Un projet du Cirad qui associe l'Université de Stirling (UK), le Centre de Sociologie des Organisations (Sciences Po-CNRS, Paris) et le BFAR (Philippines), avec l'appui de l'ambassade de France à Manille montre toute l'originalité d'un système aquacole mis en place dans la région de Pampanga, aux Philippines. Sarah-Jane Parker de l'Université de Stirling qui a participé à ce projet vient de recevoir la médaille d'argent de l'Académie Royale d'Agriculture d'Ecosse.
L'aquaculture des crevettes tropicales philippines s'est développée depuis les années 1980 dans des étangs très anciens et assez grands pour nourrir naturellement les crustacés. Comme l'explique Lionel Dabbadie*, chercheur au Cirad : " ce mode d'élevage est idéal car il répond aux attentes actuelles des consommateurs. Il permet de produire de très grosses crevettes, garanties sans antibiotique et avec un impact environnemental minimum ".
La particularité de cet élevage revient cependant de façon notoire aux réseaux socio-techniques qui se sont tissés entre les propriétaires d'étangs et les pêcheurs mangangapas dits " pêcheurs aux mains nues " car ils n'ont pas les ressources financières pour acheter les filets nécessaires à la capture des poissons et crustacés qu'ils vendent pour vivre.
Vers une crevetticulture tropicale durable
C'est un système très bien organisé qui s'est mis en place dans la région de Pampanga où les pêcheurs sont autorisés à récupérer le rebut de l'industrie aquacole de la crevette tigrée (Penaeus monodon). Pour eux, cette opportunité engendre un revenu beaucoup plus intéressant financièrement qu'une pêche sans filet en rivière, très incertaine et peu rémunératrice. Au sein des communautés côtières où les mangangapas représentent jusqu'à 80% des familles, cette activité joue un rôle structurant majeur comme moyen d'existence pour certains, mais aussi comme ascenseur social pour d'autres.
En 1991, l'explosion du Mont Pinatubo a fragilisé ce système. Localement, les impacts de la catastrophe ont été dévastateurs : ensablement des rivières et canaux, diminution de la salinité de l'eau, chute des rendements dans les étangs et des captures dans les rivières. Depuis, les propriétaires d'étangs sont de plus en plus réticents à autoriser l'accès à leurs propriétés du fait des mauvais rendements, et les pauvres sont de plus en plus nombreux,
Le projet du Cirad et de ses partenaires montre que " cette évolution pourrait être réversible en valorisant, notamment par des labels de qualité, la dimension sociale de cette forme d'aquaculture qui donne leur chance aux plus pauvres " précise David Little de l'Université de Stirling. Il serait aussi nécessaire de proposer des innovations qui améliorent la production des rivières et des étangs. C'est à ce prix que le système pourra être durable et servir d'exemple à d'autres régions.
* UPR (Unité propre de recherche) Aquaculture et gestion des ressources aquatiques du Cirad
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