« Nous, Ministres africains de l’environnement et de la planification économique, réunis à Libreville les 16 et 17 septembre 2010, à l’occasion de la première session de la Conférence panafricaine de haut niveau sur la biodiversité et la lutte contre la pauvreté en Afrique, et ayant débattu et échangé des vues au sujet de la position que l’Afrique pourrait adopter en ce qui concerne :
a) La réunion plénière de haut niveau sur la biodiversité qui aura lieu le 22 septembre 2010, durant la soixante-cinquième session de l’Assemblée générale des Nations Unies, en marge du Sommet des Nations Unies sur les Objectifs du Millénaire pour le développement;
b) La dixième réunion de la Conférence des Parties à la Convention sur la diversité biologique, qui se tiendra à Nagoya (Japon) du 18 au 29 octobre 2010;
c) Le nouveau plan stratégique sur la biodiversité pour 2011-2020, qui inclut les objectifs relatifs à la biodiversité pour l’après-2010;
Considérant :
b) La Déclaration de Rio sur l’environnement et le développement adoptée en 1992;
c) La Convention sur la diversité biologique;
d) La Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques;
e) La Convention des Nations Unies sur la Lutte contre la Désertification ;
f) La Déclaration du Millénaire et les objectifs du Millénaire pour le développement ;
g) Le Plan de mise en œuvre du Sommet mondial pour le développement durable de Johannesburg adopté en 2002
h) La Déclaration d’Alger sur la désertification adoptée en 2006;
i) La Déclaration de Brazzaville adoptée par le sixième Forum mondial sur le développement durable en 2008;
j) La Déclaration de Ouagadougou adoptée par le septième Forum mondial sur le développement durable en 2009;
k) les conventions internationales et régionales ayant trait à la biodiversité et à la lutte contre la pauvreté ;
l) la convention portant création de l’agence panafricaine de la grande muraille verte, adoptée le 17 juin 2010.
Rappelant qu’à sa treizième session, tenue à Bamako en juin 2010, la Conférence ministérielle africaine sur l’environnement a convenu que les pays africains devraient tenir, à Libreville, une conférence de haut niveau sur la biodiversité et la lutte contre la pauvreté, pour élaborer une position commune en vue des négociations qui se dérouleront lors de la dixième réunion de la Conférence des Parties à la Convention sur la diversité biologique (Nagoya, Japon),
Ayant présent à l’esprit que :
a) La dégradation des écosystèmes et la perte de biodiversité mettent en péril les moyens de subsistance de millions de personnes, notamment celles qui sont les plus démunies;
b) L’alimentation en eau potable, la sécurité alimentaire, la préservation de la santé humaine, animale et végétale, la production énergétique, l’adaptation au changement climatique et l’atténuation de ses effets, ainsi que la lutte contre la pauvreté, sont toutes des questions liées directement à la biodiversité;
c) Les populations les plus démunies dépendent essentiellement des services rendus gratuitement par les écosystèmes pour se nourrir, se vêtir, se soigner, se chauffer, se loger ou se procurer un revenu;
d) Des obstacles continuent d’entraver la mise en œuvre accélérée des stratégies et politiques concertées requises pour répondre globalement aux préoccupations liées à l’environnement et au développement;
e) Le rôle des communautés autochtones et locales dans la gestion de biodiversité est essentiel et sa reconnaissance légale constitue un fondement de la lutte contre la pauvreté ;
Convaincus que la conservation de la biodiversité, la lutte contre la désertification et les changements climatiques sont des défis à relever en synergie pour lutter efficacement contre la pauvreté,
Appréciant les efforts déployés par les Gouvernements, les organisations régionales et internationales, le secteur privé et la société civile, les communautés autochtones et locales en vue d’assurer une conservation et une utilisation durable des ressources tirées de la biodiversité en Afrique, et de lutter contre la pauvreté,
Reconnaissant qu’il importe urgemment de nous doter des capacités humaines et institutionnelles ainsi que des cadres juridiques et politiques appropriés pour assurer la gestion des ressources biologiques en Afrique,
