Les processus d'appropriation foncière qui se multiplient dans les pays du Sud inquiètent l'opinion publique. Aussi, en association avec les institutions internationales et plusieurs universités et centres de recherches français et étrangers, le Cirad organise, à Montpellier le 3 septembre 2009, une " Journée Foncier ". Objectif : partager et débattre des informations sur ces dynamiques d'investissement et leurs enjeux en termes de développement.
" Ce n'est pas un phénomène nouveau, explique d'emblée Jean-Philippe Tonneau* : depuis la colonisation, les concessions à des groupes ou des particuliers de terres, l'achat ou la prise en location de terres agricoles en Afrique, en Amérique du Sud et en Asie sont courants. Ce qui change aujourd'hui, c'est l'ampleur du phénomène, l'apparition de nouveaux acteurs et la médiatisation plus grande de ces processus". Les chercheurs insistent également sur l'écart entre l'écho médiatique de ces supposés prises de contrôle du foncier et la réalité sur le terrain.
" Nous devons faire l'état des lieux de ce qui se passe réellement sur le terrain, expliquer les motivations des investisseurs et des pays hôtes, ajoute Perrine Burnod**. Il faudra identifier les impacts effectifs ou potentiels pour les différentes catégories d'acteurs concernés, notamment pour les populations rurales, et, en fonction de cela, discuter des alternatives en termes de politiques publiques. "
Fournir une information et des analyses de qualité
Avec la participation d'institutions internationales, notamment la FAO pour la rédaction de codes de bonne conduite, les scientifiques se proposent de faire le point sur les différents travaux et recherches sur le sujet. Il s'agit d'aider à la construction de cadres d'analyse communs afin de fournir à la communauté internationale, aux sociétés concernées et aux décideurs publics, une information et des analyses de qualité au niveau national comme au niveau le plus local.
" Les gouvernements ont leur stratégie face aux investisseurs ", poursuivent les chercheurs. Ils font en effet face à de fortes tensions sociales, économiques et politiques liées à l'emploi, à la sécurité alimentaire, aux agrocarburants, à la biodiversité. " Nous pouvons analyser les implications des différents modèles de développement retenus ou possibles - avec une priorité plus ou moins forte à l'agriculture familiale et plus largement aux populations rurales- afin de donner aux décideurs des analyses complètes sur lesquelles ils pourront baser leurs choix pour la promotion de l'agriculture familiale et l'agrobusiness, l'aménagement du territoire, la gestion des ressources naturelles". Les chercheurs souhaitent ainsi consolider le réseau scientifique sur le foncier existant au Cirad et renforcer les liens avec les institutions de recherche et de développement investies sur cette thématique.
L'impact sur les populations locales : une priorité pour la recherche
Les impacts potentiels de ces dynamiques foncières pour les gouvernements des pays hôtes, les investisseurs et, en priorité, les populations locales sont à étudier. Les terres convoitées sont en effet susceptibles d'être déjà occupées par des exploitations familiales, des pasteurs ou jouer un rôle majeur dans la gestion des ressources naturelles (eau, bois énergie, faune et flore). Les gouvernements hôtes vont-ils réellement parvenir à dynamiser leur économie par l'accueil de ces investisseurs ou s'exposer à des fortes réactions sociales ? Les investisseurs vont-ils effectivement réaliser leur projet ? Dans quelle mesure ces derniers pourront-ils avancer sans avoir obtenu une légitimité sociale minimale ? Quel est ou sera le devenir des populations rurales, généralement pauvres et peu organisées, face aux projets d'investissement agro-industriel à grande échelle ? Dans un contexte de changement potentiel des modalités d'accès aux ressources et de fonctionnement des marchés locaux, pourront-elles retirer des bénéfices de ces projets et non se retrouver contraintes à l'exode rural ? Si tel est le cas, sous quelles conditions ?
Produire des connaissances validées par la rigueur des méthodes scientifiques constitue donc tout l'enjeu de la journée du 3 septembre organisée autour de conférenciers présentant des synthèses et des études de cas. Une table ronde réunira des acteurs de la recherche, de la société civile et des agences d'aide.
* Jean-Philippe Tonneau, chercheur CIRAD de l'UMR (Unité mixte de recherche) Tetis (Territoires, environnement, télédétection et information spatiale)
**Perrine Burnod, chercheuse au Cemagref travaillant en partenariat avec le Cirad (Unité propre de recherche Biomasse-énergie)