Par Marie Allimann pour GaïaPresse
Comment ne pas se réjouir du développement croissant du traitement des questions environnementales dans les médias ou des initiatives en matière d’environnement dans les écoles et universités ? Lucie Sauvé, directrice de Centr’ERE et professeure à l’UQAM, en convient, mais le constat est là : la dégradation de nos milieux n’a cessé d’augmenter. L’échec de l’éducation à l’environnement, telle qu’elle est faite actuellement au Québec, en est en partie responsable. Plutôt que d’avoir mené les citoyens à s’engager et à changer leur rapport à l’environnement, notre éducation s’est contentée d’en faire des « pollueurs instruits ».
La stratégie québécoise d’éducation en matière d’environnement et d’écocitoyenneté fait le diagnostic de la situation actuelle et propose des pistes de solutions. Résultat de travaux entamés en 2012, cette stratégie est menée par la Coalition Éducation-Environnement-Écocitoyenneté, lancée en juin dernier, « un collectif d’acteurs provenant de 57 institutions et organisations de notre société éducative », tels que Centr’ERE, Équiterre, l’Espace pour la vie de Montréal et la Commission scolaire de Montréal.
De ce diagnostic, il ressort une absence de lien entre le milieu éducatif (le milieu formel) et le milieu non formel, composé notamment des ONG, des parcs municipaux, provinciaux et nationaux, des médias ou des musées, qui possède l’expertise. « On ne met pas à profit le lien entre ces milieux où l’on pourrait partager les connaissances, les ressources et les compétences ». Autre constat : l’absence d’une éducation adéquate en matière d’environnement et d’écocitoyenneté dans le milieu éducatif. Celui-ci « est replié sur lui-même. Les écoles sont soumises au carcan des programmes, de la grille horaire et des évaluations. (…) Les professeurs manquent de liberté pédagogique », une liberté qui leur permettrait « d’intégrer l’environnement dans leur matière, comme l’histoire ou les arts ».
Quant au milieu non formel, il a vu son financement se « rétrécir jusqu’à complètement disparaitre. Ce financement se limite actuellement à des projets thématiques, mais il serait nécessaire [d’offrir un budget] pour permettre à ces organisations de développer leur mission ».
Des solutions simples et peu coûteuses peuvent stimuler le soutien à l’éducation en matière d’environnement et d’écocitoyenneté comme la formation des enseignants, une répartition plus égalitaire du financement aux ONG, la reconnaissance du travail des acteurs sur le terrain ou un répertoire des ressources. Un tel soutien existe dans d’autres pays, par exemple en « Colombie où l’éducation relative à l’environnement est inscrite dans la constitution ». Lucie Sauvé rappelle qu’il existait au Québec à partir des années soixante-dix, « des services, des initiatives pour promouvoir des projets, le réseautage entre acteurs » et un comité interministériel de l’éducation en environnement qui ont depuis disparu. C’est dans cette direction que le Québec doit retrouver son leadership et tel est l’objectif de la stratégie présentée aujourd’hui. Elle doit rejoindre la sphère politique, les ministères de l’environnement et de l’éducation et « toutes les institutions susceptibles de contribuer à l’intégration de cette éducation dans le système éducatif québécois et l’ensemble de notre société ».
Bien plus qu’une mobilisation des savoirs au profit de l’éducation, cette stratégie doit, selon Lucie Sauvé, éveiller l’émerveillement de tout un chacun. Au-delà « des petits gestes », cet émerveillement est fondamental pour permettre aux citoyens de s’engager dans la préservation de la nature et se reconnecter avec celle-ci.
Au sujet de l’auteure : Marie Allimann est journaliste indépendante, spécialisée dans le développement durable
Crédit photos: École-O-Champ
15/10/24 à 07h39 GMT