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DEVELOPPEMENT-NIGER : L'éducation pour prévenir l'exode des jeunes


Par Adel Arab

NIAMEY, 7 mars (IPS) - 'Yama', la côte en langue locale Zarma du Niger, tous les jeunes nigériens en rêvent et veulent aller vers les pays côtiers. Ils y vont, les yeux pleins d'espoir, pour gagner de l'argent et, pourquoi pas, devenir riches.


Les plus chanceux auraient réussi à monter, grâce à ces voyages, d'importants projets d'élevage de bétail. D'autres ont pu également épargner un peu d'argent pour pouvoir se marier.

''Mais, combien de jeunes ont-ils pu s'en sortir, en migrant vers la côte et, surtout, à quel prix?'', s'interroge le jeune Sadou Oumar, natif du village de Nakinfada, situé à environ 120 kilomètres de Niamey, la capitale nigérienne.

Oumar reconnaît toutefois qu'un ami à son frère aîné, âgé de 25 ans, a pu épargner de l'argent à l'étranger pour se constituer un petit troupeau de vaches qui subviennent aux besoins de sa famille démunie restée au pays.

Le Niger est un vaste pays enclavé d'Afrique de l'ouest, d'une superficie de 1,267 million de kilomètres carrés dont la plus grande partie est désertique dans le nord.

Comme dans les autres villages du Niger, la pauvreté oblige souvent les jeunes de Nakinfada à partir vers la côte pour chercher un travail rémunérateur qui leur permettrait de s'en sortir et d'aider leurs familles au pays.

Dans ce pays, l'un des plus pauvres de la planète, 63 pour cent de la population vit en dessous du seuil de pauvreté, selon le Rapport mondial sur le développement humain 2004 du Programme des Nations Unies pour le développement.

Le Niger compte environ 11,6 millions d'habitants dont plus de 80 pour cent vit d'une exploitation agricole, selon des statistiques officielles. Mais, depuis les années 1970, le pays connaît un important déficit pluviométrique, avec de graves conséquences sur l'agriculture et l'élevage, les deux principales activités des populations rurales.

Le désert qui avance de six kilomètres cause la perte de 100.000 hectares de terres cultivables chaque année, selon le rapport 'L'Etat du Monde 2004', réalisé par le Centre d'études et de recherches internationales de sciences politiques, basé en France. Et la désolation pousse les jeunes à quitter leur pays.

Mais à 19 ans, Oumar estime qu'en dehors de la pauvreté, c'est le manque d'éducation qui favorise réellement la migration des jeunes vers les pays côtiers de la sous-région, notamment la Côte d'Ivoire, le Togo, le Bénin et le Nigeria. ''C'est surtout le manque de qualification qui pousse les jeunes à immigrer'', déclare-t-il à IPS.

Selon l'Etat du Monde, plus de 700.000 Nigériens vivent en Côte d'Ivoire seule.

Une enquête réalisée par l'organisation non gouvernementale (ONG) Plan Niger, en 2004, révèle que sur les 1.440 habitants de Nakinfada, plus de cent jeunes sont candidats à l'immigration chaque année. La majorité d'entre eux se transforment en porteurs dans les ports ou en vendeurs ambulants d'objets divers.

''Cinquante pour cent de ces jeunes ne reviennent plus au pays'', affirme à IPS, Soumana Abdoulaye, coordonnateur technique pour le changement de comportement positif dans cette ONG. Selon lui, ces jeunes vivent souvent dans une grande pauvreté et ne parviennent même pas à épargner pour le billet de retour. ''Il y a aussi la honte de revenir les mains vides au village'', explique-t-il.

Contrairement aux jeunes de son village, Oumar indique n'avoir jamais été tenté par l'aventure vers la côte. ''Beaucoup de jeunes qui vont vers la côte n'arrivent pas à gagner assez d'argent alors qu'ils travaillent très dur. Certains attrapent même des maladies graves telles que le SIDA et la tuberculose, et en meurent plus tard. Ce n'est pas une bonne solution pour lutter contre sa propre pauvreté'', regrette-t-il.

