Lors de la quatrième conférence internationale et exposition sur les mines au Cameroun (CIMEC) qui s’est tenue du 22 au 24 mai 2024 au Palais des Congrès de Yaoundé, l’une des attractions était un side event auquel prenait part le bureau sous-régional pour l’Afrique centrale de la Commission économique des Nations unies pour l’Afrique (CEA). Au cours de cette activité, le chef de section des initiatives sous-régionales au bureau de la Commission économique pour l’Afrique (CEA) pour l’Afrique centrale, Dr. Adama Ekberg Coulibaly, a souligné que la certification de l’or et des produits miniers est le gage d’une industrie minière inclusive en Afrique. « Il faut investir dans la connaissance et disposer d’une banque de données pour savoir ce que nous avons en termes de ressources. Il y a une proposition pour avoir une banque des expériences sur les bonnes pratiques. Nous avons 54 pays sur le continent. Il y a des expériences et des bonnes pratiques qu’on peut partager avec des pays qui sont dans le besoin d’apprendre à se mettre à niveau », a fait savoir l’économiste senior à la CEA.
Dans la même veine, soutient Dr. Adama Ekberg Coulibaly, « il y a aussi la proposition au niveau de la CEMAC de la mise en place des centres de certification de l’or au niveau pays qui peut être étendu pour qu’on ait une plateforme régionale de certification qui va veiller au respect des exigences, des normes, des standards, pour parvenir à de l’or pur d’origine régionale. Il faut aussi développer une plateforme qui puisse promouvoir la monétisation de l’or, afin d’utiliser ce stock d’or pour aller sur les marchés financiers emprunter ce dont nous avons besoin comme financements, pour financer nos projets de production, de transformation et d’acquisition des technologies ».
Le success story qui vient de la Guinée-Conakry
S’il est un pays qui se démarque ces dernières années dans la structuration de l’activité minière, c’est la république de Guinée. Selon les informations communiquées lors du CIMEC 2024 par le directeur national adjoint de la géologie au ministère des Mines, Daouda Diakité, le potentiel minier de la Guinée est connu pour ses grandes réserves en bauxite, estimées à plus de 40 milliards de tonnes et en minerais de fer estimées à 20 milliards de tonnes. « Le pays a 40 000 km² de formations qui contiennent de l’or et de l’argent. On a plusieurs sociétés qui évoluent en Guinée. On a encore un grand potentiel aurifère à découvrir. Pour ce qui est du diamant, la plupart des exploitations se fait dans les alluvions. On a la possibilité d’aller chercher des diamants primaires pour augmenter la production du pays », a souligné le responsable guinéen. « On a aussi des indices sur les métaux critiques et/ou stratégiques comme le nickel, le cobalt, le cuivre et le zinc. Le graphite est également en exploitation », a-t-il ajouté.
Par ailleurs, la Guinée revendique la présence de plus de 15 sociétés qui sont activement en exploitation. Le cheval de bataille de l’Etat consiste à encadrer leurs activités pour améliorer le cadre de vie des populations. « L’orpaillage artisanal est un domaine assez complexe. Mais, la Guinée a essayé d’aborder un peu cette problématique en étant impliqué dans tous les processus. Ce que nous essayons de faire c’est de voir en termes d’informations disponibles si on peut mener des recherches éclairées ou rapides pour examiner les potentialités des sites d’exploitation artisanale. Et à partir de là, on procède à, la parcellisation des artisans. Cela nous permet d’encadrer et de mieux réguler le secteur », tel qu’indiqué par M. Daouda Diakité. A travers une telle démarche, les produits issus de l’exploitation artisanale peuvent être enregistrés au niveau de l’Etat, qui a mis en place des mesures pour amener les artisans à déclarer leur or au niveau des organismes dédiés, pour enregistrer ces ressources aurifères et rendre le secteur plus compétitif.
La question du contenu local est en outre mentionnée dans toutes les activités minières en Guinée. « Dans le code minier, on essaie de s’assurer que les directeurs adjoints de chaque société minière soit des Guinéens. Il y a aussi le transfert de technologies, parce qu’il faudrait que l’Afrique, en termes de contenu local, ne soit pas juste passif. Il faut qu’on oblige les sociétés minières à transférer la technologie, pour avoir la main sur un certain nombre d’activités d’exploitation minière. Il y a en outre la question de la sous-traitance, de la fourniture des équipements et des produits. En ce qui concerne la sous-traitance, on se rassure que les sociétés en activité dans les mines soient détenues entièrement par les Guinéens », rassure Daouda Diakité.
