Malgré les efforts de reboisement permettant la mise sous terre de plusieurs milliers de plants chaque année au Burkina Faso, les autorités tirent la sonnette d'alarme devant le taux de dégradation élevé des forêts dans ce pays sahélien.
Selon une enquête du ministère de l'Environnement et du Développement durable, quelque 110.500 hectares de forêts sont détruits par an, soit 4,04 pour cent de la superficie totale. Ces données étaient enregistrées entre 1992 et 2002, mais la tendance se poursuit, selon le ministère qui indique que plus de 75.000 hectares sont utilisés pour les cultures. Et les régions les plus touchées sont le centre-ouest, l'est et le sud-ouest du Burkina.
"Les facteurs sont la baisse de la pluviométrie, les feux de brousse, la demande de produits ligneux et non ligneux, le défrichement car il faut débrousser davantage pour avoir plus de récoltes", indique à IPS, Soumaila Bancé, le point focal de la Convention sur la diversité biologique au Conseil national pour l'environnement et le développement durable.
"Nous avons une augmentation de la demande qui dépasse l'offre. La population augmente et les ressources ne sont plus suffisantes pour la nourrir. La superficie qu'on restaure ne suffit pas pour couvrir la demande", ajoute Bancé.
Le taux de croissance de la population burkinabè est de 3,1 pour cent selon le dernier recensement de 2006.
Les résultats de l'enquête du ministère de l'Environnement montrent aussi que dans la région de Kompienga, dans l'est du Burkina, la destruction des formations naturelles a été en moyenne de 1.600 kilomètres carrés en 15 ans. Au niveau du Poni et du Noumbiel, dans le sud-ouest, les savanes arborées ont perdu 60 pour cent de leur étendue au profit de la savane arbustive.
Mais, il y a aussi la pauvreté qui pousse des jeunes sans emploi à s'acharner sur des ressources qui n'appartiennent à personne. Donc, ils coupent le bois vert et n'attendent pas la maturation des fruits, a constaté Bancé.
"On cueille les fruits immatures; or quand les fruits sont mûrs, il y a des chances de régénération car les graines des fruits qui mûrissent germent et poussent pour remplacer les grands arbres", souligne Bancé.
Selon l'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), le Burkina se situe dans la zone rouge actuellement en raison de la dégradation accélérée des forêts, qui affecte également les terres.
Entre 1992 et 2009, le centre-ouest du pays a connu un taux de déforestation "extrêmement élevé" pour l'agriculture, indique l'UICN qui situe à 40 pour cent les superficies perdues au profit des champs.
Au niveau national, il y a une accélération de la dégradation à partir des années 1990, ajoute l'UICN dans une étude publiée en mai 2011. Entre 1982 et 1990, elle se situait à 11 pour cent, mais depuis les années 2000, la superficie dégradée atteint 43 pour cent.
"Il y a un certain nombre de menaces qui pèsent sur la diversité biologique de notre pays du fait de la dégradation accélérée des forêts", affirme à IPS, Mouni Sawadogo, chef du programme UICN au Burkina Faso.
La dégradation des forêts menace l'existence d'une soixantaine d'espèces végétales dans le pays. La liste rouge de l'UICN indique qu'il y a des espèces animales menacées d'extinction et dans certains lacs, des espèces de poissons ont un poids moyen 20 fois inférieur à ce qu'ils avaient il y a 30 ans.
Selon Bance, le baobab du chacal, le kapokier, et le prunier sauvage sont parmi les espèces végétales menacées de disparition.
"Il y a une prise de conscience, mais le manque de financement ne suit pas et le code forestier n'est pas appliqué", explique Sawadogo.
"Si nous voulons restaurer la biodiversité et freiner l'action destructrice sur les forêts, il faut continuer la reforestation", préconise Sina Sere, le directeur général du Centre national des semences forestières.
Chaque année, 10 millions de plants sont mis sous terre dans le cadre des campagnes de reforestation, mais très peu survivent en raison du manque d'entretien.
Un plan stratégique 2010-2020 adopté à Nagoya, au Japon, exige que chaque pays restaure au moins 15 pour cent de ses zones dégradées chaque année d'ici à 2015.
Selon l'UICN, les forêts produisent actuellement un sixième des émissions mondiales de carbone lorsqu'elles sont déboisées, surexploitées ou dégradées.
Par contre, souligne l'UICN dans son rapport, les forêts réagissent avec sensibilité au changement climatique lorsqu'elles sont gérées de façon durable. Elles produisent du combustible ligneux (biocarburant) qui remplace favorablement les combustibles fossiles. Et elles ont également le potentiel d'absorber un dixième des émissions de carbone mondiales prévues pour la première moitié de ce siècle dans leur biomasse et de les emmagasiner à perpétuité.
"Il faut associer les populations à la gestion des forêts car elles ont une capacité réelle de réaction. Il y a ça et là des paysans innovateurs ou des actions de conservation qui marchent; on doit s'inspirer de leur expérience, combiner cela avec ce que la recherche fait et rendre cela disponible pour reproduire ce qui marche déjà", insiste Sawadogo. "Cela permet de maintenir la diversité biologique sur le terrain, et permet aussi aux populations de vivre de cela".
"Pour la préservation des ressources naturelles - l'utilisation durable des ressources naturelles - les composantes sociales et économiques doivent être intégrées dans le processus de conservation", ajoute Sawadogo. Il faut respecter les principes de bonne gouvernance à tous les niveaux de la ressource naturelle, dit-il.
article écrit par Brahima Ouédraogo pour l'agence IPS
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