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Haïti / Environnement : Anticiper les catastrophes au regard des droits humains



  • par Djems Olivier , Ronald Colbert


    P-au-P, 19 sept. 05 [AlterPresse] --- Une année après les inondations meurtrières des Gonaïves, à 171 kilomètres au nord de la capitale, la Plate-Forme des Organisations Haïtiennes de Droits Humains (POHDH) enjoint les dirigeants du pays à prendre désormais des dispositions durables pour prévenir les menaces écologiques et aménager le territoire de la république caraïbe, au regard des droits humains fondamentaux de la population.

    « Il est du devoir de toute autorité publique, au regard des Droits sociaux, économiques et culturels, d’assumer leur responsabilité en prenant des mesures préventives sérieuses et conséquentes en vue de protéger la population », préconise la POHDH face à la situation environnementale alarmante d’Haïti.

    Les recommandations du regroupement de défense des droits humains, sur l’impérieuse obligation de travailler à l’amélioration des conditions de vie dans le pays, sont contenues dans un document de 45 pages, illustré de photographies et de cartographies retraçant et analysant les événements meurtriers des Gonaïves, dont une copie est parvenue à l’agence en ligne AlterPresse.

    Tout en faisant une description des différentes contributions internationales après les inondations, l’étude effectuée pour le compte de la POHDH, intitulée « Impact de l’Assistance Humanitaire aux Gonaïves suite au Cyclone Jeanne, au regard des Droits Humains Fondamentaux », situe aussi dans quel contexte historique, culturel, spatial, les inondations ont été enregistrées à la Cité de l’Indépendance.

    Relativement à la catastrophe enregistrée le 18 septembre 2004 dans la 4 e ville du pays, qui a suscité un branle-bas sans précédent au sein de ce qu’il est convenu d’appeler l’ « assistance humanitaire » avec des distributions massives, « la logique des interventions » a « échappé à la population, ainsi même qu’aux institutions locales (...) troublées par les manières d’agir de certaines Organisations Non gouvernementales (ONG) », a relevé la POHDH signalant « l’incapacité des structures nationales centrales » à porter les ONG à se soumettre à « l’autorité de l’État ».

    La POHDH convie les dirigeants à cesser définitivement de jouer aux sapeurs-pompiers qui « déplorent et condamnent », à chaque catastrophe, sans prendre le temps d’anticiper sur l’avenir.

    « Les classes dominantes haïtiennes et leur État, parasite et prédateur, n’ont jamais eu, tout au long de notre rude histoire, une préoccupation pour un minimum de vrai bien-être général », a évoqué la plate-forme de défense des droits humains, qui s’insurge contre l’irresponsabilité voire le désistement des institutions nationales.

    « Un minimum de communication, de reddition des comptes, de transparence, n’a pas pu être réalisé (...) », en ce qui concerne le désastre de septembre 2004 à la Cité de l’Indépendance d’Haïti.

    « Le choquant, par contre, est la quasi-démission totale d’institutions nationales, telles la police nationale, dès les premiers jours des sinistres ».

    En réalité, les autorités étatiques n’ont arrêté aucune mesure préventive pouvant aider les populations des zones à haut risque à mieux faire face aux cyclones qui menacent Haïti, considérée comme l’ « un des pays caraïbes les plus prédisposés aux désastres ».

    Aux Gonaïves et dans d’autres régions d’Haïti exposées aux catastrophes naturelles, l’angoisse s’est accentuée dès le début, le 1er juin 2005, de la saison cyclonique qui a déjà occasionné la mort de plusieurs Haïtiennes et Haïtiens, ainsi que des dégâts matériels dans les localités du Sud, du Sud-Est, et encore dans l’Artibonite à Saint Marc (96 kilomètres au nord de Port-au-Prince), suite au passage, en juillet dernier, des ouragans Dennis et Emily.

    « L’ensemble de la population haïtienne n’a pas bénéficié de la circulation d’informations fondamentales au sujet de l’impact de ces sinistres, des mesures adoptées pour les prévenir » et « combattre », sur la base des priorités établies, les effets (futurs) éventuellement dévastateurs dans les prochaines villes exposées.

    « Cette année (2005), les tempêtes tropicales et ouragans pourraient bien s’approprier encore plus de vies humaines dans la région caribéenne, l’une des plus géographiquement touchées au monde et éprouvant beaucoup de difficultés à affronter ces catastrophes naturelles », avait prévenu, le 13 septembre 2005, la branche haïtienne du Programme Alimentaire Mondial (PAM) au cours d’une visite guidée aux Gonaïves à l’intention de la Presse, un an après cette catastrophe naturelle.

    A l’occasion, le PAM avait décidé de mettre fin à son plan d’assistance aux victimes des inondations de septembre 2004, en se référant aux « évaluations ayant démontré la concordance du statut nutritionnel des habitants à la moyenne nationale et l’absence d’aucune tendance vers une augmentation de malnutrition aiguë » dans la Cité de l’Indépendance haïtienne.

    « Toute personne a le droit à un niveau de vie suffisant pour elle-même et sa famille, y compris une nourriture, un vêtement et un logement suffisants. Toute personne a le droit d’être à l’abri de la faim », précise l’article 11 du Pacte International relatif aux Droits économiques, sociaux et culturels. Le 14 septembre 2005, l’agence des Nations Unies pour l’Alimentation et l’Agriculture (FAO) avait jugé « inacceptable que 843 millions de personnes dans les pays en développement et en transition continuent de souffrir de la faim et que plus d’un milliard d’êtres humains vivent avec moins d’un dollar par jour ». Or, aux Gonaïves, a rappelé la POHDH, la situation allait s’aggraver en février 2004 avec l’interruption de l’acheminement des provisions alimentaires destinées aux cantines scolaires, due par l’entrée spectaculaire, via la frontière dominicaine, des militaires démobilisés des anciennes Forces Armées d’Haïti en rébellion contre l’ancien régime lavalas de Jean Bertrand Aristide.

    Le dénuement avait déjà atteint des limites extrêmes en novembre 1985 (à quelques mois de la chute de la dictature des Duvalier), lorsque les habitants de la cité avaient organisé une cérémonie de consommation d’un chien, en signe de protestation contre la famine qui sévissait.

    Avant Jeanne, la ville côtière des Gonaïves avait essuyé les contrecoups de trois principales inondations : celle du 26 juillet 1996, celle du cyclone George le 7 octobre 1998 et celle du cyclone Ivan le 10 septembre 2004.

    L’étude de la Plate-Forme des Organisations Haïtiennes de Défense des Droits Humains note également le débarquement aux Gonaïves, en janvier 1988 (bien janvier 1988, et non 1996 comme glissé par erreur dans le document) de plusieurs tonnes de déchets toxiques de la ville de Philadelphie (Etats-Unis d’Amérique) emmenés par le navire dénommé « Khiang Sea » à l’ancien quai de l’organisme Sedren (qui a exploité une mine de cuivre aux Gonaïves de 1960 à 1971).

    « Même si le mouvement de protestation a pu obtenir le rembarquement d’une partie de ces produits, la majorité est restée là », poursuit le rapport.

    Dans ce rapport, le regroupement d’organisations de défense des droits de la personne humaine a retracé les événements tragiques de septembre 2004, en présentant la ville côtière des Gonaïves dans ses différents aspects et en insistant particulièrement sur les réalités pénibles d’existence humaine auxquelles sont confrontés citoyennes et citoyens en différents points du territoire national.
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