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Ouverture du Sommet de Brazzaville : allocution du Président congolais


Discours du Président Denis Sassou Nguesso à l’ouverture du 2ème sommet sur la Bassin du Congo à Brazzaville

Excellence Messieurs les Chefs d’Etats et de Gouvernement,
Monsieur le Représentant du Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies,
Mesdames et Messieurs les Ministres,
Mesdames et Messieurs les Représentants des Institutions sous-régionales, régionales et internationales,
Mesdames et Messieurs les Représentants des Organisations non gouvernementales,
Excellences Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs, Chefs de missions diplomatiques,
Distingués invités,
Mesdames et Messieurs,

Le rôle que joue la forêt d’Afrique Centrale, vaste massif de 228 millions d’hectares d’un seul tenant, dans l’équilibre écologique de notre planète, au regard de la préservation des ressources en eau, de la protection des sols contre l’érosion, du maintien de la biodiversité, de la prévention des risques naturels, de l’épuration de l’air, est un rôle considérable et primordial. La conservation et la gestion durable des écosystèmes forestiers d’Afrique Centrale, ceux du Bassin du Congo notamment, constituent, de ce fait, un enjeu mondial majeur pour l’avenir de l’humanité tout entière.

C’est donc une chance partagée qui induit notre responsabilité commune. La préservation du Bassin du Congo, deuxième poumon écologique de la planète après le Bassin de l’Amazonie, s’impose comme une exigence de survie collective. Voilà pourquoi le présent sommet est placé sous l’égide de l’Organisation des Nations Unies, représentée ici par le délégué de son Secrétaire Général, que je salue avec bienveillance.

Voilà également pourquoi nous avons tenu à associer dans ces assises, des Chefs d’Etats et de Gouvernement, des Représentants des Organisations internationales, des experts et spécialistes internationaux.

Le Congo, son peuple, son Gouvernement et moi-même sommes fiers de vous accueillir à Brazzaville, au coeur du Bassin du Congo. Nous sommes fiers et heureux de vous accueillir dans ce pays qui a fait du développement durable son cheval de bataille.

En effet, le Congo possède un réseau de parcs nationaux et réserves couvrant une superficie de 3.655.000 ha, soit 11,2% du territoire national ; une superficie forestière de 22 millions d’ha; un potentiel élevé de diversité biologique. Des atouts qui ont favorisé l’adoption par le Gouvernement d’une politique volontaire et hardie qui permet à notre pays de servir de laboratoire pratique, un terrain d’expérimentation, où doivent s’opérer les mutations nécessaires pour une gestion responsable des forêts tropicales d’Afrique.

Nous sommes, une fois encore, fiers et heureux de vous recevoir. Et je voudrais vous dire à tous ma profonde gratitude d’être venus. Cette gratitude, je la destine de façon particulière au Président de la République française, le Président Jacques Chirac qui, depuis plusieurs années, est aux avant-postes de l’écologie et du développement durable.

Monsieur le Président et très cher ami, en vous engageant dans cette bonne et noble cause avec tant de générosité et d’enthousiasme, vous perpétuez les traditions de notre pays où le principe du développement durable avait déjà été énoncé en 1346 par Philippe VI de Valoi qui invitait, par l’ordonnance de Brunoy, les maîtres des forêts à les gérer (je cite, tel que dit dans la langue de l’époque) : «En regard à ce que les dites forêts et bois se puissent perpétuellement soutenir en bon état» (fin de citation).

Le 02 septembre 2002, à Johannesburg, à l’occasion du Sommet mondial du développement durable, vous-même, Monsieur le Président, avez déclaré : «L’invention du développement durable est un progrès fondamental au service duquel nous devons mettre les avancées des sciences et des technologies…. La France proposera à ses partenaires du G8 l’adoption d’une initiative pour stimuler la recherche scientifique et technologique au service du développement durable».

Il y’a douze jours, le 24 janvier dernier, à Paris, à l’occasion de la Conférence internationale « Biodiversité : Science et Gouvernance», après avoir annoncé que la France inscrivait cette année dans sa Constitution une charte de l’environnement qui consacre la biodiversité comme droit et comme patrimoine collectif, vous avez dit qu’:«en cette année 2005, année du développement, la France souhaite que s’affirme une conception plus large de la solidarité. La biodiversité et l’équilibre du climat sont des biens publics mondiaux. Dès lors, nous devons être prêts à mutualiser une partie du coût de leur préservation. Ce pourrait être l’une des affectations des financements innovants pour le développement que propose la France».

