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Appel à communications : Usages militants de la technique : technologies, medias, mobilisations









Avec la Révolution française, on a pu considérer le télégraphe comme vecteur privilégié de l’instauration d’une grande démocratie. Au XIXe, maintes utopies progressistes, tel le saint-simonisme, ont accordé une place importante à la technique dans l’avènement et l’esquisse des sociétés futures. Mais très tôt aussi, et jusqu’à nos jours, une opposition s’est manifestée entre, d’une part, les tenants de « l’œcuménisme communicationnel » [Mattelart], enthousiasmés par les nouveaux horizons ouverts par le progrès technique et, d’autre part, ceux qui voient dans un rationalisme techniciste basé sur le profit un obstacle à l’émancipation de l’humanité. Par ailleurs, les débats ont porté et portent toujours sur la prétendue neutralité de la science et de ses applications technologiques. Certaines de ces analyses n’ont pas été sans influence sur les évolutions des pratiques militantes, ou sur la structure des mouvements ouvriers et sociaux, qui, quelles qu’aient été leurs résistances, se sont cependant adaptés aux nouveaux outils, quitte parfois à en détourner l’usage premier. Nous nous intéresserons ici tout particulièrement aux techniques de l’information et de la communication.


Ce colloque se propose de s’interroger sur la dialectique à l’œuvre entre progrès technique et formes de l’engagement, entre appropriation des technologies et forme de l’action collective. En d’autres termes, il se propose de comprendre comment et pourquoi les mouvements militants s’emparent de nouvelles techniques, en posant la question du rôle des dispositifs techniques dans les pratiques militantes et en interrogeant également les usages spécifiques que les militants peuvent en faire, contribuant peut-être à leur tour, quand ils ne les récusent pas, à les transformer. Ce colloque s’inscrit dans la longue durée, de la Révolution française à nos jours, ce qui permettra, nous l’espérons, de mettre en perspective les problématiques contemporaines liées à l’Internet et, le cas échéant, de relativiser l’importance de la rupture que ce nouveau media a introduite.


L’approche du colloque consiste à partir des usages et des pratiques. Il s’agit de s’interroger sur les usages des techniques comme instruments de communication et de diffusion par les mouvements sociaux ou les organisations militantes, de prendre en compte le rôle qu’a pu avoir la technique dans la genèse et la forme des mouvements. Mais il ne faudra pas oublier non plus les cas où elle devient enjeu de la mobilisation, objet même de la pratique militante. En effet, il y a différents niveaux d’investissement militant dans la technique : usage usuel des dispositifs, usage subversif et/ou détourné, expérimentation et inventivité dans l’ordre technique lui-même…


La technique, instrument de communication et diffusion


Plus concrètement, le télégraphe, les nouveaux procédés d’imprimerie, l’introduction de la Ronéo, de la photocopieuse, le téléphone bien sûr et plus récemment la caméra, l’émetteur radio, le fax, le mobile, voir brièvement le Minitel et bien entendu Internet n’ont pas été sans conséquence sur les pratiques militantes. Qu’aurait été la Révolution française sans le télégraphe, qui a pu jouer le rôle que l’on sait dans l’arrestation du roi et dans les liaisons entre la capitale et les représentants en mission ? Pour prendre un autre exemple célèbre, cette fois contemporain, le sous-commandant Marcos et le mouvement zapatiste ont obtenu une notoriété mondiale grâce à l’usage précoce qu’ils firent de l’Internet. Les militants ont toujours utilisé les techniques à leur disposition pour leurs luttes. Cette utilisation a-t-elle en retour transformé les luttes, a-t-elle joué un rôle dans l’évolution des structures des mouvements (voir la problématique classique du journal comme « organisateur collectif »), a-t-elle cristallisé des hiérarchies ou au contraire permis la création d’espaces de dissidence ? Quel impact la technique a-t-elle eu sur l’avènement, après l’ère de la propagande, de celle de la communication ? La CGT des années 1960-1970, par exemple, forte d’une expérience déjà ancienne et des ressources offertes par son ancrage chez les techniciens du son et de l’image, renouvelle la gamme de ses moyens d’expression de masse et explore la plupart des voies alors disponibles. La CFDT et ses intellectuels « organiques » théorisent, à la fin des années 60, le rôle possible de l’ordinateur dans les pratiques autogestionnaires. Dans les années 86-88, des coordinations ont largement fait usage du fax et du Minitel (le Minitel Alter), alors que les radios libres et/ou de lutte ont permis à des grévistes ou autres acteurs du mouvement social de s’exprimer.


La technique comme enjeu et mode d’action - La technique, objet du politique


Les technologies de communication et de production d’information sont aussi parfois l’enjeu même de la mobilisation. Si, la plupart du temps, il ne s’agit que de se servir des techniques et non d’agir sur elles, quand bien même leurs usages ouvrent la voie à des transformations de fait, il y a des cas de figure où la technique devient l’objet de l’engagement politique. On pourrait dire, avec Simondon, que l’on contribue, en s’appropriant et transformant les dispositifs techniques, à l’avènement d’une culture technique universelle, qui ne serait plus source d’aliénation. Les expérimentations dans le domaine de la radio, dans le domaine du logiciel libre, les expériences liées au Peer To Peer, diverses pratiques « hacktivistes » ne peuvent-elles pas être considérées comme intrinsèquement politiques ? Ou dans un autre ordre, certains opposants aux procédés biométriques ne s’en prennent-ils pas, non aux techniques mais aux usages sécuritaires qu’en font les pouvoirs ? Les pouvoirs ou forces de l’ordre n’ont pas manqué d’agir ou réagir en affinant leurs propres techniques de contrôle et/ou de répression, participant ainsi de cette dialectique de l’usage. Il nous appartiendra, en l’inscrivant dans la durée, d’en produire l’analyse, en partant de l’hypothèse que la technique n’existe pas en dehors des usages sociaux qui en sont faits.


Ce colloque est ouvert à toutes les disciplines des sciences sociales.


Les projets de communication, qui ne devront pas dépasser 2 500 signes, sont à envoyer avant le 15 juin 2008 à l’adresse mail suivante :


fblum@univ-paris1.fr


Comité scientifique et de coordination :


Françoise Blum (Centre d’histoire sociale du XXe siècle), Christian Chevandier (Centre d’histoire sociale du XXe siècle ), Geneviève Dreyfus-Armand (Bibliothèque de documentation internationale contemporaine), Franck Georgi (Centre d’histoire du XXe siècle), Fabien Granjon (Centre d’études sur les medias, les technologies et l’internationalisation, Université Paris VIII), Sylvie Le Dantec(Centre d’histoire sociale du XXe siècle), Isabelle Sommier (Centre de recherches politiques de la Sorbonne), Danielle Tartakowsky (Histoire des pouvoirs, savoirs et sociétés, Université Paris VIII), Rossana Vaccaro (Centre d’histoire sociale du XXe siècle), Franck Veyron (Bibliothèque internationale contemporaine), Michel Pigenet (Centre d’histoire sociale du XXe siècle).



Posté le 16 avril 2008
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