La recherche en avant-garde
Dans le vaste chantier engagé pour rendre l’activité minière durable et profitable à tous les acteurs, le monde la recherche a une partition à jouer. « Les institutions universitaires et les grandes écoles comme celle que je dirige ont beaucoup de choses à apporter dans l’industrie minière. Nous formons d’abord des compétences adaptées au marché local et des compétences que peuvent rechercher les industries, c’est-à-dire que nous essayons de nous adapter et prenons les nouveaux métiers qui sont dans le secteur industriel et nous formons en conséquence », fait observer le directeur de l’Ecole de génie chimique et des industries minérales (EGCIM) de l’université de Ngaoundéré, Pr. Esther Ngah. L’université peut aussi apporter dans le domaine de la recherche, surtout la recherche-développement, pour rencontrer les besoins en innovations. Il y a en outre le consulting où le savoir-faire des chercheurs est sollicité. « Nous avons beaucoup d’experts mis à la disposition des entreprises minières pour adresser tous leurs besoins : la collecte des données, les niveaux d’enrichissement des différents minerais qu’ils vont exploiter, etc. », affirme le Pr. Ngah.
Le directeur de l’EGCIM de Ngaoundéré soutient qu’au niveau de son institution, un partenariat gagnant-gagnant a été noué entre les usines et les entreprises minières et l’école avec une gestion selon le modèle de partenariat public-privé, pour que le partage des bénéfices puisse se faire. La démarche a été baptisée Exim pour apporter un outil pédagogique afin de développer des usines-écoles voire des sites miniers écoles où les étudiants peuvent mieux se professionnaliser, étant donné que le secteur minier est assez fermé. Un autre projet en cours est la mise en place des projets de recyclage des déchets ou des effluents miniers. « Nous allons vers les entreprises pour leur montrer comment nous pouvons gérer leurs effluents/déchets miniers dans d’autres sites de production ou dans des sites parallèles qui peuvent être complètement gérés par d’autres entreprises ou par les mêmes entreprises », soutient le Pr. Esther Ngah.
La coopération intra-africaine : moteur du décollage de l’industrie minière au Cameroun et en Afrique
Dans son discours d’ouverture du CIMEC, le Premier ministre Chef du gouvernement, Joseph Dion Ngute, a rappelé que les richesses minières sont un puissant vecteur de transformation structurelle de nos économies et que le développement et la consolidation d’une telle démarche repose sur un cadre institutionnel approprié. A sa suite, le ministre par intérim de l’Industrie, des Mines et du Développement technologique, Fuh Calistus Gentry, voit en les gisements miniers des moyens de renforcement de la croissance économique dans la sous-région. La CEMAC elle, dans son effort et sa vision de transformation structurelle, considère que l’industrialisation est importante. « Les minerais rares sont des sources d’enjeux énormes pour le développement de la CEMAC et elle est bien placée pour en assurer la synergie, plus spécialement encore pour assurer une certaine coopération qui permettra à chacun de ces pays de tirer le meilleur profit et donc de se développer », souligne le vice-président de la Commission de la CEMAC, Dr. Charles Assamba Ongodo.
Les défis à relever pour relever le pari de la durabilité de l’industrie minière sont multiples. Le Dr. Adama Ekberg Coulibaly souligne notamment le capital financier qui est le facteur intégrateur pour relever le défi de compétences. Sans oublier le défi de la durabilité qui passe par l’investissement dans les technologies et dans la recherche, entre autres. Il y a aussi le défi de la gouvernance, « L’Etat doit jouer pleinement son rôle de régulation. Les communautés riveraines doivent être prises en compte en termes de besoins de santé, de formation, d’amélioration du cadre de vie », soutient l’économiste senior. Le changement de paradigme intègre enfin la responsabilité sociétale des entreprises, qui voudrait que les multinationales puissent respecter les règles, normes, exigences, les droits de l’Homme, l’environnement, les bonnes pratiques.
10/12/24 à 09h58 GMT