C’est dire combien votre pays, un des pionniers dans l’administration forestière, est au cœur du combat pour le développement durable. Nous vous en savons gré.

Excellences Messieurs les Chefs d’Etat et de Gouvernement,
Monsieur le Représentant du Secrétaire général des Nations Unies,
Distingués invités,
Mesdames et Messieurs,

Aujourd’hui, le principe du développement durable a atteint la conscience universelle. Que vous ayez répondu si nombreux à notre invitation en est la preuve la plus éloquente. Pareille prise de conscience collective devant une urgence qui engage notre destin commun est le symbole d’une réconfortante assurance : celle du triomphe de la raison sur le chaos qui, à maints égards, semble s’emparer de notre vécu quotidien.

En effet, notre époque est particulièrement marquée par de grâves menaces et atteintes à l’environnement global, consécutive notamment à l’exploitation inconsidérée des ressources naturelles disponibles et au développement d’industries peu soucieuses de préserver l’intégrité du milieu. Il en découle des changements climatiques et des catastrophes écologiques dont les populations les plus démunies et les plus vulnérables, les femmes et les enfants payent le plus lourd tribut.

Je ne saurais décliner ici, la longue liste de ces désastres. Toutefois, je voudrais saisir cette occasion pour avoir une pensée émue pour les nombreuses victimes du raz-de-marée de l’océan indien et m’incliner devant leur mémoire.

Excellences Messieurs les Chefs d’Etat et de Gouvernement,
Monsieur le Représentant du Secrétaire général des Nations Unies,
Distingués invités,
Mesdames et Messieurs,

Il y’a un peu plus de trente ans, les Etats d’Afrique Centrale ont résolu, ensemble, de relever le défi du développement durable. Dès les années 70, ils se sont dotés d’un cadre légal d’exploitation des ressources forestières. Ils ont décidé, au milieu des années 90 de promouvoir un processus sous-régional concerté de gestion durable de la diversité biologique. C’est ainsi qu’en mai 1996 a eu lieu à Brazzaville, le première Conférence sur les écosystèmes forestiers des forêts denses et humides d’Afrique Centrale. Ce forum a marqué le point de départ de l’engagement des pays de l’Afrique Centrale dans un processus de concertation et d’harmonisation de leurs politiques forestières.

Le 19 mars 1999, les Chefs d’Etat de la sous-région ont posé un acte politique unique avec l’adoption de la déclaration de Yaoundé. La déclaration de Yaoundé est un engagement solennel pour une gestion concertée et durable des écosystèmes forestiers d’Afrique Centrale. La déclaration de Yaoundé fait, par ailleurs, obligation à chaque Etat membre de la sous-région d’inscrire les questions forestières et environnementales dans les priorités nationales de développement.

Le Sommet de Yaoundé a été ainsi un moment politique important et décisif qui a permis de jeter les bases d’un processus d’intégration sous-régionale dans les secteurs forêts et environnement en Afrique Centrale. Que Son Excellence Monsieur Paul Biya, Président de la République du Cameroun, trouve ici, l’expression de mon hommage appuyé et de mes félicitations pour les avancées significatives réalisées sous sa présidence par la sous-région, voici bientôt six ans!

Je voudrais également féliciter les Ministres en charge des forêts d’Afrique Centrale qui, ayant compris les préoccupations des Chefs d’Etat, se sont efforcés de traduire dans les faits les engagements contenus dans la déclaration de Yaoundé.

C’est ici le lieu de saluer l’intérêt et l’appui multiforme de la Communauté internationale à, la gestion durable de nos ressources forestières. En effet, prenant en compte la déclaration de Yaoundé, l’Assemblée générale des Nations Unies, lors de 54ème session du 1er février 2000, a adopté la résolution n°54/214 par laquelle elle soutien l’initiative des Chefs d’Etat d’Afrique Centrale et invite la communauté internationale à les aider dans leurs efforts de développement forestier par une assistance technique et financière conséquente.

Cet appel a été entendu par les Gouvernements du G8, l’Afrique du Sud, par les Organisations internationales et Organisations non gouvernementales membres du Partenariat pour les forêts du Bassin du Congo, par des Organismes de coopération bilatérale et multilatérale à qui je me dois d’exprimer notre reconnaissance. En effet, par des concours techniques et financiers, ils apportent une contribution significative au renforcement des capacités en matière de gestion durable de nos écosystèmes forestiers.

