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Marché du carbone : L’Afrique peut gagner à dépolluer


L’Afrique est le continent le plus vulnérable aux effets du changement climatique. Les fonds promis par les pays pollueurs ne viennent pas. A l’occasion de la 12e Conférence des Nations-Unies sur les changements climatiques, qui se tient à Naïrobi jusqu’au 17 de ce mois, le Sénégal et les pays africains peuvent tirer profit de l’alléchant marché du carbone. A condition qu’ils maîtrisent le mécanisme pour le développement propre mis en place par le Protocole de Kyoto.

La Conférence des Nations-Unies sur les changements climatiques, c’est dix jours de palabres techniques entre 6000 délégués venus des quatre coins du monde. Les débats tirent en longueur, générant des tonnes de papiers. A côté des délégations officielles, les Ong environnementales mènent un lobbying intense dans les couloirs du gigantesque complexe du Programme des Nations-Unies pour l’environnement (Pnud), situé à Gigiri, dans la ville de Naïrobi.

Cette douzième conférence des parties sur les changements climatiques, qui se tient pour la première fois dans un pays d’Afrique au Sud du Sahara, a fait ressortir le grand fossé qui existe entre les grandes résolutions et les actions concrètes sur le terrain.

Presque partout dans le monde, les hommes sentent de moins en moins le froid ; du fait principalement de l’activité des pays développés (leurs usines et leurs voitures). Mais, c’est l’Afrique qui en pâtit le plus. Le but de cette grande messe climatique est de mettre sur pied une stratégie commune pour contrôler la pollution et réduire les activités de réchauffement de la planète.

Le directeur du Pnud, Achim Steiner, l’a rappelé à l’ouverture des négociations,. Avec beaucoup d’optimisme, selon certains. Car, pour beaucoup le jeu semble un peu perdu d’avance. Puisque le plus grand pollueur du monde, les Etats-Unis ont annoncé, dès le début de la conférence, qu’ils restaient fermes sur leur position de toujours, c’est -à-dire ignorer le protocole de Kyoto, qui demande la réduction des gaz à effet de serre. Ceux-ci, comme on le sait, sont responsables de l’élévation du mercure du globe. Mauvaise nouvelle pour les défenseurs du Protocole de Kyoto, le Canada également a repris ses engagements.

Il reste que c’est l’avenir de la planète qui se négocie à Naïrobi. Les délégués et Ong se battent pour démontrer que le réchauffement n’est plus un débat de scientifiques. A coup d’images choc, de Cd et livres, ils tentent de débarrasser la question de ses allures de mauvais scénario de science-fiction. Le réalisme est la chose la mieux partagée parmi les militants de l’environnement présents à Naïrobi. Pour eux, les effets du changement climatique se feraient, déjà, sentir un peu partout dans le monde. Le tsunami, avec ses milliers de morts, serait une preuve tangible.

REFUGIES CLIMATIQUES

Comme presque pour tous les malheurs, l’Afrique est encore le continent le plus vulnérable et le moins préparé. «L’Afrique sera la plus durement frappée», avertit Dr Anthony Nyong du programme Climate Change adaptation Africa. Pour Dr Nyong, les effets du mauvais climat vont se greffer à la liste des maux qui sévissent, déjà, sur le continent : guerre, famine, maladie.

Avec les dérangements annoncés, les pays africains devront faire face à des inondations plus fréquentes. Pour les scientifiques, le cas de l’Afrique est d’autant plus inquiétant que son écosystème est vital pour la survie de ses populations. Plus de 70% des Africains comptent sur leur milieu naturel pour se nourrir ou se soigner. L’économie du continent est aussi menacée. Car, elle est basée, essentiellement, sur une production primaire sans valeur ajoutée significative, comme les mines et l’agriculture. C’est cet équilibre que va briser le changement climatique, informe Anthony Nyong.

Selon les mêmes prévisions, les villes africaines comme Dakar et d’autres, encore plus importantes, situées sur les côtes, risquent de se transformer en marécages avec la montée du niveau de la mer.

Des réfugiés climatiques feront leur apparition sur le continent. Selon les estimations d’une Ong anglaise, Tearfund, la terre compte, déjà, 25 millions de personnes forcées de quitter leur habitat sous les caprices du climat.

Pour beaucoup d’Ong, le Kenya est un exemple de ce qui risque de se passer sur le continent, dans les prochaines années. Au pays du Nobel de Paix pour l’environnement, Waganri Maathai, la fonte du bonnet de beigne qui coiffe le Mont Kenya est devenu un sujet de grand-place. Les terres les plus fertiles du pays sont menacées d’inondation. Ce qui les rend impraticables à l’agriculture. Dans ce pays, des conflits meurtriers surviennent entre communautés pour l’accès ou le contrôle de ressources devenues rares.

Faire face à des telles menaces demande beaucoup de moyens. Selon les estimations, l’Afrique devra débourser l’équivalent de trois fois ce qu’elle reçoit en aide, pour contrer les effets du changement climatique. C’est pourquoi à Naïrobi, les Africains sont venus, également, réclamer l’argent qu’on leur avait promis, il y a cinq ans, à Marrrakech.

L’enjeu de cette douzième Conférence des parties, est de pousser les pays riches et gros pollueurs, à mettre la main à la poche. Il y a cinq ans, les pays du Nord s’étaient engagés à pourvoir des fonds supplémentaires de 410 millions de dollars américains, chaque année, en faveurs des pays pauvres. Rien n’est fait.

Le «fonds d’adaptation» destiné à financer des projets dans les pays du Sud tardent à devenir réalité. Le «fonds de changement climatique» souffre aussi de manqué volonté.

La seule opportunité qui reste à l’Afrique est le fameux mécanisme de développement propre (Mdp). En vertu du principe du pollueur-payeur, le Mdp prévoit le financement de projets et l’achat de stocks de carbonne par les pays insdustrialisés.

«L’Afrique peut convertir ses forêts tropicales en devises», s’enthousiasme le délégué camerounais, Dr Joseph Armathé. Une manne financière est en vue pour les pays du bassin du Congo. Les pays sahéliens menacés par l’avancée du désert peuvent, eux, jouer sur le levier du reboisement pour attirer les financements. Dans le secteur privé, d’autres potentialités se présentent aussi pour le continent. Mais, l’Afrique reste encore en marge de ce marché du carbone, de plus en plus croissant. Le Mdp profite surtout aux pays émergents : Brésil, Inde ou Chine. «Le commerce du carbone ne sera profitable aux pays africains que s’ils ont des propositions claires», souligne Pierre Radanne, négociateur français pour le protocole de Kyoto. L’Afrique doit trouver le scénario gagnant, ajoute-t-il.

Dans cette optique, la Francophonie a réuni ses membres présents à Naïrobi sur le thème du mécanisme de développement propre. Certains délégués africains n’ont pas manqué de saisir l’occasion pour reprocher aux puissances francophones, notamment, la France, de ne pas soutenir la voie de l’Afrique dans les négociations. «Il faut que la solidarité prônée par la francophonie ait un sens», reprend le délégué camerounais.

La Conférence des Nations-Unies à Naïrobi ouvre une nouvelle étape dans les négociations sur le changement climatique. Les débats à venir s’annoncent plus serrés et plus techniques. «Si le continent africain ne sait pas défendre ses projets, il risque d’être oublié», indique le Français Radanne.
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