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Le transfert Nord-Sud de technologies respectueuses du climat grâce au Mécanisme de développement propre


Antoine Dechezleprêtre, Matthieu Glachant, Yann Ménière Cerna, École des Mines de Paris, Octobre 2007, étude soutenue par la division des affaires internationales de l’ADEME, et le programme de recherche Gestion et Impacts du Changement Climatique (GICC).

Résumé
Si le Mécanisme de Développement Propre (MDP) permet avant tout aux pays de l’Annexe 1 de remplir leurs engagements chiffrés de réduction de leurs émissions de gaz à effet de serre à moindre coût, il est également considéré comme un moyen de favoriser le transfert et la diffusion de technologies dans les pays en développement. En effet, si la technologie utilisée dans un projet n’est pas disponible dans le pays hôte et doit être importée, le projet conduit de facto à un transfert de technologie. Celle-ci se compose d’éléments matériels (machines, équipements) ou immatériels (connaissances, compétences et savoir-faire).
Il est naturel de supposer que le MDP favorise le transfert international de technologies. Cette étude vise à évaluer quantitativement ce qu’il en est dans la réalité. Pour ce faire nous avons constitué une base de données décrivant précisément les 644 projets MDP enregistrés au 1er Mai 2007.
Ces données montrent que 44% des projets donnent lieu à un transfert de technologie. Ces projets représentent 84% des réductions d’émissions annuelles de CO2. Les transferts se limitent rarement à l’importation de machines. Dans la grande majorité des cas, il y a également un transfert de savoirs et de compétences, qui permettent aux développeurs de projets de s’approprier la technologie.
Deux types de projets concentrent l’essentiel des transferts. Le premier type est la destruction en bout de chaîne de gaz à fort pouvoir de réchauffement comme les HFC, le méthane ou le N2O. Ces projets sont mis en oeuvre dans l’industrie chimique, dans l’agriculture (fermes d’élevage) et dans le secteur des déchets (décharges). Le deuxième type est la production d’énergie éolienne. Les autres types de projets, comme la production d’électricité à partir de biomasse ou les mesures d’efficacité énergétique dans l’industrie, utilisent principalement des technologies disponibles localement.
La propension des pays hôtes à bénéficier de transferts de technologie est très hétérogène. Par exemple, 59% des projets en Chine donnent lieu à un transfert alors que c’est le cas pour seulement 12% des projets en Inde. Les pays Européens – et parmi eux l’Allemagne, l’Espagne et le Danemark – sont les principaux fournisseurs de technologies. Contrairement à ce qu’on attendait, seuls 8% des projets MDP sont mis en oeuvre dans des filiales d’entreprises de pays de l’Annexe 1. En revanche les projets sont fréquemment développés par des entreprises spécialisées dans le MDP. Ces entreprises accompagnent les acteurs locaux d’un bout à l’autre du cycle de préparation des projets MDP, depuis la rédaction du document de projet (PDD) jusqu’à la revente des crédits carbone.
L’analyse économétrique permet d’examiner quels sont les déterminants du transfert de technologie dans les projets MDP. La taille des projets (en termes de réductions annuelles d’émissions) a une influence positive sur le transfert. Les projets développés dans des filiales d’entreprises de pays de l’Annexe 1 ont 50% plus de chance que les autres de donner lieu à un transfert. De même, vendre les crédits carbone à terme augmente de 16% la probabilité de transfert.
Le dynamisme de l’économie des pays hôtes, mesuré par la croissance moyenne récente du PIB, a une influence très forte sur le transfert technologique. L’ouverture du pays au commerce international a également un effet positif.
La capacité technologique des pays hôtes a un effet théorique ambigu. D’un côté, des capacités technologiques élevées (mesurées par le niveau de formation de la main d’oeuvre, le niveau des efforts de R&D, etc.) sont nécessaires pour adopter de nouvelles technologies. De l’autre, d’importantes capacités technologiques signifient que plus de technologies sont disponibles localement, ce qui réduit la nécessité d’en importer. Nos résultats montrent que le premier effet domine dans le secteur de l’énergie et dans l’industrie chimique. En revanche le second effet l’emporte dans l’agriculture. Cela s’explique probablement par le fait que les technologies utilisées dans l’agriculture sont simples : dans ce cas, plus un pays est technologiquement avancé, moins il a besoin de transférer ce type de technologies.
Cette étude suggère des améliorations pour le fonctionnement du MDP. Encourager les projets importants (en termes de réductions d’émissions) ou les regroupements de projets (le « project bundling ») permettrait de favoriser le transfert de technologie. Promouvoir les projets menés dans des filiales d’entreprises de pays de l’Annexe 1 aurait le même effet. En pratique, on peut imaginer différentes manières d’inciter les entreprises à monter des projets MDP dans leurs filiales : accorder des crédits supplémentaires, créer des règles administratives simplifiées… Les acheteurs de crédits, qui ne sont généralement pas des acteurs purement financiers, peuvent également jouer un rôle positif pour la diffusion des technologies.
Concernant les mesures plus générales, l’étude suggère que les programmes de renforcement des capacités technologiques dans les pays en développement seraient particulièrement efficaces dans le secteur de l’énergie et dans celui de l’industrie chimique pour promouvoir le transfert de technologie via les MDP.
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