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Le Niger à la reconquête du désert


Face à l'avancée du désert et l'insécurité alimentaire, le Niger a lancé cette semaine un programme d'action de 1,1 milliard de francs CFA (environ 1,7 million d'euros) pour la restauration de 8.000 hectares de terres agricoles rognées par les sables.

Ce plan portera sur les huit régions formant le territoire du Niger, a précisé Abdou Labo, ministre de l'Environnement et de la Lutte contre la désertification de ce pays sahélien enclavé. Dans chacune de ces régions, il s'agira de récupérer d'ici le mois de juin prochain 1.000 hectares de terres.
Plusieurs milliers de personnes, essentiellement des jeunes, seront employés à la construction de "banquettes" et de "demi-lunes", des systèmes classiques de la lutte antiérosive qui réduisent la vitesse de ruissellement et le phénomène de ravinement, facilitent l'infiltration des eaux dans le sous-sol et améliorent ainsi la regénération des plantes.

Le Niger comme d'autres pays d'Afrique est confronté à une réduction des superficies cultivables qui accentue le risque de pénuries alimentaires et menace des millions de personnes.
D'après les Nations unies, 65% des 800 millions d'Africains sont concernés par la dégradation des sols, dont la Banque mondiale dit qu'elle "pourrait bien être le plus redoutable changement écologique ayant un impact direct sur les moyens de subsistance des pauvres".
Les experts internationaux estiment que l'appauvrissement des terres coûte chaque année à l'Afrique subsaharienne plus de 3% de son Produit intérieur brut.

"RÉFUGIÉS ENVIRONNEMENTAUX"

"Le pire serait que le phénomène s'aggrave sous l'effet des changements climatiques et provoque des phénomènes migratoires à grande échelle, suscite des conflits ou une instabilité au plan régional", relevait le mois dernier Warren Evans, directeur du département de l'Environnement de la Banque mondiale, lors du lancement à Nairobi de TerrAfrica, une initiative visant à s'attaquer à ce problème.
En attribuant en 2004 le prix Nobel de la Paix à la Kényane Wangari Maathai pour son combat contre la déforestation, le comité Nobel avait illustré de façon spectaculaire le lien entre dégradation de l'environnement et risques de conflits.

Selon l'Onu, si rien n'est fait pour protéger les sols, l'Afrique subsaharienne pourrait assister dans les vingt prochaines années à l'exode de quelque 25 millions de "réfugiés environnementaux", avec les risques de déstabilisation politique et sociale que de tels mouvements de populations comportent.
Lancé le 24 octobre à Nairobi, l'objectif de TerrAfrica, qui regroupe des gouvernements africains et des institutions internationales comme le Programme des Nations unies pour le développement (Pnud) ou le Nepad (le Nouveau partenariat pour le développement de l'Afrique), est de mobiliser au moins 4 milliards de dollars sur une période de douze ans.
"Je ne connais pas plus de dix pays en Afrique qui allouent 10% de leurs dépenses nationales au secteur rural", déplorait Hama Arba Diallo, secrétaire général de la Convention des Nations unies sur la lutte contre la désertification, lors d'un entretien accordé à cette occasion à l'agence Reuters.
"Il existe une contradiction fondamentale entre les objectifs d'éradication de la pauvreté et de sécurité alimentaire et le contexte d'un soutien diminué aux activités en secteur rural", ajoutait-il, relevant cependant certains progrès localisés: "Au Niger, au Bénin, au Mozambique, des opérations de reforestation impliquant la jeunesse démontrent que l'on peut stopper la dégradation des sols, créer des emplois, générer des revenus dans des zones spécifiques tout en protégeant la biodiversité."

SIX KILOMÈTRES PAR AN

L'opération nigérienne a été lancée dans le village de Lougoum, à une vingtaine de kilomètres de Niamey. Un programme pilote avait permis en 2002 de remettre en culture 3.000 hectares.
"Il nous faut agir en amont pour mettre le plus possible de terres à la disposition des paysans et c'est à travers cela que nous pourrons lutter contre la pauvreté, mais surtout les crises alimentaires récurrentes", explique Abdou Labo, le ministre de l'Environnement.
D'après les autorités de Niamey, le désert avance chaque année de six kilomètres par an. Cette désertification est le résultat, entre autres, de l'exploitation accrue du bois (qui représente plus de 90% de la consommation énergétique) et de la sécheresse, dont les conséquences sont particulièrement fortes sur des populations dépendant des eaux de pluie pour leurs cultures vivrières.

La pression démographique joue aussi: le Niger voit sa population de 12 millions d'habitants croître chaque année de 3,3%.
La grave crise alimentaire dont ont été victimes cette année 3,6 millions de ses habitants a braqué les projecteurs de l'actualité sur ce pays sahélien de 1.267.000 km², dont les trois quarts désertiques. La sécheresse, combinée à une invasion de criquets pèlerins, avait provoqué en 2004 un déficit céréalier de l'ordre de 200.000 tonnes.
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