Je voudrais saisir cette opportunité pour rendre hommage, au nom des Chefs d’Etat d’Afrique Centrale, la facilitation américaine pour la qualité du travail accompli depuis la première réunion d’organisation et de concertation du partenariat pour les forêts du Bassin du Congo, tenue à Paris en janvier 2003.

Je ne ménagerai pas mes encouragements à la France afin qu’elle assure, à coté de la convergence des actions, une autre convergence : celle des forces et des ressources, c'est-à-dire une coalition internationale plus forte et plus déterminée autour de notre idéal commun, la conservation et la gestion durable des écosystèmes forestiers d’Afrique Centrale.

Enfin, il nous est particulièrement agréable d’accueillir à Brazzaville, Son Excellence Madame Wangari Maathai Muta, Prix Nobel de la Paix. Tout en la félicitant pour la haute distinction qui lui a été décernée par l’Académie royale de Suède, je voudrais suggérer à mes pairs de la sous-région de l’élever au rang d’Ambassadrice Itinérante du Bassin du Congo. Chère Madame, nous serions honorés si, tel qu’est notre souhait, vous acceptiez de vous joindre à nous pour assumer cet autre sacerdoce.

Excellences Messieurs les Chefs d’Etat et de Gouvernement,
Monsieur le Représentant du Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies,
Distingués invités,
Mesdames et Messieurs,
A la lumière du bilan de l’action menée depuis le Sommet de Yaoundé, nous devrons nous atteler au cours des présentes assises :

1- à vulgariser le plan de convergence sous-régional, stratégie à long terme de conservation et de gestion durable des nos écosystèmes forestiers, principal volet forestier de l’initiative environnementale du NEPAD ;

2- à établir le consensus sur la mise en place des ressources adéquates pour le financement de ce plan ;

3- à entériner la création de la Commission des forêts d’Afrique Centrale et élargir le processus sous-régional de gestion des écosystèmes forestiers à tous les pays qui ont en le partage, afin de mieux répondre aux idéaux d’intégration promus en zone CEEAC ;

4- à procéder à la signature du Traité consacrant les engagements des dirigeants d’Afrique Centrale à conserver et à gérer durablement les écosystèmes forestiers de la sous-région ;

5- à adopter la déclaration énonçant les conclusions du Sommet.

Excellences,
Mesdames et Messieurs,
La communauté internationale attend beaucoup de nos assises. Elle voudrait mesurer notre engagement et la contribution multiforme de la sous-région à la préservation de ce vaste Bassin qui représente incontestablement l’une des plus grandes réserves de la diversité biologique mondiale. Pour notre part, nous sommes conscients de la responsabilité qui nous incombe et l’assumons toujours dans la mesure de nos capacités.

En tout état de cause, après Yaoundé en 1999, Brazzaville 2005 doit marquer une nouvelle étape, une étape décisive, sur la voie du raffermissement de notre volonté politique commune et de notre vision partagée de gérer durablement les écosystèmes forestiers d’Afrique Centrale. Nous sommes persuadés qu’en joignant l’acte à la parole, en joignant l’acte aux déclarations d’intentions et pétitions de principe, nous allons installer solidement l’Afrique Centrale dans un développement véritablement durable :

- Un développement qui nous permet de vivre ensemble, dans un espace où la solidarité n’est pas un simple slogan. Un espace débarrassé des dérives identitaires, des compartiments, des enfermements et des exclusions ;

- Un développement qui fait qu’aujourd’hui prépare et préserve demain ; un développement qui pourvoie aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures à subvenir aux leurs ;


- Un développement qui permet de trouver une juste solution entre la nécessaire préservation de l’environnement et les exigences de la survie des populations riveraines des forêts devant être protégées ; un développement qui concilie l’économie et l’écologie.

Voici donc les grands défis et les grands enjeux du moment. Ils sont à notre portée. Ensemble et avec l’aide de nos amis et partenaires, nous y parviendrons. J’en suis convaincu, puisque l’ouvrage est sur le métier.

Vive l’Afrique Centrale !
Vive le partenariat international sur le Bassin du Congo !
Plein succès à nos travaux !

Je déclare ouverts les travaux du deuxième sommet des Chefs d’Etat sur la conservation et la gestion durable des écosystèmes forestiers d’Afrique Centrale.

Je vous remercie de votre aimable attention.
(SBC-2005)
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