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L’intégration du genre dans la gestion de l’eau peut-elle être une solution à une gestion responsable du peu de ressources en eau ?


Par Massan d'ALMEIDA, AWID - 16/04/2010 

 

L'eau est la base de toute vie sur terre. Cependant, toutes les populations n'ont pas un accès égal à cette eau.(1) Aujourd'hui dans le monde 6,788 milliards de personnes doivent partager avec la faune et la flore, les écosystèmes, l'agriculture et l'industrie l'infime quantité (moins de 1%) de l'eau pure, potable et accessible de la planète. Cette infime quantité de l'eau pure disponible va diminuant chaque jour en raison des changements climatiques, de la pollution grandissante et des besoins croissants en eau.(2)

C'est pour exhorter la population et leurs gouvernements à prendre conscience de la problématique de l'eau que l'Assemblée générale des Nations Unies a adopté le 22 décembre 1992 la résolution A/RES/47/193 qui déclara le 22 mars de chaque année "Journée mondiale de l'eau", à compter de l'année 1993, conformément aux recommandations de la Conférence des Nations Unies sur l'environnement et le développement (CNUED), exprimées dans le Chapitre 18 (Ressources en eau douce) d'Action 21.(3)

 

La Journée Mondiale de l'Eau 2010

Le 22 mars de chaque année est célébrée la journée mondiale de l'eau. Cette année, le thème de cette célébration était " De l'eau propre pour un monde sain ". L'ONU en consacrant la Journée Mondiale de l'eau 2010 au thème de la qualité de l'eau, a voulu mettre l'accent sur deux thèmes principaux : la quantité et la qualité de l'eau pour une meilleure gestion des ressources en eau disponibles.

La journée mondiale de l'eau 2010 visait à :

  • Faire prendre conscience de la nécessité d'entretenir des écosystèmes sains et d'assurer le bien-être de l'humanité en relevant les défis croissants que pose la qualité de l'eau pour la gestion des ressources en eau.
  • Accroître la visibilité du thème de la qualité de l'eau en encourageant les gouvernements, les organisations, les communautés et les individus dans le monde entier à s'engager sur ce thème, en participant à des activités telles que la prévention de la pollution, le nettoyage des cours d'eau et des lacs, et leur restauration.

Diverses activités ont été organisées à travers le monde à cet effet. Et elles ont toutes eu pour but de faire passer des messages sur la qualité de l'eau et son importance pour les écosystèmes et le bien-être de l'humanité.(4) Car selon la Directrice Générale de l'UNESCO, Irina Bokova ''les eaux non polluées sont devenues rares et le seront plus sous l'effet des changements climatiques'', et de l'industrialisation.

Malheureusement l'Afrique ne s'est pas fortement mobilisée autour de cette journée; il est douloureux de constater que la plupart des mobilisations qui ont été faites autour de la Journée Mondiale de l'eau cette année encore l'ont été dans les pays du Nord, qui sont substantiellement à l'aise en ce qui concerne la gestion de l'eau : ils ont pris des initiatives heureuses pour faire comprendre à leurs populations l'importance de l'eau et la nécessité de savoir gérer cette ressource vitale. En revanche, les gouvernements africains dont les populations souffrent le plus du manque d'eau prennent si peu d'initiatives, se contentant de se plaindre et de laisser ses populations consommer de l'eau malpropre. Et le monde de l'éducation africain est singulièrement absent de cette mobilisation mondiale, si l'on excepte les universités. A l'école, seuls les aspects hydrographiques sont abordés pendant les cours. Les problèmes relatifs à la qualité de l'eau, à sa description physique et à son circuit ne sont guère abordés. Certes, la sensibilisation aux questions d'hygiène et à la gestion raisonnable de l'eau s'effectue dans les familles. Mais cela est insuffisant et davantage d'actions doivent être menées pour faire prendre conscience aux populations du danger imminent de la pénurie de l'eau.(5)

On ne peut parler de l'eau sans souligner son caractère particulier. L'eau est une ressource essentielle à la vie pour laquelle il n'existe aucun substitut. L'eau en principe ne devait avoir qu'une valeur sociale, symbolique, écosystémique et vitale. Au Québec par exemple, l'eau est "chose" commune, donc n'appartient à personne, même pas à l'État, et ne peut être soumise à l'appropriation privée. Mais, malheureusement, pour le marché sa rareté et sa pénurie ne sont perçues que des occasions d'affaires.(6)

 

Non à la marchandisation de l'eau !

