Qelasy, c'est le nom de la tablette qu'a inventé l’Ivoirien Thierry N’Douffou pour alléger le travail des élèves africains. Elle contient tous les livres de l’élève et facilite ainsi l'interaction pédagogique en classe.
les TICES sont censés être au service des acteurs de l'éducation. Il se trouve que le continent africain est toujours à la recherche de ses marques tant les innovations sont rares et celles éprouvées ne sont pas assez vulgarisées. Pour résoudre la question de la lourdeur des cartables scolaires et leurs conséquences sur la santé des élèves un jeune inventeur ivoirien dévoile sa trouvaille. Fini le port de sacs lourds avec ses corrolaires d'ennui de santé.
Un jeune informaticien ivoirien de 37 ans, Thierry N’Douffou, a inventé Qelasy (1), la première tablette éducative d’Afrique, lancée officiellement en 2014 à Abidjan.
C’est un outil dont l’usage devrait permettre de réduire au strict minimum, voire annuler, le fardeau du cartable ; à travers la numérisation des manuels scolaires, qui représentent l’essentiel du poids du cartable.
"Qelasy a été conçue pour réconcilier l’école en Afrique avec les technologies. L’idée nous est venue de notre parcours professionnel où nous avons réalisé qu’il n’y a pas eu véritablement d’impact du numérique sur l’éducation, contrairement à d’autres domaines comme la santé et le divertissement. Cet outil vient améliorer et optimiser l'enseignement", explique Thierry N’Douffou.
En effet, "cette tablette remplace le cartable des élèves, car elle contient tous les livres et permet aux élèves d'accéder à internet et à des bibliothèques. Il faut dire que Qelasy est née d’un déchirement de cœur, parce qu’en tant que parent, c’était pénible de voir nos enfants aller à l’école avec de gros sacs de 7 ou 8 kilogrammes," poursuit l’intéressé.
"Alors, on s’est demandé pourquoi ne pas concevoir quelque chose qui va être non seulement moins lourd, mais qui va contenir en même temps des milliers de livres auxquels pourraient accéder ces enfants", relate-t-il.
Restrictions
L’appareil qui est assemblé en Chine se décline en trois modèles : un pour les plus petits, un autre pour les collégiens et lycéens, et le dernier pour les étudiants.
Enveloppé d'une coque de silicone pour résister aux chocs, l'appareil de 8 pouces est étanche ; ce qui lui permettrait, selon son concepteur, de résister aux intempéries, à la poussière, mais également à la chaleur.
Il peut supporter des températures supérieures à 55 degrés, soit 10 degrés de plus en moyenne que les tablettes classiques.
Avec une mémoire de stockage de fichiers de 16 gigaoctets, Qelasy dispose d’une batterie ayant 8 heures d’autonomie.
Son fonctionnement est tel que l’enseignant a une sorte de "don d’ubiquité", qui lui permet depuis son poste de voir tout ce qui se passe en temps réel sur la tablette de chaque élève.
"Donc à partir de ce moment, il peut voir qui fait quoi, et arrêter celui qui a l’intention de tricher", fait observer l’inventeur de Qelasy.
“Avec ses petits doigts, l’élève appuie sur un bouton qui lui montre sa bibliothèque, il pourra ensuite reconnaitre la couverture du livre qu’il va utiliser”
Thierry N’Douffou
Informaticien, inventeur de Qelasy
L’on signale également que la tablette, dont la taille a été étudiée pour tenir entre de petites mains et des grandes, se caractérise surtout par sa facilité utilisation.
Le parent définit les usages possibles, notamment les heures auxquelles on peut l’utiliser, ainsi que des restrictions pour l’utilisation de l’internet.
Une fois ce paramétrage installé, on donne l’appareil à l’enfant qui peut y consulter un ensemble de livres déjà dématérialisés.
"Nous avons aussi la possibilité d’ajouter à ces livres des éléments multmédia, pour véritablement plonger l’enfant dans ce qu’il apprend, lui permettre d’être encore plus immergé dans le cours, d’être davantage engagé, d’être heureux d’apprendre", relève Thierry N’Douffou.
En plus, "la tablette est faite de façon à ce que même un enfant qui démarre son cycle d’apprentissage puisse, juste avec un toucher de doigt, accéder à ses livres", dit-il.
