Dialogue ACP sur les questions légales et
systémiques dans les APE
Suivi
par une consultation régionale sur quelques points de négociations en suspens
en Afrique de l'Ouest
Organisé par ENDA Tiers-Monde et ICTSD
Hôtel des Almadies, Dakar, Sénégal
14, 15 et 16 Avril 2009
Note de présentation
L'année 2007 a été très riche
en rebondissement dans les négociations sur les APE. Le 31 décembre de cette
année marquait la fin de la dérogation de Doha accordée à l'UE et aux pays ACP
à l'OMC pour prolonger l'octroi de préférences commerciales non réciproques. En
fin de compte, les Caraïbes et la Communauté Economique d'Afrique de l'Est ont
paraphé des APE régionaux. Par ailleurs, à défaut d'accord régional, plusieurs pays
ont choisi de parapher des APE individuels, pour préserver leur accès aux
marchés européens. C'est surtout le cas des pays en développent comme le
Cameroun ou la Côte d'Ivoire qui tombait de fait dans le régime SGP avec la fin
de la dérogation de Doha.
D'autres pays, faisant pourtant parti des PMA, comme
le Burundi ou le Rwanda, ont aussi décidé de parapher des APE intérimaires,
alors qu'ils avaient la possibilité de conserver un accès en franchise de
droits de douane et sans quotas sur le marché européen. Cette situation a
impliqué une diversité de régimes commerciaux dans toutes les régions ACP en
négociations avec l'UE. Les APE individuels signés depuis lors contiennent des
dispositions qui laissent penser que les futurs APE régionaux seront essentiellement
reproduits à l'identique. Cette synergie entre APE individuel et APE régional
laisse apparaitre trois problèmes principaux qui surgissent d'ores et déjà
dans les négociations en cours. Ces questions ne sont pas liées aux thèmes
classiques du commerce international, mais sont plutôt des éléments
transversaux liés au système commercial international. Elles sont au cœur de
tout accord commercial régional comme les APE.
- Le premier point pose le problème
du régime des APE face à la multitude des systèmes commerciaux. Ces accords
sont à l'intersection entre le multilatéralisme, le bilatéralisme et le
régionalisme. Il n'est pas toujours évident de déterminer avec précision le droit
qui s'applique à eux, et en cas de pluralité de régimes, celui qui reste
prioritaire sur les autres. Il est important aussi de pouvoir déterminer lequel
de ces régime est plus porteur de flexibilités et donc de développent pour les
pays ACP. A cela, s'ajoute l'équation de la superposition de différents accords
régionaux existants auxquels viennent s'ajouter les APE sans que l'on ne sache
les conséquences juridique et économique d'une telle situation. Pour y voir
clair, les APE intérimaires existants sont d'excellents cas d'étude qui peuvent
permettre de préfigurer les futurs APE régionaux en termes de contenus et
d'impact. Au total, l'étude de la multitude des systèmes commerciaux qui feront
face aux APE sont un outil indispensable pour leur baliser le chemin et arriver
à un régime qui tient compte, le mieux possible, du développement des pays ACP.
- Le deuxième point pose le
problème de la détermination du champ de libéralisation des APE et des limites
systémiques qui y sont attachées. C'est l'Article XXIV du GATT qui organise les
relations entre le système multilatéral et les accords régionaux du type APE.
Il n'est malheureusement pas très clair et les membres de l'OMC ont tendance à
l'interpréter en fonction de leurs intérêts propres. Il recèle deux points de
litiges principaux qui devraient être impérativement résolues pour arriver à un
APE équilibré qui tienne compte des besoins des pays ACP. Il y a d'abord la
définition de la notion de l'essentiel
des échanges commerciaux qui permettra de déterminer le niveau de
libéralisation. C'est ensuite la définition de la notion de délai raisonnable qui déterminera le
délai de mise en œuvre du futur APE. Le droit de l'OMC reste encore muet sur
ces questions, même si un Mémorandum d'interprétation de l'Article XXIV a été
adopté en 1994. Celui-ci donne quelques clarifications en matière de
computation des délais de mise en oeuvre des ACR, mais ne résous pas le problème
du niveau de libéralisation. L'Article V de l'AGCS adopté plus récemment,
introduit juste la notion de secteur
majeur dans la détermination du niveau de libéralisation, mais ne donne
aucune indication sur les délais de mise en œuvre. La jurisprudence de l'OMC ne
donne pas plus d'indication. Elle nous apprend seulement que l'essentiel des échanges commerciaux qui
doit être libéralisé dans un ACR n'est pas la totalité des échanges,...mais qu'il
est plus qu'une certaine partie des échanges. Toutes les méthodes
d'interprétation utilisées ne donnent non plus aucune indication chiffrée. Sur
la question du délai de mise en œuvre de l'APE, l'Article XXIV du GATT dispose
d'un délai de 10 ans qui peut être prolongé en cas de circonstances exceptionnelles. Mais aucun critère de définition de
ces circonstances exceptionnelles
n'est proposé. Subsidiairement, deux autres
questions importantes sont posées par l'Article XXIV. Elles limitent le champ
de libéralisation des APE, et doit donc être bien cernée pour éviter tout
protectionnisme déguisé ou toute ouverture inconsidérée qui mette en péril les
parties à l'accord régional. La première est liée aux incidences fiscales
possibles des futurs APE et à la façon dont les membres doivent être aussi
protégés. Elle pose le problème du contenu de la notion de droits et autres
règlementations commerciales, du détournement des échanges et de la portée
éventuelle d'une compensation aux tiers. La seconde est liée aux exceptions
systémiques que l'on retrouve, par principe dans les ACR. Ce sont la clause
d'exception générale, les exceptions liées
à la sécurité à la fiscalité ou à
la santé qui offrent aux différentes parties l'opportunité d'un protectionnisme
légal avalisé par le système commercial.