Nous vivons dans une société avant tout marchande où tout ce qui permet de produire de l'argent perd sa valeur intrinsèque au bénéfice de sa valeur financière. Autrement dit, même si l'eau permet de maintenir en santé les écosystèmes -- et les personnes --, ce n'est pas cette valeur d'usage qui déterminera son allocation, mais l'argent qu'elle rapportera dans un cas ou un autre. Or, les mécanismes de marché n'ont jamais représenté un moyen de redistribution équitable. Au contraire, quand c'est la capacité de payer qui dicte l'accès à la ressource il n'y a pas d'équité. Malheureusement les populations pauvres constituées majoritairement de femmes n'ont pas les moyens pécuniaires pour s'acheter l'eau pure dont elles ont besoin pour se maintenir en bonne santé.(7)

 

Genre et Gestion Intégrée des Ressources en Eau

Dans les pays sous développés, les femmes sont principalement responsables de la collecte et de la gestion de l'eau utilisée par les ménages. Certes, dans les communautés les femmes et les hommes utilisent tous de l'eau pour leurs besoins. Mais il existe une différence dans l'usage qu'ils en font et dans la quantité quotidienne d'eau que chaque sexe utilise. Les hommes utilisent en général l'eau pour leurs besoins personnels et le cas échéant celui de leur travail (l'agriculture, etc.) tandis que les femmes outre leurs besoins personnels (bain, hygiène, etc.) utilise l'eau pour les besoins (cuisine, vaisselle, lessive, etc.) de toute la famille. Comment expliquer alors que les femmes qui sont les principales consommatrices de l'eau et de ses services (+75%) ne soient pas impliquées dans la gestion de cette importante ressource ? Pour corriger cette situation des acteurs du secteur de l'eau ont commencé à utilisé une nouvelle approche appelée Gestion Intégrée des Ressources en Eau (GIRE).

La Gestion Intégrée des Ressources en Eau est un processus systématique pour le développement durable, l'allocation et le suivi des ressources en eau. Le concept et les principes de la gestion Intégrée des Ressources en Eau ont été exprimés lors de la Conférence Internationale sur l'Eau et l'Environnement en 1992 à Dublin et dans le Chapitre 18 de l'Agenda 21 qui est un document consensuel produit par la Conférence des Nations Unies sur l'Environnement et le Développement (CNUED) organisée à Rio en 1992.

La Gestion Intégrée des Ressources en Eau est une approche holistique trans-sectorielle en matière de gestion d'eau pour répondre aux demandes de plus en plus grandes et concurrentielles sur l'eau douce dont la quantité est limitée. C'est une approche qui vise à garantir le développement coordonné de l'eau, des terres et des ressources connexes pour optimiser le bien-être économique et social sans compromettre la durabilité des systèmes environnementaux . Les décideurs politiques, les analystes, les organisations internationales et les gouvernements ont cherché un consensus sur les principes pour guider la définition des priorités, des politiques et des initiatives spécifiques en matière de Gestion Intégrée des Ressources en Eau. Les principes clés comprennent:

  • L'eau devrait être traitée comme un bien économique, social et environnemental.
  • Les politiques relatives à l'eau devraient mettre l'accent sur la gestion de l'eau dans sa globalité et non pas uniquement sur l'approvisionnement en eau.
  • Les gouvernements devraient faciliter et permettre le développement durable des ressources en eau en mettant en place des politiques intégrées d'eau et des cadres réglementaires.
  • Les ressources en eau devraient être gérées au plus bas niveau possible.
  • Les femmes devraient être reconnues en tant qu'élément central dans l'approvisionnement, la gestion et la sauvegarde de l'eau.

