Par Jocelyne Sambira, 10 septembre 2013
Les Africaines
sont de plus en plus nombreuses à entrer en politique mais leur pouvoir reste
limité
Plus que
jamais, les femmes Africaines assument des charges publiques, y compris aux
postes les plus prestigieux. Au Malawi, Joyce Banda est devenue la deuxième
femme africaine pour accéder au poste de président après son homologue
libérienne, Ellen Johnson-Sirleaf.
Par ailleurs,
des pays comme le Zimbabwe et la Gambie ont des femmes pour vice-présidentes.
Malheureusement, leur influence en politique reste limitée. Jocelyne Sambira
explique pourquoi dans son article sur les femmes et la politique des quotas.
" Si vous
voulez avoir de l'influence en politique, il faut d'abord peser sur la
formulation des politiques ". Ainsi s'exprimait récemment Betty Kaari Murungi,
une militante pour la justice sociale, devant un parterre de femmes
entrepreneurs et directrices d'entreprise à Nairobi au Kenya.
Avocate de
profession et directrice de Urgent-Action Fund Africa, une association
féministe de défense des droits de l'homme, Mme Murungi exerce aussi des
responsabilités au sein de la Commission Vérité et réconciliation du Kenya,
dont elle a été vice-présidente.
Plusieurs
femmes de l'envergure de Mme Murungi étaient présentes lors du sommet S.H.E.
(She Helps Empower) qui s'est tenu à Nairobi en juin dernier pour donner aux
femmes la possibilité de partager des conseils pratiques sur la manière de
faire progresser leurs entreprises et leurs carrières.
Pour la
Kényane Carol Odera, gourou de la mode et journaliste pour le magazine True
Love, " femmes et affaires font bon ménage. Nous ne sommes pas ici pour remplir
des quotas, explique-t-elle. La moitié du ciel nous appartient, ... sauf pour
les postes de direction ".
La " moitié du
ciel "
Selon les
Nations Unies, les femmes représentent un peu plus de la moitié de la
population mondiale. Pourtant leur accès aux ressources, à l'éducation et aux
revenus n'est pas à la hauteur de ce chiffre. Les femmes constituent souvent
l'épine dorsale des sociétés auxquelles elles appartiennent et constituent la
grande majorité des travailleurs agricoles.
Selon le
Programme alimentaire mondial, huit travailleurs sur dix dans le secteur
agricole en Afrique sont des femmes et celles-ci sont les seuls soutiens de
famille dans un tiers des foyers africains. Les femmes sont aussi plus
nombreuses que les hommes à travailler dans le secteur informel.
Même si très
peu d'études existent à leur sujet, le nombre d'entreprises africaines dirigées
par des femmes, est en augmentation. C'est ce qu'explique Maxwell Awumah de
SciDev.Net, un site d'information consacré au rôle de la science et de la
technologie dans le développement.
Bien que le
secteur informel offre la possibilité de générer des revenus raisonnables, la
Banque africaine de développement note que la plupart des travailleurs de ce
secteur ne disposent pas de revenus sûrs ni de protection sociale.
L'Organisation
internationale du Travail qualifie d'ailleurs ce groupe, essentiellement
composé de femmes, de " travailleurs pauvres ".
Malgré
l'augmentation considérable du taux d'inscription des filles dans les écoles
primaires et secondaires (et dans l'enseignement supérieur, compte non tenu de
l'Afrique subsaharienne), le nombre d'emplois détenus par des femmes n'augmente
pas. Pour la Banque mondiale, le faible niveau d'emploi des femmes est
préoccupant.
De nombreuses
Africaines ont gravi les échelons en tant qu'activistes ou grâce à leurs
compétences entrepreneuriales. La Sénégalaise Magatte Wade, par exemple, est
présidente-directrice général d'une entreprise qui fabrique des boissons à base
de plantes, ainsi que des cafés et des thés biologiques qui se vendent partout
aux États-Unis.
En 2011,
l'entreprise de Magatte Wade, Adina, faisait plus de 3 millions de dollars de
chiffre d'affaires annuel selon un document de recherche établi sous la
direction du Programme des Nations Unies pour le développement.
Bien qu'un
rapport de la Banque mondiale sur la main-d'oeuvre féminine affirme que la
participation de ces dernières à l'économie devrait les encourager à une plus
grande participation politique, ceci reste l'exception en Afrique.