- Le troisième point pose le problème
des interactions éventuelles entre les APE et le système de l'OMC. Si les ACR
contiennent des dispositions qui favorisent leur régulation autonome, la
nécessité de la compatibilité avec les normes de l'OMC reste une exigence
forte. Dès lors, il existe un certain nombre de dispositions qui doivent être
évaluées en fonction des exigences propres de l'APE et d'autres à la lumière du
droit de l'OMC. Dans la première catégorie, on trouve essentiellement la clause
de non exécution qui est incluse dans les APE. En cas de non respect de
certaines exigences administratives voire politiques, le retrait des
préférences commerciales sont envisageables. Cette clause pose le problème des
rapports entre le commerce et le développement et semble contenir des résurgences
des conditionnalités qu'on pouvait retrouver dans les accords commerciaux non
réciproques et à l'initiative unilatérale comme les SGP. Dans la seconde
catégorie, on retrouve trois questions majeures. La première est liée à
l'introduction de la Clause NPF dans les APE. Qu'est ce qui peut le justifier
ou l'interdire ? D'où l'UE en tire t-elle la base légale ? A priori,
une telle disposition constitue une menace aux possibilités de diversification
du partenariat commercial pour les pays ACP, dans la mesure où tous les accords
futurs qu'ils concluront avec certains partenaires du Sud seront
automatiquement étendus à l'UE. La deuxième est liée au système de règlement
des différends contenus dans tous les APE. Comment fonctionne t-il ? Quel
sont ses relations et surtout ses relations de hiérarchie avec le système de
règlement des différends de l'OMC ? Quelle est la valeur juridique de ses
décisions ? Toutes ces questions doivent être anticipées avant le
fonctionnement plein des APE et de la survenance éventuelle de litiges. Enfin,
la dernière question est celle de questions, tout aussi systémique dont
l'articulation avec le système de l'OMC doit être bien appréhendée pour que les
pays ACP puissent en tirer profit. Ce sont les questions des mesures de sauvegardes
et des mesures antidumping dans les APE. Quels sont leur régime ? Quelles
flexibilités offrent t-elle aux pays ACP ? Leurs conditions de
déclenchement sont elles plus ou moins favorable qu'à l'OMC ? Comment les
utiliser sans tomber dans le piège du protectionnisme déguisé ? Ce sont là
autant de question qui méritent d'être soulevées et résolues et éventuellement faire l'objet de
propositions de négociations concrètes avant la signature des APE régionaux.
L'ensemble de ces questions
systémiques soulevées présente un intérêt pour les pays ACP dans leur ensemble.
Le Dialogue s'y penchera en ayant en ligne de mire les préoccupations de toutes
les régions de négociations APE. Mais dans la mesure où il se
déroulera en Afrique de l'Ouest, nous avons stratégiquement opté pour étudier
quelques questions spécifiques à cette Région, dans la seconde partie du
Dialogue. Ces études auxquelles sont aussi conviées certains participants issus
d'autres régions ACP, pour un échange d'expériences, vont être menées en suivant quatre points
principaux :
- l'incidence sur l'intégration et le développement
de l'offre ouest africaine d'accès au marché et du schéma de
libéralisation retenu ;
- les enjeux et défis de la libéralisation du
commerce des services et de l'investissement en Afrique de l'ouest ;
- l'analyse critique du contenu, de l'orientation
et du potentiel du Programme de l'APE de développement (PAPED) ;
- l'élaboration des scénarios et discussions sur
les stratégies d'anticipation, les lignes d'évolution et les postures
politiques mises en oeuvre en Afrique de l'ouest.
Cette deuxième partie du
Dialogue sera organisée sous la conduite d'Enda Tiers Monde (dans le cadre de
la plateforme des organisations de la société civile d'Afrique de l'Ouest sur
l'Accord de Cotonou). ICTSD y sera associée en tant que partenaire technique. Globalement, le Dialogue vise
à avoir une vision d'ensemble des questions systémiques sus énoncées, telles
qu'elles sont traitées dans les différentes régions ACP. Il promeut un partage
des expériences entre négociateurs et ambitionne de proposer des lectures partagées
des problèmes juridiques et économiques posées par les interactions des normes
commerciales multilatérales et les normes des APE [...]
Le Dialogue sera organisé sur 3 jours. Il se déroulera de
manière ouverte et informelle. Il rassemblera 40 à 45 acteurs clés venant de
toutes les régions ACP et représentant divers intérêts et perspectives. Les
présentations seront réduites au minimum de sorte à laisser suffisamment de
temps pour une discussion franche et ouverte.
Enda TM / SYSPRO, 73 rue Carnot Dakar, Sénégal
Contact: Bathie CISS, syspro2@enda.sn; bathieciss@gmail.com,
00221 33 821 70 37