Des recherches mettent en lumière le rôle jusqu'ici peu connu des particules fines d'origine biologique dans la pollution atmosphérique. Certaines peuvent renforcer ou diminuer l’impact sanitaire des polluants chimiques. Leur prise en compte, dans l'évaluation de la qualité de l'air, s'impose.
Les « bioaérosols » sont des polluants atmosphériques mésestimés. « Selon leur nature et leur concentration, les bactéries et champignons en suspension dans l'air peuvent atténuer ou accentuer la nocivité des microparticules chimiques pour les voies respiratoires », explique la biogéochimiste de l’atmosphère Gaëlle Uzu. Avec des chercheurs du CNRS et l’entreprise savoyarde Air et Bio, elle signe une étude déterminante sur le sujet.
Contrôle de la qualité de l’air perfectible
Actuellement, la pollution atmosphérique est évaluée en fonction de la concentration de particules fines présentes dans l’air. Les dispositifs de contrôle de la qualité de l’air permettent de déterminer avec précision la masse des particules en suspension, en temps réel ou à postériori. Au-delà de 50 microgrammes par m3 d’air, des mesures visant à restreindre les émissions sont adoptées, comme la régulation de la circulation automobile. Mais cette méthode semble imparfaite pour prédire le danger sanitaire réel. Ainsi, le salage des routes en hiver, à l’origine d’une forte dispersion de particules dans l’atmosphère, peut créer un « faux positif ». En effet, le sel est inoffensif pour les poumons, et cet afflux ne génère pas d’effets sur la santé perceptibles par l’augmentation du nombre des hospitalisations.
Potentiel oxydant et stress oxydatif
Les scientifiques planchent donc depuis une décennie sur un autre indicateur, bien plus pertinent pour quantifier l’impact sanitaire de la pollution de l’air, le potentiel oxydant. « Cette mesure évalue les caractéristiques des particules et gaz polluants, en fonction de leur propension à générer un stress oxydatif sur les poumons, indique la chercheuse. Certains éléments chimiques ont en effet une action oxydante au contact de la muqueuse pulmonaire, induisant des déséquilibres immunitaires, source de pathologies respiratoires 3 ». Les principaux éléments oxydants sont l’ozone (un gaz) et les particules réglementées, classées sous l’appellation PM10 et PM2,5 4. Mais jusqu’à présent, cette approche des polluants atmosphériques s’est focalisée sur les éléments chimiques – contaminants organiques et oxydes métalliques – sans prendre en compte les particules d’origines biologiques. Composées de cellules bactériennes, fongiques, de spores, de débris secondaires issus de ces organismes 5, mais aussi de pollens, ces bioaérosols représentent pourtant 15 à 20 % de la masse des particules en suspension dans l’air. Leur contribution au potentiel oxydant des aérosols était jusque là méconnue.
Impact des microparticules biologiques
« Nous avons entrepris d’évaluer le potentiel oxydant propre de ces cellules et microparticules biologiques, explique pour sa part Abdoulaye Samaké, doctorant en environnement-santé, dont la thèse porte justement sur ces travaux. Et tous les microorganismes modèles que nous avons testés ont révélé en avoir un significatif. Pris individuellement, ils sont donc susceptibles d’affecter la santé ». Ce potentiel oxydant est variable selon les types d’organismes (cellules bactériennes et spores fongiques). Les champignons et les spores ont ainsi 10 fois plus d’impact que les bactéries. De plus, leurs propriétés en la matière sont les mêmes que les bioaérosols soient vivants ou inactivés.
Mis en association avec des particules atmosphériques chimiques, comme cela se présente le plus souvent dans l’air respiré, ces bioaérosols modulent le potentiel oxydant du cocktail. « L’impact sanitaire des champignons tend à s’ajouter à celui des éléments chimiques, précise le jeune scientifique. Mais à l’inverse, certaines bactéries réduisent l’effet oxydant de certaines particules ». Ainsi, la présence de Staphylococcus epidermidis a vec du cuivre divise par deux le potentiel oxydant du métal seul, à la concentration équivalente.
« Ces résultats plaident en faveur de la prise en compte systématique des bioaérosols dans l’évaluation de la qualité de l’air », conclut Gaëlle Uzu.
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