"Avec ses petits doigts, l’élève appuie sur un bouton qui lui montre sa bibliothèque, il pourra ensuite reconnaitre la couverture du livre qu’il va utiliser", explique-t-il.
des utilisateurs apprécient
Ainsi, tout en sauvant les livres dématérialisés de l’usure du temps et des effets de la manipulation, ce cartable numérique qui ne pèse que quelque 480 grammes permet au secteur de l’éducation de s’adapter à l’évolution technologique du moment.
Selon ses promoteurs, cet appareil est déjà utilisé dans près de 200 écoles, notamment en Côte d'Ivoire, au Sénégal, au Niger et au Maroc.
L’une des écoles qui utilisent déjà cette tablette numérique est l’Institut Raggi Anne Marie (IRMA) de Grand Bassam à Abidjan. Et pour Patrice Dally, son directeur, Qelasy est une "belle expérience".
"On gagne en temps dans les explications, puisque toutes les illustrations possibles d’un cours sont disponibles. Par exemple, un cours de géographie sur le relief nous permet de passer une vidéo sur des montagnes. Et ça crée beaucoup plus de motivation chez les enfants", explique-t-il.
Révélant au passage que l’année dernière, une classe pilote de 3ème mise en place par l’école pour tester la tablette a réalisé 80% de taux de réussite au Brevet d’études du premier cycle (BEPC).
Cette appréciation est partagée par les élèves eux-mêmes. Aujourd’hui en classe de seconde littéraire, Caroline Soro M. qui utilise Qelasy depuis l’an dernier juge l’outil "très pratique".
"Ça me permet d’aller au-delà des cours du professeur ; surtout dans une matière comme l’anglais. J’ai ainsi pu augmenter ma moyenne de 11 à 16", confie-t-elle.
Quant à Richard Gahuidi, professeur d’histoire-géographie, il se réjouit de ce que la tablette prend en compte plusieurs aspects de l’enseignement d’une leçon.
"Avant d’échanger avec les enfants, dit-il, je passe des vidéos de quelques minutes sur des faits historiques. Si bien que les enfants comprennent plus vite la leçon qui suit. Et on gagne en temps"
Pour autant, les utilisateurs de la tablette estiment que certaines de ses caractéristiques gagneraient à être améliorées.
Rais Daly, chargé de la formation et du matériel informatique à IRMA, trouve par exemple son écran trop fragile pour un instrument pédagogique appelé à être manipulé par des enfants.
"Une fois qu’elle tombe avec une certaine force, son écran se brise et on est obligé de changer de tablette", déplore-t-il, espérant que les prochaines versions seront plus solides.
Il pense en outre que l’enregistrement préalable dans la tablette de certaines ressources pédagogiques telles que des vidéos n’est pas efficace.
Autonomie de la batterie
"Ces éléments doivent être d’abord stockés sur le serveur de l’école, de sorte que l’enseignant puisse les récupérer et les envoyer aux élèves au moment opportun", suggère-t-il.
De son côté, Caroline Soro M. trouve que la batterie de l’appareil n’a pas une autonomie suffisamment longue.
Israël Guebo Yoroba, enseignant des nouveaux médias à l’Institut des sciences et techniques de la communication (ISTC), attire pour sa part l’attention sur la question de la sécurité informatique au sujet de cette tablette.
"Comme le téléphone, la tablette a aussi ses revers. Il faut que son usage soit régulé et encadré, conformément à la loi sur la protection des données en Côte d’Ivoire", conseille-t-il.
Et de préciser : "il s’agit de faire en sorte que les parents et les encadreurs soient totalement impliqués dans la gestion de cette tablette. Question de la crypter pour qu’on ne puisse pas y installer n’importe quelle application. Afin que les applications qui y sont installées soient uniquement à usage pédagogique. Il ne faut pas qu’on sorte de ce cadre-là, sinon, on risque de se perdre".
Mais, par-dessus tout, le directeur de l’IRMA pense que Qelasy est un outil adapté à l’environnement scolaire et pédagogique et qui mérite d’être vulgarisé.
Source: www.scidev.net
05/07/24 à 13h25 GMT