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Financement du développement durable



  • Pour des outils bancaires du développement durable.
    Depuis quatre ans, l’ensemble du monde financier se met au diapason du développement durable. Cependant, peu de place est faite à la principale attente que l’on peut avoir du métier de banquier : la déclinaison marché d’une politique RSE par le biais de produits qui lui seraient dédiés. Des moyens incitatifs s’imposent.

    Comme l’indique l’économiste Christian de Perthuis2, « en refusant ou en acceptant un prêt, en couvrant ou non tel risque, en investissant sur tel créneau plutôt qu’un autre, l’industrie financière est celle qui exerce l’effet d’entraînement le plus puissant sur l’environnement économique ». Aurait-on besoin de moyens incitatifs ? Multiplier les outils d’ingénierie financière avec les pouvoirs publics par exemple, en s’appuyant notamment sur la constitution d’une ressource spécifique ?
    C’est en tout cas notre constat au sein de la Banque populaire d’Alsace : comme pour tout marché émergent, seule la création d’incitations suffisamment attractives permettrait de lever les barrières à des produits bancaires verts innovants. Depuis quatorze ans, la Banque Populaire d’Alsace décline sa politique développement durable à travers des produits financiers écologiques essaimés dans tous les marchés traditionnels, particuliers, professionnels, entreprises… et pilotés par un responsable de marché développement durable identifié 3. Ces initiatives reposent toutes sur un scénario axé autour d’une boucle de « ressources/ emplois financiers » pour garantir la destination de l’argent collecté dans les secteurs tels que l’environnement ou les énergies renouvelables. La pérennité de ces initiatives repose sur l’existence d’un livret d’épargne dédié, le CODEVAIR, pilier de la politique locale de financement de l’environnement
    à la Banque Populaire d’Alsace. Son taux de rémunération de 2,25 % brut (indexé sur celui du Codevi) permet de fixer PREVair à 3,25 %. C’est 1 % d’une marge économiquement viable mais quand même de 2/3 inférieure au taux de référence marché usuellement pratiqué (4,50 % pour les prêts immobiliers sur 15 ans). En acceptant de baisser sa marge, la banque fait une action volontaire récompensée proportionnellement à son effort par l’ADEME (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie), amenant le taux d’intérêt à 2 % pour le client : il s’agit des premiers prêts bonifiés écologiques. Cette réalisation pionnière coïncide avec la volonté des pouvoirs publics de renforcer leur politique de développement durable, en généralisant les initiatives qui lui sont liées. Il s’agissait jusque là exclusivement de subventions directes pour des équipements destinés à la lutte contre l’effet de serre ou la protection de l’environnement: panneau solaire, chaudière à bois, maison écologique…
    Mais ce schéma de subvention, s’il convient pour initier un comportement écologique, risque de ne pas être suffisant et confronté au déclin des aides publiques, il ne suffira pas à leur généralisation. Les enjeux du développement durable impliquent donc des approches innovantes présidant à la création de nouveaux outils financiers.
    Une ressource pour favoriser le financement face au risque
    Dans leur souci de mieux gérer le risque de leur développement et, indirectement, celui de leurs clients, les établissements financiers doivent avoir à l’esprit de prévoir l’avenir pour pouvoir, sinon le changer, du moins l’accompagner.
    Le futur ratio Mc Donough montre la voie en prônant l’intégration d’une notation qualitative du risque crédit. Si les paramètres marché, produits ou manageriaux sont observés en priorité, l’introduction du développement durable comme risque opérationnel, à analyser dans les projets de financement, tend à augmenter la complexité d’évaluation des dossiers crédits et par conséquent de diminuer les engagements, au grand dam de nos clients qui attendent surtout d’une banque qu’elle finance leur développement. Les grands groupes industriels, déjà rodés à l’exercice qui consiste à donner une meilleure visibilité de leur politique de développement durable, profiteront de conditions bancaires avantageuses, liées à la qualité de leur notation intrinsèque, au détriment des PME. Ces dernières, faute de fournir les éléments de visibilité requis, par manque de moyens et d’habitude, pourraient connaître un net renchérissement de leurs conditions de financement et/ou un renforcement des garanties exigées. Une situation paradoxale, car la mise en conformité environnementale de ces mêmes PME au regard du risque encouru passera certainement par une demande importante ces prochaines années, en investissements matériels écologiques.
