, petits et gros ruminants qui se contentent des fourrages sauvages. Ils cultivent de manière plus aléatoires quelques légumineuses locales très exposées aux attaques d’insectes et des variétés naines de maïs à cycle court qui, même si elles n’arrivent pas jusqu’à la récolte, peuvent être valorisées comme fourrages. Depuis l’année dernière, il faut également signaler l’arrivée de la chenille d’automne qui provoque des dégâts considérables sur les cultures de maïs. Dans ce contexte, la diversification et la sélection de cultures de variétés résistantes aux contraintes est essentielle. L’introduction et la multiplication de variétés de pois d’Angole, de pois de Lima et de mils a été conduite en ce sens. Ces cultures, qui supportent de longues périodes de sécheresse, ont changé la donne pour plusieurs milliers de paysans.
Comment les semences de qualité déclarée peuvent-elles répondre aux problématiques des agriculteurs ?
Les semences de qualité déclarée sont des semences qui peuvent être produites par les paysans locaux tout en répondant aux minima des exigences de qualité requises pour une appellation « semences ». Qui dit « semences », du point de vue juridique, dit en effet « contrôles, certification et homologation de variétés ». Pour que des semences puissent être produites localement par des paysans, il faut donc adapter les procédures de contrôle (qui ne peuvent pas être aussi fréquentes que dans un établissement semencier privé), limiter les critères de contrôle à l’essentiel et procéder à l’homologation des variétés qu’ils souhaitent produire. Cette homologation dans le système conventionnel est lourde. Elle prend plusieurs années et n’aboutit parfois même pas, en raison d’un manque d’homogénéité ou de stabilité des caractères génétiques des variétés locales. Avec le système de semences de qualité déclarée adopté dans le sud de Madagascar, ces contraintes sont levées ; les semences des variétés en cours de caractérisation peuvent être produites et mises à disposition des paysans, sous certaines réserves. Elles peuvent également être enregistrées malgré une forte variabilité au sein des espèces. Ces adaptations juridiques ont totalement transformé le contexte de la production de semences. Plusieurs centaines de semences de variétés locales sont désormais produites et commercialisées légalement, aussi bien au niveau de boutiques locales que distribuées pour des opérations d’urgence.
Quels défis attendent maintenant les différents acteurs de la filière ?
Les défis qui se présentent aujourd’hui sont d’abord d’accorder les acteurs du développement et les nombreux organismes d’urgence sur une stratégie commune vis-à-vis des semences, en intégrant notamment les actions d’urgence dans le dispositif de production de semences. Les semences distribuées par le gouvernement ou par des acteurs d’urgence en cas de crise doivent être les semences de qualité déclarées produites localement et achetées auprès de boutiquiers locaux, avec des bons d’achats par exemple. Ce système a été testé avec succès durant plusieurs saisons par certains opérateurs et l’initiative devrait être renouvelée. Il faudra également former des groupes de paysans à la sélection participative et les intégrer dans un dispositif associant les services déconcentrés du ministère de l’Agriculture et les acteurs de la recherche. Ces paysans devront aussi être mobilisés pour tester de nouvelles variétés en provenance d’autres régions du monde et proposées par des organismes de recherche comme l’Institut international de recherche sur les cultures des zones tropicales semi-arides (Icrisat) ou le Centre de recherche agronomique et de coopération internationale pour le développement (Cirad). A l’avenir, il faudra en effet non seulement produire des semences de variétés adaptées à la sécheresse, mais également plus riches d’un point de vue nutritionnel, et capables de résister aux attaques d’insectes – seules ou combinées avec d’autres cultures associées.
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