Des chercheurs de l’Inra, en collaboration avec l’Inserm, ont étudié chez la souris les effets d’une exposition orale chronique à un cocktail de pesticides à faible dose. Les résultats montrent pour la première fois in vivo des perturbations métaboliques différentes selon le sexe. En effet, les mâles exposés aux pesticides prennent du poids et deviennent diabétiques. Les femelles sont protégées de ces effets mais présentent d’autres perturbations. Ces résultats viennent d’être publiés dans la revue Environmental Health Perspectives. Ils apportent notamment des arguments en faveur d’une plausibilité d’un lien pesticides-santé et confortent les résultats épidémiologiques récents montrant une relation inverse entre une consommation importante d’aliments issus de l’agriculture biologique et la probabilité de développer un syndrome métabolique.
L’exposition aux pesticides dans l’environnement ou à travers l’alimentation génère de nombreuses questions et inquiétudes de la société quant aux conséquences de cette exposition sur notre santé. Des données épidémiologiques suggèrent un lien entre l’exposition aux pesticides et le développement de maladies métaboliques telles que l’obésité et ses complications.
L’étude des chercheurs de l’Inra et de l'Inserm montre que des animaux exposés par l’alimentation à de faibles doses de pesticides prennent plus de poids et présentent des perturbations métaboliques (diabète, stéatose hépatique) typiques des complications de l’obésité.
L’originalité de l’étude menée par les chercheurs de l’Inra et leurs collègues réside dans le choix des conditions expérimentales1: un cocktail de six pesticides testé, le mode d’exposition des souris par l’alimentation, les doses choisies (équivalent de la dose journalière admissible pour l’homme), la durée de l’étude (1 an).
Les chercheurs ont sélectionné six pesticides d’une part parce qu’ils sont utilisés pour traiter les pommeraies françaises et d’autre part parce qu’ils sont aussi retrouvés dans les pommes de l’Union européenne, selon un rapport de l’Efsa (2015).
Pour mimer le mode d’exposition des consommateurs, les pesticides ont été incorporés dans les aliments des animaux. Les animaux ont été exposés à l’équivalent de la dose journalière admissible pour l’homme, DJA. Cette dose exprimée en mg/kg de poids corporel est définie par les agences de sécurité sanitaire comme la dose qui peut être consommée tout au long de la vie via l’alimentation ou l’eau potable sans exercer d’effet nocif sur la santé.
L'exposition au cocktail de pesticides provoque des effets différents chez les mâles et les femelles
Les chercheurs ont étudié différents paramètres (poids corporel, tolérance au glucose, analyse du sang et des urines, métabolisme du foie) pour évaluer les conséquences de l’exposition à ce cocktail de pesticides à faible dose sur l’homéostasie métabolique. Ils montrent que le mélange de pesticides induit des troubles métaboliques significatifs chez tous les animaux mais différents selon leur sexe (dimorphisme sexuel). Les mâles présentent un diabète, une accumulation de graisses dans le foie (stéatose), et un surpoids significatif. Les femelles montrent des perturbations hépatiques (stress oxydant) et une modification de l’activité du microbiote intestinal.
Les différences de réponse entre mâles et femelles seraient liées à des capacités de détoxification des pesticides spécifiques de chaque sexe, qui entraineraient l’activation de mécanismes moléculaires distincts au niveau hépatique.
Les scientifiques vont poursuivre ces travaux pour approfondir les mécanismes, et identifier les déterminants moléculaires expliquant ce dimorphisme sexuel, notamment en lien avec la capacité de détoxification (foie, microbiote). Par ailleurs, d’autres études sont en cours pour déterminer la période critique d’exposition à ces composés (période périnatale -gestation, lactation).
Ces résultats renforcent la plausibilité du lien entre exposition aux pesticides et santé, et confortent les résultats obtenus dans les études épidémiologiques suggérant un lien entre l’exposition aux pesticides et l’incidence des maladies métaboliques telles que le diabète de type 2 ou la stéatose hépatique.
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