L'intégration du genre est le processus d'évaluation des implications, pour les hommes et les femmes, de toute action planifiée y compris la législation, les politiques et les programmes dans tous les domaines et à tous les niveaux (global, national, institutionnel, communauté et ménage). C'est une stratégie qui intègre les soucis et les expériences des femmes ainsi que ceux des hommes dans la conception, l'exécution, la supervision et l'évaluation des politiques et des programmes à tous les sphères politiques, économiques et sociales de façon à ce que les femmes et les hommes tirent profit de manière égale et que l'inégalité ne soit pas perpétué.

Dans le domaine de la gestion des ressources en eau, l'approche sectorielle non coordonnée a résulté en une dégradation environnementale à cause de la surexploitation des ressources en eau, les allocations inappropriées au profit des différents usagers, la distribution inéquitable des bénéfices et des charges, le fonctionnement et la maintenance de l'infrastructure.

L'implication inadéquate des femmes et des hommes a entravé les programmes et les projets sur la durabilité de la gestion des ressources en eau. La participation de la communauté et les approches de gestion n'ont pas pu aborder ces questions, en grande partie, parce que les communautés sont souvent perçues comme un groupement de personnes ayant un objectif commun. Or la réalité est que la communauté n'est pas un groupement de personnes égales vivant dans une région géographique donnée. Elle est souvent composée d'individus et de groupes qui possèdent différents niveaux de pouvoir, de richesse, d'influence et de capacité à exprimer leurs besoins, leurs soucis et leurs droits. Les communautés contiennent donc des groupes d'intérêts conflictuels. Et lorsque les ressources sont rares, il y a une concurrence sur l'approvisionnement et ceux qui sont au plus bas de l'échelle du pouvoir, tels que les hommes et femmes pauvres, n'obtiennent rien. Les relations inégales de pouvoir placent les femmes dans une position défavorisée. Appliquer une analyse genre aidera les agences du secteur de l'eau à mieux allouer les ressources pour répondre aux différents besoins des femmes et des hommes et des groupes marginalisés. (8)

Mettre en oeuvre l'intégration du genre implique:

  • Comprendre les systèmes qui différencient les hommes et les femmes lors de l'accès aux ressources, au travail, à l'usage de l'eau, aux droits à l'eau et à la distribution des bénéfices et de la production. Les données et les documents ventilés selon le sexe sur le travail non rémunéré sont alors très importants.
  • Mettre l'accent sur les relations hommes/femmes et non pas sur les femmes uniquement. Bien que plusieurs analyses attirent l'attention sur les femmes (puisque, en général, ce sont les femmes qui sont défavorisées et ce sont leurs points de vue qui sont négligés) une analyse genre se penche sur les relations (différences, inégalités, déséquilibres de pouvoir, accès inégal aux ressources, etc.) entre les femmes et les hommes et comment ces questions sont négociées. La situation des femmes ne peut pas être comprise loin des relations élargies entre les femmes et les hommes.
  • Comprendre que le genre constitue un facteur qui influence la réaction des gens soit individuellement ou collectivement. Les femmes et les hommes font face à différents obstacles et ont recours à différentes ressources lorsqu'ils essaient de prendre part à un comité d'eau, confrontent un responsable local ou assistent à une session de formation.
  • Comprendre les dimensions genre des institutions à tous les niveaux de la société (au sein du ménage, les organisations basées dans la communauté, les associations des utilisateurs d'eau, les gouvernements locaux, les services civils nationaux, etc.). Ces institutions formelles et informelles jouent des rôles fondamentaux dans la gestion des ressources en eau, pourtant elles possèdent des dimensions genre : qui prend quelles décisions ? est- ce que la structure facilite la participation des femmes ou l'entrave-t-elle ? ont-elles la capacité de réduire les inégalités entre les femmes et les hommes ? Comment les différents besoins et perspectives sont-ils négociés à l'intérieur de l'institution ? Les politiques institutionnelles sont-elles développées d'une manière soucieuse des préoccupations de genre?
  • Confirmer ou infirmer les hypothèses dans chaque contexte spécifique utilisant, idéalement, les méthodologies participatives. Les hypothèses d'un pays ou d'un projet ne peuvent pas être utilisées pour une autre région ou initiative. En plus, les relations de pouvoir, les dispositions de travail et la disponibilité des ressources peuvent changer à travers le temps. La spécificité de chaque situation doit donc être examinée.