Reconnaissant que le déboisement, la dégradation des sols, la pollution terrestre et marine, la surpêche, le braconnage et d’autres activités d’exploitations illégales ou non durables, les changements climatiques, les changements d’affectation des terres et les espèces exotiques envahissantes constituent les principales menaces qui pèsent sur la diversité biologique en Afrique,
Reconnaissant que le transport transfrontalier illégal des déchets dangereux et les activités minières et pétrolières constituent des menaces émergentes et considérables sur la diversité biologiques et les services éco systémiques,
Reconnaissant également que le coût à long terme de l’inaction dans le domaine de la biodiversité, des services éco systémiques et de la lutte contre la pauvreté sera plus élevée que les investissements nécessaires à l’action immédiate et à court terme,
Par la présente :
1. Réaffirmons la valeur importante des ressources tirées de la biodiversité et des écosystèmes terrestres et aquatiques pour la réalisation d’un développement économique durable et équitable et pour la lutte contre la pauvreté, et qu’à cet égard, il importe de continuer à assurer les services éco systémiques et à garantir l’accès à ces services, en particulier pour les populations démunies qui en dépendent directement ;
2. Convenons de renforcer l’intégration et la prise en compte de la biodiversité et des services éco systémiques dans les stratégies et politiques intersectorielles et les secteurs appropriés à tous les niveaux, en vue d’accélérer et faciliter la réalisation des objectifs du Millénaire pour le développement, ainsi que leur budgétisation;
3. Convenons de renforcer les capacités de nos pays pour la mise en œuvre des accords multilatéraux sur l’environnement au travers des partenariats impliquant d’avantage les communautés autochtones et locales, les scientifiques, la société civile, les élus et les décideurs politiques;
4. Nous engageons à actualiser nos stratégies et plans d’action nationaux en matière de biodiversité en tant qu’outils efficaces pour promouvoir la mise en œuvre du nouveau plan stratégique relatif à la biodiversité pour la période 2011-2020;
5. Nous engageons à adopter bi-annuellement un thème pouvant faire l’objet d’évaluation des efforts réalisés par les pays africains en matière de biodiversité. En 2011-2012 le premier thème pourrait-être la déforestation en Afrique. A cet effet un comité africain sera mis en place par la CMAE en vue d’élaborer un plan d’action en la matière;
6. Nous engageons à ratifier, dans les meilleurs délais, la convention d’Alger de 1968 sur la protection de la nature et des ressources naturelles telle qu’amandée par la deuxième assemblée général de l’Union Africaine, tenue à Maputo en juin 2003 ; la dite convention constituerait un cadre adéquat pour la mise en œuvre de la stratégie biodiversité révisée 2011-2020 ;
7. Nous engageons à élaborer et actualiser les stratégies et politiques nationales et régionales, ainsi que les cadres de coopération pour répondre aux préoccupations dans les domaines de l’environnement et du développement, en adoptant notamment des approches intersectorielles en impliquant la société civile et en mettant en place des mécanismes de contrôle de la performance, des résultats et de l’impact;
6. Nous engageons à renforcer la mise en œuvre des programmes forestiers adéquats et plus ambitieux telle que la muraille verte en vue de conserver la biodiversité, de lutter contre le changement climatique et la dégradation des terres ;
8 Nous engageons à participer activement à la réunion de haut niveau sur la biodiversité qui se tiendra durant la soixante-cinquième session de l’Assemblée générale des Nations Unies, en vue de mettre en avant les besoins et les priorités, en associant la société civile et le secteur privé de l’Afrique pour la réalisation des objectifs du Millénaire;
9. Prenons
l’engagement d’œuvrer à l’évaluation des services éco
systémiques et des ressources tirées de la biodiversité et à la
mise en place des systèmes de comptabilité de l’environnement
intégrant les services éco systémiques, d’en diffuser les
résultats et de les prendre en compte pleinement dans la
planification du développement et dans les indicateurs économiques
