Comme dans beaucoup de pays du Sud, en Équateur, pays d'Amérique du Sud, la question environnementale est vitale et ne se limite pas à l'approvisionnement en eau potable! Dans ce pays aux multiples facettes, la ressource "Eau" est relativement abondante et des ingénieurs compétents sont formés au sein de nombreuses universités à travers toutes les provinces. Ce qu'il manque.... C'est le personnel technique... celui qui répare les pompes, qui surveille la désinfection, qui assure au jour le jour la production d'eau potable, la collecte des eaux usées et des déchets, qui sensibilise la population aux conséquences de la pollution.
Au Québec, le Cégep de Saint-Laurent forme depuis plus de quarante ans des techniciens en eau et assainissement et ce Collège est particulièrement actif au niveau international pour renforcer les ressources humaines dans ce domaine. D'autre part, l'École Polytechnique Nationale (EPN) de Quito forme non seulement des ingénieurs mais aussi, sur le même campus, des techniciens supérieurs. L'EPN étant consciente du manque d'une formation technique en environnement a souhaité développer avec le support du Cégep un programme de formation spécifique et s'appuyant sur l'approche par "compétences".
Grâce à une subvention de l'Agence des Collèges Communautaires du Canada (ACCC) de 400 000$, un projet de coopération a donc été mené pendant 4 ans et a abouti à la mise en place d'un programme technique dont les premiers diplômés ont terminé leurs études en juin 2011.
Les difficultés ont été nombreuses mais le processus a été suivi rigoureusement et l'enthousiasme des partenaires a assuré la réussite du projet.
Les principales étapes ont été les suivantes... Il a fallu tout d'abord expliquer la méthode par compétences au corps professoral grâce à un cours d'une semaine pour en expliquer les avantages et les écueils. Vingt-deux professeurs de différents départements étaient présents, dont certains très attachés aux méthodes plus classiques d'enseignement! Mais tout le monde a compris la nécessité d'associer le milieu de travail à l'élaboration du programme - ce qui ne s'était jamais vu!
Une "étude préliminaire du secteur" a été menée auprès de 160 municipalités du pays, avec un questionnaire exhaustif de six pages qui a été rempli par la presque totalité des intervenants et dont l'analyse a permis de vérifier les besoins techniques et de main d'oeuvre en eau et environnement.
Puis une "analyse de la situation de travail" a eu lieu à Quito, regroupant une trentaine de personnes du milieu (opérateurs, techniciens, ingénieurs) et qui devait être plutôt prospective puisque la profession proposée ... n'existait pas encore. Plusieurs jours de travail ont été nécessaires pour définir les tâches à assumer, les opérations à effectuer, leur importance relative et le contexte dans lequel le travail s'effectue.
À partir de là, les professeurs québécois et équatoriens ont énoncé les compétences requises, tant générales (transférables) que particulières (propres au domaine de l'environnement). Il est ainsi apparu que le technicien en assainissement devait se préoccuper non seulement de la production et de la distribution de l'eau potable - souvent avec des traitements simples - mais aussi des eaux usées, des déchets solides (collecte, disposition, recyclage) et de l'éducation des populations (information, sensibilisation).
Ces compétences ont été "validées" par les gens du milieu de travail.
Des cours ont été proposés pour développer ces compétences au sein d'un programme de formation de trois ans (six sessions). Bien sûr les discussions ont été nombreuses mais fructueuses... Il fallait aussi respecter le cadre pédagogique de l'EPN, l'autonomie des départements, la réticence de certains professeurs au changement... et il a fallu rédiger les plans-cadres, les plans de cours et les documents d'accréditation... oeuvre colossale en si peu de temps!
Les professeurs équatoriens sont allés plusieurs fois au Québec pour se familiariser avec l'approche et se perfectionner au niveau technique, en particulier en traitement des eaux usées domestiques ou industrielles, presqu'inexistant en Équateur.
La subvention canadienne a également permis d'équiper minimalement un laboratoire spécialisé mais il reste beaucoup à faire...
Les deux premières cohortes d'étudiants ont été composées des employés de la Ville de Quito, partenaire du projet qui a accepté d'adapter les horaires de travail et de tenir certains travaux pratiques dans ses stations. Les cohortes suivantes comprennent des étudiants de tous les horizons. On a même réussi à attirer des jeunes filles vers ce métier "non traditionnel". Rappelons que les cours se donnent en fin d'après-midi (après la journée de travail...) et le samedi. Des stages d'intégration complètent la formation au bénéfice des communautés qui reçoivent les stagiaires.
Là encore, les embuches ont été nombreuses : plusieurs professeurs sont des chargés de cours et non permanents, sans beaucoup d'expérience pratique; le matériel manque... Mais l'évaluation du programme a montré, au final, la satisfaction de tous.
C'est une première ... Les techniciens ainsi formés peuvent enfin prendre en main la qualité de leur environnement et la formation, pratique, est adaptée aux réalités du pays.
L'EPN rêve de devenir un centre de formation pour toute l'Amérique du Sud étant donné les atouts de l'Équateur, ce qui permettrait d'équiper convenablement les ateliers et laboratoires.
Contact : Monique HENRY, Professeur au Cégep de Saint-Laurent, mhenry@cegep-st-laurent.qc.ca
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