Gérer et intégrer la question du genre dans le domaine de l'eau est plus simple lorsque la gestion de l'eau et la politique sont traitées comme des processus de dialogue social et de débat ouverts, non linéaires et évolutifs. Une approche flexible, de bas en haut et participative est plus favorable à la reconnaissance des femmes comme acteurs de l'eau, et à l'identification des problèmes de genre, plutôt que des modèles de politique hiérarchiques et prescriptifs, verticaux. L'ultime but de l'intégration étant de réaliser l'égalité du genre, le fait de reconnaître et de répondre adéquatement aux divisions basées sur le genre, les rôles et les identités contribue à l'efficacité et à la durabilité de la gestion d'eau.


Pour des informations sur la qualité de l'eau visitez le site web de l'IRC (Centre International de l'Eau et l'Assainissement) : http://www.fr.irc.nl/

Pour des informations sur la technologie et l'accès de l'eau potable par les femmes voir l'article de Masum Momaya de l'AWID (disponible en anglais, français et espagnol) : http://awid.org/fre/Enjeux-et-Analyses/Library/La-technologie-c-est-bien-l-acces-aux-droits-de-l-eau-pour-les-femmes-c-est-mieux

Pour des informations sur Genre et la Gestion Intégrée des Ressources en Eau, visitez le site de GWA : http://www.fr.genderandwater.org

Pour consulter les ressources sur Genre et les secteurs de l'eau, voir http://www.fr.genderandwater.org/page/5308

Pour d'autres ressources sur genre et eau voir : http://www.genderanddevelopment.org/current.asp?&

 

REFERENCES

  • ATOL (2010), La Journée Mondiale de l'Eau, http://fr-fr.facebook.com/notes/atol/la-journee-mondiale-de-leau/395059757232
  • Masum Momaya, AWID (2010), http://awid.org/fre/Enjeux-et-Analyses/Library/La-technologie-c-est-bien-l-acces-aux-droits-de-l-eau-pour-les-femmes-c-est-mieux
  • UNESCO (2010), 22 mars - Journée mondiale de l'eau 2010 : De l'eau propre pour un monde sain, http://www.unesco.org/water/water_celebrations/index_fr.shtml
  • ONU-Eau (2010), http://www.unwater.org/worldwaterday/index_fr.html
  • Louis Martin Onguéné Essono (mars 2010), Journée Internationale de l'eau : où sont les ressources pédagogiques africaines ?, http://www.cursus.edu/?division=19&module=document&uid=71227&0=
  • Sylvie Paquerot & al. (2010), Journée mondiale de l'eau - Évitons d'étancher la soif des prédateurs de l'eau, http://www.ledevoir.com/environnement/actualites-sur-l-environnement/285455/journee-mondiale-de-l-eau-evitons-d-etancher-la-soif-des-predateurs-de-l-eau
  • Voir note 6
  • Alliance Genre et Eau (GWA), 2006, Guide des ressources : Intégration du Genre dans la Gestion de l'Eau, http://www.fr.genderandwater.org/redir/content/download/6570/46067/file/GUIDE%20DES%20RESSOURCES%20Int%C3%A9gration%20du%20Genre%20dans%20la%20Gestion%20de%20l%27Eau.pdf
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