Ayant refusé de subir le même sort que ces aînés, ce jeune homme estime qu'il vaut mieux essayer de trouver des solutions durables sur place. Pour cela, il faudra, selon lui, avoir impérativement un esprit ouvert et capable de bien analyser les problèmes. ''Seule l'éducation permet à l'homme de travailler et de gagner dignement sa vie en moyennant sa tête'', croit-il.

C'est grâce à l'école communautaire que ce jeune compte réaliser son rêve car, malgré son âge avancé, Oumar est inscrit aujourd'hui en classe de sixième. Ce qui n'était guère possible avant l'expérimentation de ce système dit de deuxième chance. ''J'apprends à lire et à écrire en français'', dit-il fièrement. ''Quoi de plus important que cet avantage?'', demande-t-il.

En étudiant, même à un âge tardif, ce jeune homme au regard vif dit vouloir, non seulement sortir de l'emprise de l'analphabétisme, mais développer également ses capacités intellectuelles pour mener plus tard une meilleure existence.

''Cette nouvelle forme d'éducation - les écoles communautaires - constitue une véritable seconde chance parce qu'elle permet aux enfants déscolarisés et à ceux qui n'ont jamais pu être inscrits, de se rattraper et de suivre un cursus scolaire normal'', explique Djibou Voureyma, coordinateur du programme éducation auprès de Plan Niger.

Entièrement financée et équipée par Plan Niger, l'école de Nakinfada compte actuellement deux classes qui encadrent un effectif d'environ 250 élèves, dont 124 filles. Une école, avec le bureau du directeur et des latrines, d'un coût d'environ 30.000 dollars.

L'ensemble des élèves est encadré par six maîtres, dont deux titulaires et quatre volontaires. Quatre des maîtres sont des femmes. Les salaires des enseignants, environ 90 dollars par mois, sont pris en charge par la communauté, en guise de contribution à son propre développement.

L'école communautaire premier type, celle des six à 12 ans, n'est pas différente de l'école classique, car elle fonctionne selon le même cycle d'études - pendant six ans - et le même programme scolaire.

Par contre, les enfants de plus de 12 ans, suivent un cursus de quatre ans, avec un programme scolaire différent du programme national, mais très flexible. Les parents ont la liberté d'introduire, dans le programme d'enseignement, des modules qui les intéressent au niveau de leur communauté, comme l'hygiène, l'environnement, la santé. Ils ont également la possibilité de fixer le calendrier de l'école et les horaires des cours.

A l'issue des quatre ans, ces enfants seront initiés à une formation professionnelle pour en faire des producteurs de la communauté : des agriculteurs ou éleveurs qui exercent leur métier de manière plus scientifique, mais également des para-vétérinaires, des para-infirmiers. Il y a en outre des formations prévues pour les filles, comme la couture, le tricotage...

Selon Oumar, si les jeunes de son village saisissaient cette occasion pour s'instruire, ils pourraient par la suite, grâce à l'aide financière et technique apportée soit par Plan Niger, soit par d'autres ONG, entreprendre ou développer des activités génératrices de revenus qui les empêcheraient de recourir à l'exode. ''Cela serait mille fois plus bénéfique pour eux-mêmes et pour leur communauté'', dit-t-il.

Comme il n'est jamais trop tard pour bien faire, Oumar a une grande ambition : devenir un jour un bon enseignant pour mener une lutte sans merci contre l'analphabétisme et la pauvreté, grâce à l'éducation des jeunes et des adultes. ''Je voudrais aussi prendre part au processus d'intégration de ma communauté pour un meilleur environnement et une vie meilleure, en apprenant aux jeunes que la solution à leurs problèmes se trouve là où ils sont, et non ailleurs''.

''Le développement et l'intégration des populations rurales doivent passer inéluctablement par l'éducation des enfants et des adultes à l'école et en dehors de l'école'', explique Carlos Cortes, le représentant de Plan Niger. ''A travers l'éducation et la formation, nous recherchons aussi le changement positif de comportement des communautés rurales, car le développement ne peut s'accomplir sans cela'', ajoute-t-il. (FIN/2005)
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