;
10 Nous engageons à soutenir la mise en place et le fonctionnement de la plateforme intergouvernementale science-politique pour la biodiversité et les services éco systémiques (IPBES) lors de la soixante-cinquième session de l’Assemblée générale des Nations Unies;
Appuyons l’établissement de l’interface science-politique IPBES et nous engageons à contribuer pleinement à son développement, notamment en créant un comité africain de la plateforme intergouvernementale science-politique pour la biodiversité et les services éco systémiques pour s’assurer que l’Afrique soit en mesure de devenir un partenaire à part entière de cette plateforme intergouvernementale ;
Nous engageons à prendre les dispositions nécessaire pour :
Développer les outils et méthodes d’aide et d’accompagnement des processus de décisions incorporant les informations scientifiques et normes techniques appropriées;
Entretenir et développer leurs compétences et connaissances scientifiques sur la biodiversité, sa conservation et sa contribution au bien-être de l’humanité;
Élaborer et appuyer des systèmes permettant de surveiller et évaluer la biodiversité et les services éco systémiques, ainsi que des systèmes de prévention et de gestion des risques, aux niveaux national , régional et sous-régional;
Assurer un transfert de technologie au bénéfice des communautés autochtones et locales ;
13. Demandons instamment à tous les intéressés de prêter d’urgence attention aux défis auxquels le continent se trouve confronté par suite de la perte et de la destruction de diversité biologique résultant des changements climatiques, et d’y trouver des solutions, en tenant dûment compte de la nécessité de :
a) Poursuivre et élargir les activités de recherche de manière à accumuler des connaissances sur la biodiversité, sa protection et sa promotion pour le bien-être de l’humanité, la recherche sur les voies migratoires des principales espèces de faune sauvage et sur leurs habitats, ainsi que sur les zones les plus vulnérables aux changements climatiques ;
b) Axer la recherche scientifique sur la quantification de l’impact de la vulnérabilité et les mesures d’adaptation, actuelles et prévues, sur la diversité biologique, et aussi sur la réponse écologique aux variations climatiques extrêmes et aux interactions avec les changements dans l’utilisation des sols;
c) Soutenir la mise en place de centres régionaux sur la biodiversité;
Intégrer la conservation de la biodiversité dans les stratégies d’adaptation et d’atténuation, qui devraient s’accompagner de politiques intersectorielles claires ;
Adapter et/ou élaborer la législation dans le domaine de la biodiversité pour déterminer si elle englobe les activités nécessaires pour l’adaptation à l’impact des changements climatiques;
Renforcer la législation et les réglementations régionales et nationales, et prendre des mesures incitatives en vue d’assurer l’inventaire des ressources biologiques et leur valorisation au niveau local, permettant ainsi la création d’une valeur ajoutée plus importante ;
Rassembler les informations, mettre au point des outils et renforcer les capacités pour appréhender les facteurs sociaux, économiques et environnementaux à prendre en considération pour atteindre les objectifs conjoints des Conventions de Rio;
Préparer des projets novateurs complémentaires utiles à la réduction des émissions de gaz à effets de serre et favorables à l’utilisation durable de la biodiversité en les dotant dès leur conception de systèmes indépendants et transparents de performances et de suivis des résultats;
14. Demandons que des mesures adéquates, dans les cadre des relations bilatérales et multilatérales, soient prises en vue de lutter contre la criminalité environnementale transfrontalière, y compris en encourageant l’adhésion des pays africains à l’accord de Lusaka;
15. Nous engageons à mettre davantage de ressources humaines et budgétaires pour les efforts nationaux et régionaux en matière de biodiversité, de changement climatique et de lutte contre la désertification;
16. Nous engageons à veiller à la mise en œuvre de la déclaration de Paris et du plan d’actions d’Accra sur l’efficacité de l’aide notamment l’alignement des programmes d’aide au développement sur les priorités et stratégies nationales en matière de protection de la biodiversité;