    La création d’un livret écologique dont les fonds seraient dédiés, par essence, à l’environnement, obligerait les banques à réfléchir à l’emploi de l’argent collecté. C’est le concours que peut apporter l’État à la finance pour qu’elle agisse dans le même sens que sa volonté politique, avant que les banques n’établissent de manière empirique leurs propres règles, avec le risque d’une divergence par rapport aux politiques publiques visées.
    Le levier de la défiscalisation d’un compte développement durable
    Dans son projet de plan d’action climat de lutte contre l’effet de serre au sein du secteur de l’habitat, la MIES (Mission interministerielle de lutte contre l’effet de serre) a bien perçu le besoin d’outils financiers pour faciliter l’intégration de l’environnement dans les constructions. La stabilisation au niveau de 1990 des émissions de CO2 du secteur résidentiel et tertiaire nécessite de mobiliser de l’ordre de 5 à 7 milliards d’euros 5 par an, en vue de réaliser des travaux d’économies d’énergie concernant environ 500 000 équivalents-logements par an sur une période allant de 2004 à 2012. Cet investissement représente moins de dix ans de consommation énergétique des bâtiments concernés. Parmi les mesures financières recensées, se trouve le compte épargne développement durable. Il est conçu sur la base d’action de notre livret CODEVAIR dont l’encours actuel approche les 23 millions d’euros 6. En misant sur la dimension nationale du livret, une collecte de 6 milliards d’euros est possible au niveau national. L’avantage pour l’État serait double. Premièrement, la disponibilité des 6 milliards pour des programmes de lutte contre l’effet de serre est limitée au coût des avantages fiscaux, c’est-à-dire la défiscalisation des intérêts (actuellement 26 %) d’un livret rémunéré à 2,25 % net. Rien à voir avec le coût de gestion des subventions directes à mobiliser pour obtenir le même résultat. Si le déclenchement d’opérations, y compris grâce à la mobilisation des forces de vente des réseaux bancaires, représentait 10 % des emplois, soit 100 millions d’euros, en comptant une efficacité des investissements aidés de 200 euros/tonne de CO2, les émissions évitées induites atteindraient 0,5 million de tonnes de CO2. La mesure présenterait donc un coût très faible de 3,3 euros/ tonne de CO2 évitée.
    Deuxièmement, la création d’un tel livret permettrait d’intéresser les particuliers, population réputée difficile à atteindre dans les campagnes de sensibilisation au développement durable : à la fois au moment de l’épargne, mais aussi au moment du financement de leur projet de construction ou de rénovation.
    Plus qu’une vente, nous pouvons réaliser des prestations pour ceux qui veulent devenir utilisateurs d’un habitat sain : en offrant aux clients qui viennent à l’agence un prêt avantageux mais aussi des fiches de renseignements sur la construction écologique normalement disponible à l’ADEME, ou sur les points info-énergie, ou encore en leur indiquant les entreprises du secteur susceptibles de les aider dans leur réalisation environnementale.
    Diversifier les outils
    Le modèle de livret défiscalisé et de prêts aidés peut être dynamisé au profit du développement durable. L’adossement du modèle au marché carbone ou au certificat blanc 7 peut en diminuer les coûts. L’instauration d’un compte épargne développement durable permettrait ces évolutions drainant les ressources vers les projets; charge à la banque d’en sécuriser le financement. Des fonds de garantie comme le FOGIME, étendus à l’environnement, devraient jouer un rôle important surtout dans ce cas des financements écologiques dédiées aux entreprises ; à elles aussi d’en évaluer le besoin avec leur partenaire bancaire.
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