Quotas par
sexe
ONU-Femmes,
l'entité des Nations Unies pour l'égalité des sexes, note qu'aussi bien au sein
du corps politique que dans les conseils d'administration, les femmes donnent
rarement leur avis pour les décisions qui les concernent.
Pour améliorer
cette situation, la plupart des pays en développement ont instauré des quotas
et d'autres mesures spéciales et temporaires, comme la désignation de sièges
réservés aux femmes pour leur permettre de gravir les échelons politiques.
Cette tendance
s'est développée suite à la Quatrième Conférence mondiale sur les femmes qui
s'est tenue à Pékin en 1995. Près de 20 % des parlementaires à travers le monde
sont désormais des femmes selon le rapport 2013 sur les objectifs du Millénaire
pour le développement.
Certains pays
font mieux que d'autres. Suite à une campagne électorale très suivie au Kenya
en mars 2013, un cinquième des sièges du Parlement sont allés à des femmes,
dont le nombre dans cette institution a ainsi doublé.
Au Rwanda, 51
% des législateurs sont des femmes, le pourcentage le plus élevé au monde (voir
l'article d'Afrique Renouveau intitulé " NEPAD : les Africaines s'imposent ").
L'Afrique du Sud est en troisième position avec 44 % de femmes au Parlement.
Le nombre
croissant de femmes parlementaires n'est pas le seul signe encourageant pour
l'égalité des sexes en Afrique, écrit Rainitou Sow pour Make Every Woman Count,
une organisation qui oeuvre pour l'autonomisation des femmes. La plupart des
pays ont désormais des politiques d'égalité des sexes que les ministères sont
chargés d'appliquer.
Il semble
d'ailleurs que ces efforts payent. Plus que jamais, les Africaines assument des
charges publiques, y compris aux postes les plus prestigieux. Au Malawi, Joyce
Banda est devenue la deuxième femme africaine à accéder au poste de président
après son homologue libérienne Ellen Johnson-Sirleaf.
La dirigeante
du Libéria est également lauréate du prix Nobel de la paix, qu'elle partage
avec sa compatriote Leymah Gbowee et la Yéménite Tawakkol Karman. Wangari
Mathaai, une écologiste kényane décédée en 2011, a été la première africaine à
recevoir ce prix.
Pour la
première fois de son histoire, la Commission de l'Union africaine est dirigée
par une femme, la Sud-africaine Nkosazana Dlamini-Zuma.
Ailleurs sur
le continent, plusieurs pays comme le Zimbabwe et la Gambie ont des femmes pour
vice-présidentes. Grâce à une résolution adoptée en 2000 par le Conseil de
sécurité qui aborde l'impact démesuré de la guerre sur les femmes ainsi que le
rôle clé que celles-ci jouent dans le règlement des conflits, les femmes sont
de plus en plus nombreuses à servir dans le cadre des opérations de paix à
travers le monde.
Influencer les
politiques
Étant donné le
nombre de plus en plus important de femmes parlementaires et le rôle décisif
que les femmes jouent dans l'économie en Afrique, on serait en droit de penser
qu'elles ont aussi gagné en influence sur les politiques qui les touchent
directement. Mais les pratiques culturelles ont la vie dure et les traditions
sont difficiles à changer.
Certains
parlementaires ont réussi à introduire des lois favorables aux femmes. En 2011,
l'Angola a ainsi adopté une loi érigeant la violence familiale en infraction
pénale. Le Kenya a rejoint 24 autres pays africains pour interdire la
mutilation génitale. Dans d'autres pays les progrès sont moins évidents.
Au Mali, un
projet de loi sur la famille introduit en 2009 pour améliorer les droits des
femmes a été retiré après avoir été bloqué par des groupes musulmans
conservateurs. La loi a finalement été adoptée trois ans plus tard, non sans
avoir été " substantiellement édulcorée ".
Les droits
fonciers sont eux aussi particulièrement résistants aux réformes quand il
s'agit des femmes (voir l'article d'Afrique Renouveau intitulé " Droits
fonciers: le combat des femmes ").
Les femmes
agricultrices en Afrique n'ont aucun poids décisionnaire sur les politiques
agricoles de leurs pays et peu d'accès au crédit, aux engrais ou aux semences.
Le nombre de
femmes à des postes de direction continuant d'augmenter sur tout le continent,
celles-ci doivent trouver les moyens de traduire leur présence politique en
actes et en influence. En d'autres termes, la politique des quotas en Afrique
ne suffira pas à renforcer la voix des femmes du continent.