17. Nous engageons à renforcer la coopération Sud-Sud et la coopération triangulaire et à favoriser des partenariats portant notamment sur des modes de financements innovants;
18. Nous engageons à étudier les modalités de mise en place d’une structure paritaire chargée de la consolidation et du suivi des financements mis à la disposition de l’Afrique dans le cadre de la conservation, de l’utilisation durable et de la valorisation de la biodiversité ;
19 Souhaitons que les politiques d’aide internationale et les projets de coopération dans les domaines de la biodiversité et de la lutte contre la pauvreté se supportent et se renforcent mutuellement;
20. Nous engageons à favoriser la transition de nos Pays vers une économie verte s’appuyant notamment sur le capital naturel et le mettant en valeur, améliorant ainsi le bien-être de l’humanité et l’équité sociale, tout en réduisant sensiblement les risques environnementaux et la dégradation de l’environnement;
21. Encourageons la création des synergies entre les Conventions de Rio et les objectifs du Millénaire pour le développement, de développer des programmes de travail conjoints, de prévoir un examen par les pairs et d’entamer ainsi les préparatifs de la Conférence des Nations Unies sur le développement durable qui se tiendra à Rio de Janeiro (Brésil) en 2012;
22. Convenons, dans ce contexte, d’élaborer et de renforcer les stratégies, cadres, capacités et systèmes de suivi nationaux et régionaux pour une mise en œuvre synergique des conventions relatives à la biodiversité, aux changements climatiques et la lutte contre la désertification, notamment les intégrant dans les politiques, stratégies et plans nationaux de développement et de lutte contre la pauvreté;
23. Renouvelons notre attachement à la position africaine commune sur les négociations d’un régime international sur l’accès et le partage des avantages adoptée à la 13ème conférence des Ministres Africains de l’environnement de Bamako;
24. Réaffirmons la détermination de l’Afrique de voir aboutir les négociations relatives au régime international sur l’accès aux ressources génétiques et le partage des avantages issus de leur utilisation ;
25. Nous engageons à sécuriser les droits d’accès et de contrôle des populations autochtones et locales aux ressources naturelles renouvelables, notamment au travers de la reconnaissance officielle des aires du patrimoine autochtone et communautaire comme proposé par les programmes de travail et les dispositions pertinentes de la Convention sur la diversité biologique;
26. Nous engageons à étudier dans les meilleurs délais en relation avec les partenaires et organisations régionales la mise en place de structures de formation et de recherche, de coopération sous-régionale et régionale pour le renforcement des capacités institutionnelles, scientifiques, juridiques et techniques afin de disposer d’une expertise en quantité et de qualité en matière de biodiversité et de lutte contre la pauvreté;
27. Encourageons la société civile, le secteur privé et les organisations communautaires à intensifier les efforts qu’ils déploient, à l’échelon national et régional, pour améliorer la conservation et l’utilisation durable des ressources de la diversité biologique, en prenant en compte les préoccupations des communautés autochtones et locales, en appelant l’attention dans ce contexte sur la nécessité de partenariats public-privé, afin de mobiliser les connaissances traditionnelles et les connaissances scientifiques ;
28. Prions, son Excellence, M. Ali Bongo Ondimba, Président de la République gabonaise, pays hôte de la présente conférence, de soumettre la présente déclaration ministérielle à l’Assemblée générale des Nations Unies à sa soixante-cinquième session en septembre 2010 à New-York et à la dixième réunion de la Conférence des Parties de la Convention sur la diversité biologique en octobre 2010 à Nagoya;
29 Exprimons nos remerciements au Président de la République, au Gouvernement et au peuple gabonais pour avoir accueilli la Conférence ainsi que pour leur chaleureuse hospitalité »
[COP10-MOP5]
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