02 mars 2018. Cela fait bientôt trois mois aujourd’hui que le réaménagement du gouvernement de la République du Cameroun a eu lieu. Tout semble revenu dans l’ordre puisqu’on n’en parle plus. Mais il faut dire que c’est un réaménagement qui a suscité beaucoup d’espoir compte tenu du contexte dans lequel il est survenu, notamment la crise anglophone et l’année électorale dans ce pays.
Pour ce qui est de l’année électorale, pensent certains camerounais, il fallait une nouvelle redistribution des cartes pour écarter certains membres du gouvernement qui auraient été impliqués dans des affaires de corruption ou qui auraient commis certaines autres indélicatesses afin que le parti au pouvoir reconquière certaines voix qui semblaient vouloir lui échapper.
Quant à la crise qui est née des revendications des anglophones, il fallait en satisfaire certaines liées à la participation au gouvernement. Ils revendiquaient au moins un portefeuille de souveraineté et un autre dans un des ministères en charge de l’éducation étant entendu que le système éducatif camerounais abrite les sous-systèmes anglophone et francophone.
Les cartes ont été redistribuées et certaines revendications satisfaites. Presque trois mois après, c’est très tôt pour une évaluation nous dira-t-on. Mais nous pensons fermement qu’un ministre est comme un avant-centre appelé à l’équipe nationale de football de son pays, c’est-à-dire qu’il n’a pas le droit d’observer. Il a été appelé pour marquer des buts et il doit en marquer dès la première minute de jeu. De même un ministre n’a pas le droit d’attendre tant le chantier est pressant et vaste.
Autant les Objectifs du Développement Durable accordent une place primordiale à l’objectif de l’éducation (ODD4), autant nous aussi accordons, à l’éducation, une place de choix dans notre gouvernement, tout au moins pour le principe.
Le Professeur Pauline Nalova Lyonga Egbe a hérité du Ministère des Enseignements Secondaires (MINESEC), un ministère miné par la non prise en compte de la pédagogie et d’un mystère volontairement entretenu par ses prédécesseurs les plus immédiats pour ce qui concerne la carrière des enseignants, leurs mutations et leurs affectations. Beaucoup d’enseignants se disent satisfaits de sa nomination car les avancées qu’ils ont assez souvent connues dans leur ministère sont liées au passage des enseignants de formation à ce poste. C’est dire que Madame la MINESEC porte leurs espoirs.
En réalité la MINESEC n’a pas besoin d’observer. Elle peut agir efficacement, sans attendre. Deux grands importants, et pourtant vieux leviers sont à actionner : la loi d’orientation de 1998 et le statut particulier des fonctionnaires des corps de l’Education nationale du 5 décembre 2000 tous deux signés par le Président de la République.
La loi de l’orientation de 1998 est une émanation des états généraux de l’éducation de 1995. On peut lui reprocher certaines imperfections sur fond, notamment la fait qu’on n’y voie pas transparaitre clairement la devise qui devrait être le socle de la formation du citoyen, et bien d’autres choses encore. Mais il n’en demeure pas moins que c’est elle qui est en vigueur et qui devrait piloter notre système éducatif. C’est l’occasion, pour la MINESEC, de la mettre en œuvre. Ce d’autant plus qu’elle amorce une harmonisation des deux sous-systèmes éducatifs. En guise de rappel : Madame la MINESEC a été Vice Chancellor (Recteur) et a travaillé sous le pilotage d'une loi d’orientation moins vielle, la loi d’orientation de 2001 de l’enseignement supérieur. Elle en a certainement tiré des bienfaits, tant soit peu. Elle peut donc impulser la loi d’orientation de 1998 concernant l’éducation. Par cette action, elle influencera, à coup sûr, fortement et positivement, tout le système éducatif, du primaire à l’université en passant, bien sûr par les enseignements secondaires.
Quant au statut particulier, il accorde certaines primes et indemnités aux enseignants qui n'ont pas pris effet jusqu’aujourd’hui, 18 ans après la signature du décret présidentiel y afférent. C’est le lieu de demander leur application pour que la sérénité revienne enfin dans les rangs. Sur le plan du droit, c’est d’ailleurs une incongruité d’attendre des textes d’application, puisque le décret présidentiel est immédiatement exécutoire. Celui signé pour les policiers en 2012, soit 12 ans après celui des enseignants est déjà en application. Pourquoi pas celui des enseignants, est-on en droit de se demander ?
Au-delà de ce qu’il faut aller demander àtravers ces fameux textes d’application, il y a des dispositions qui ne font appel qu’à la volonté du ministre et de son management. Les articles 69 et 70 en sont un exemple illustratif : l’on n’a pas besoin d’un décret d’application pour éviter de promouvoir ceux qui ne le méritent pas. Cela veut dire que le tableau qui définit le profil de fonction peut être respecté et appliqué. L’on n’a pas besoin d’un géni particulier pour savoir qu’en nommant quelqu’un qui a 10 ans de carrière avant celui qui en a 15 l’on crée des frustrations et une démotivation du personnel. Pour ne citer que cet exemple.
Comment expliquer que la pédagogie ne soit pas prise en charge dans le financement alors que le MINESEC dispose de la quatrième enveloppe budgétaire ? Les inspecteurs pédagogiques régionaux ont à peine 30000fcfa de frais de mission par semestre. Que la pédagogie ne soit pas privilégiée dans un ministère en charge de l’éducation, cela a-t-il un sens ? Tout laisse croire que ce ne sont pas tant les moyens qui manquent mais que c’est la répartition qui est mal faite.
Madame la MINESEC a donc devant elle un chantier pressant. Il lui appartient d’agir afin de consolider les espoirs que sa nomination à la tête de ce département ministériel a suscités.
15/10/24 à 07h39 GMT