Les forêts du Bassin du Congo placées en observation
Le Cirad coordonne le projet fondateur du futur observatoire des forêts d’Afrique centrale (Ofac). L’observatoire sera le point focal de toutes les informations disponibles sur les forêts du Bassin du Congo. Entretien avec Alain Billand, responsable du projet pour le Cirad.
Lancé en mai 2007, le projet Foraf, pour « forêts d’Afrique », est précurseur de l’Observatoire des forêts d’Afrique qui sera opérationnel d’ici deux ans. Quel est, plus précisément, l’objectif du projet ?
Alain Billand : Il s’agit tout d’abord de regrouper, au sein d’une base de métadonnées, un maximum d’informations sur les forêts du Bassin du Congo. Cette base doit pouvoir être interrogée en ligne ou diffusée sous la forme d’un cédérom. Les données seront issues d’indicateurs validés sur une base consensuelle entre les différents acteurs impliqués dans la gestion des ressources forestières en Afrique centrale. Il s’agit donc également de construire un mécanisme d’acquisition des données et de validation des indicateurs au travers, notamment, de négociations. Dans un premier temps, cette harmonisation est effectuée par le projet européen Foraf, financé par le Centre commun de recherche de la Commission européenne, et qui sous-tend la mise en œuvre opérationnelle de l’observatoire. Les clés de ce dernier seront remises, au terme des trois années du projet, aux pays du Bassin qui seront alors responsables de sa gestion et de sa pérennité. L’observatoire est dès à présent placé sous la tutelle formelle de la Comifac, instance politique et technique en charge de la gestion durable des écosystèmes forestiers d’Afrique centrale, et référent institutionnel du Partenariat pour les forêts du Bassin du Congo*.
Pourquoi créer un observatoire des forêts ?
La nécessité d’un tel outil part d’un double constat. Tout d’abord, les acteurs du secteur forestier souhaitent améliorer leur vision d’ensemble et souffrent d’un manque de données partagées et de références sur ce qui se passe dans les forêts de la sous-région. Par ailleurs, une bonne part des activités, formelles et informelles, de ce secteur est noyée dans le flou et l’opacité, à cause, notamment, du manque de capacités et de connaissances. Cette situation laisse alors à certains acteurs la possibilité de maintenir des activités illégales.
Par ailleurs, les forêts denses et humides d'Afrique centrale, qui couvrent près de 204 millions d'hectares, représentent l'un des trois principaux ensembles boisés tropicaux de la planète. Pour les dix pays** qui se partagent le gâteau, le secteur forestier constitue le premier employeur privé, la seconde source de revenus pour les Etats après le pétrole, et une source majeure d’activités économiques pour le secteur informel. Cependant, l’accroissement démographique ajouté à la variation de la production pétrolière et, dans certains pays, d'intenses perturbations dues à des conflits armés contribuent à l’intensification des pressions humaines sur les ressources naturelles. Cela accentue de facto la raréfaction de ces ressources et la paupérisation des populations.
Quels seront les activités et les résultats attendus de l’observatoire ?
L’objectif final est de conserver la biodiversité, d’assurer le bien-être des populations qui en dépendent et de permettre à la forêt de jouer un rôle fort dans le développement économique des pays concernés. Pour cela, au-delà d’un simple état des lieux, l’observatoire doit également fournir un suivi de l’environnement naturel et socio-économique, en particulier de la déforestation, de l‘exploitation forestière et de la biodiversité. En obtenant des données de référence, chaque pays travaillera dans l’intérêt de la forêt dans son ensemble. Cette condition sine qua non permettra également aux pays du Bassin d’être présents au niveau international sur des dossiers majeurs tels que le changement climatique et la conservation de la biodiversité. Certains de ces dossiers nécessitent la mise à disposition de données partagées et incontestables sur la situation des forêts dans chaque pays et sur leur évolution. C’est le cas, par exemple, de la définition d'une politique de Réduction des émissions par la déforestation et la dégradation forestière (REDD) sur laquelle les pays d'Afrique centrale travaillent actuellement, dans le cadre des décisions de la Conférence de Bali 2007 sur le changement climatique.
Quels types de données la base contiendra-t-elle ?
Nous allons répertorier des données environnementales – climat, végétation et faune, géologie, essences, etc. – mais aussi historiques et humaines. La base contiendra également une cartographie de référence du massif forestier. Enfin, seront disponibles des données socio-économiques et institutionnelles, notamment sur les aires protégées, les concessions, les acteurs, les projets ou encore la législation. Les données sont extraites du terrain, d’informations spatiales ou sont d’origine institutionnelle. Diverses institutions en sont en effet aujourd’hui les propriétaires : les ministères en charge des forêts dans chaque pays, mais aussi les sociétés d’exploitation forestière qui disposent d’inventaires concernant plus de quinze millions d’hectares de forêts acquises à partir de méthodes standardisées, ainsi que les ONG et les projets de conservation pour ce qui est, plus particulièrement, des aires protégées. Un des défis sera de mettre en place des méthodologies de relevé de données des filières informelles dans les zones pauvres moins organisées : les filières bois de feu, bois d’œuvre ou encore viande de faune sauvage à destination de la consommation locale des ménages. Pour toutes ces filières, centrées sur l’autosubsistance, nous n’avons pas de chiffres. La base sera mise à jour de façon régulière par l’intégration des données de suivi. L’idée est enfin d’offrir une interface « grand public » aussi pertinente que possible.
L'observatoire publiera également une version papier périodique de l’« Etat des forêts du Bassin du Congo ». La première édition, recensant les données disponibles en 2006, a été largement diffusée et est disponible en ligne. L'édition 2008, en cours de préparation, sera éditée par le Foraf, de même que l'édition 2010.
* Le Partenariat pour les forêts du Bassin du Congo (PFBC) a été initié lors du Sommet de la Terre à Johannesburg en 2002. Il regroupe vingt-neuf membres des administrations nationales, des institutions internationales, des pays du Nord, des ONG, du secteur privé, etc. Le Cirad fait partie de la délégation française du PFBC.
** Burundi, Cameroun, Congo, Gabon, Guinée équatoriale, République centrafricaine, République démocratique du Congo, Rwanda, São Tomé et Príncipe, Tchad.
Contacts scientifiques
Alain Billand, alain.billand [at] cirad.fr
Unité de recherche Ressources forestières et politiques publiques
En Savoir plus :
Quelques chiffres clés sur le Bassin du Congo
100 millions d'habitants
204 millions d'hectares de forêts humides, soit 46 % de la superficie forestière
12 millions de mètres cubes de bois produits par an, 20 millions d'hectares de forêts marécageuses
100 espèces mammifères
1 300 espèces d'oiseaux
336 espèces d'amphibiens
400 espèces de reptiles
20 000 espèces de plantes répertoriées, dont 8 000 environ sont endémiques
Source : CIRAD (31/03/2008)
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