Aujourd’hui, le défi alimentaire est d’assurer à la population mondiale une alimentation durable, c’est-à-dire nutritionnellement adéquate, culturellement acceptable, protectrice de l’environnement, économiquement équitable et accessible (Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture). A partir de l’alimentation habituellement consommée par les hommes et les femmes dans cinq pays européens (France, Italie, Finlande, Suède et Royaume-Uni) et à l’aide de modèles mathématiques, des chercheurs de l’Inra, de MS-Nutrition et de Montpellier SupAgro ont identifié les changements alimentaires à même d’en améliorer la durabilité.
Durabilité de l’alimentation, concilier recommandations nutritionnelles et réduction des gaz à effet de serre
Quel que soit le pays, les chercheurs ont montré que des substitutions entre grands groupes d’aliments sont nécessaires pour respecter l’ensemble des recommandations nutritionnelles (protéines, lipides, glucides, fibres, vitamines, minéraux, acides gras essentiels) sans changer l’apport calorique total. Ces substitutions concernent avant tout le remplacement des calories provenant des produits gras et sucrés et des boissons alcoolisées par des calories issues des féculents, des fruits et des légumes.
Pour réduire les émissions de gaz à effet de serre (EGES) tout en respectant les recommandations nutritionnelles, des changements dans la consommation des produits d’origine animale et des substitutions au sein des groupes d’aliments doivent venir s’ajouter aux substitutions nutritionnelles précédentes.
Ces changements sont d’autant plus importants que la réduction des EGES souhaitée est grande. Cependant, si la réduction des EGES n’excède pas 30 %, il est possible de tenir compte des habitudes alimentaires des populations. Une diminution du rapport animal/végétal est alors nécessaire et les modifications qui concernent les produits animaux diffèrent selon le pays et le sexe – p. ex. la part énergétique du poisson augmente en France et en Italie mais diminue en Finlande ou encore la part énergétique des produits laitiers augmente en Suède et en France quel que soit le sexe alors que, dans les autres pays, elle augmente pour les hommes et diminue pour les femmes. Enfin, dans la quasi-totalité des cas, il est essentiel de diminuer la contribution énergétique de la charcuterie et de la viande, de ruminants notamment (bœuf et agneau).
Durabilité de l’alimentation, considérer biodisponibilité et co-production
Les chercheurs ont ensuite éprouvé leurs modèles à l’aune de critères supplémentaires : coût, biodisponibilité de nutriments clés (protéines, fer, zinc, vitamine A) puisque celle-ci diffère selon l’origine animale ou végétale des aliments, et liens de co-production (p. ex. liens entre viande et lait), en plus de la réduction d’au moins 30 % de plusieurs impacts environnementaux de l’alimentation (EGES, eutrophisation, acidification) et du respect des recommandations nutritionnelles.
Dans tous les cas, les quantités de fruits et légumes et de féculents augmentent, et le rapport animal/végétal diminue, ainsi que le coût journalier. Une diminution de la quantité de viande, de ruminants notamment, est nécessaire, mais elle est d’autant moins drastique que la biodisponibilité des nutriments et les liens de coproduction sont pris en compte. Ainsi, la consommation moyenne de viande, qui est, en France, de 110 g/j pour les femmes et de 168 g/j pour les hommes, décroit de 78 % pour les femmes et 68 % pour les hommes dans le modèle « nutrition-environnement » et de seulement 32 % pour les femmes et 62 % pour les hommes dans le modèle « nutrition-environnement-biodisponibilité-liens de co-production ».
Ces travaux confirment qu’il est possible d’adopter une alimentation durable qui intègre simultanément impact environnemental, adéquation nutritionnelle, accessibilité financière et acceptabilité culturelle, sous réserve de choix alimentaires particuliers. Si l’amélioration de la durabilité de l’alimentation des hommes et des femmes en France et plus largement en Europe passe par une augmentation des quantités de fruits et légumes et de féculents, et une diminution de la part des produits animaux, cette étude révèle toutefois la complexité de la question et met en garde contre des raisonnements simples qui tendraient à assimiler végétal et durable, par exemple.
Communiqué de l'Inra
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