Au regard des missions qui leur sont assignées, il s'avérait nécessaire de mettre à la disposition des agences de l'eau des moyens juridiques adéquats à même d'orienter la gouvernance territoriale de l'eau. C'est dans cet esprit que le législateur burkinabè consacre à la section II de la loi sur l'eau le paragraphe 3 intitulé " schémas d'aménagement et de gestion de l'eau ".
Par la suite, le décret n° 2005-192 du 4 avril 2005 portant procédures d'élaboration, d'approbation, de mise en oeuvre et de suivi des schémas d'aménagement et de gestion de l'eau a précisé la nature des schémas. Le Schéma Directeur d'Aménagement et de Gestion de l'Eau (SDAGE) constitue le 1er instrument juridique confié aux agences de l'eau. Il s'applique au territoire des bassins versants. Dans les sous-bassins et aquifères, le Schéma d'Aménagement et de Gestion de l'Eau (SAGE) a été institué.
Les articles 3 et 18 du décret abordent l'objet des schémas d'aménagement et de gestion des eaux (A). Leurs contenus sont cristallisés aux articles 4 et 19 du décret. Si les modalités d'élaboration desdits schémas sont précises, il n'en est pas de même concernant leur portée (B).
A. L'objet des schémas d'aménagement et de gestion des eaux
Nous verrons successivement l'objet du Schéma Directeur d'Aménagement et de Gestion de l'Eau (SDAGE) et du Schéma d'Aménagement et de Gestion de l'Eau (SAGE).
Le SDAGE poursuit plusieurs objectifs qui peuvent se résumer en deux mots : planification et intégration.
Planification car le SDAGE fixe au préalable les orientations fondamentales d'une gestion optimale et concertée de la ressource en eau à moyen et long terme dans le respect des équilibres écologiques, économiques et de l'intérêt général.
Planification toujours puisque le SDAGE définit ensuite avec cohérence les priorités, les objectifs de quantité et de qualité des eaux ainsi que les aménagements à réaliser pour les atteindre. En effet, le schéma contient une analyse et un diagnostic du bassin versant. Ces études portent notamment sur les caractéristiques physiques du bassin, les tendances du développement du bassin, les pressions et les impacts sur les ressources en eau. Selon la configuration de l'état initial du bassin, le SDAGE oriente les actions et constitue ainsi un guide à l'endroit des collectivités publiques, des entreprises et des usagers de l'eau. En ce sens, le SDAGE opère une délimitation des périmètres des sous bassins.
Intégration enfin parce que le SDAGE prend en compte les autres documents de développement du territoire : schémas nationaux et régionaux d'aménagement du territoire, principaux programmes de l'État, des collectivités territoriales et des établissements publics en rapport avec la ressource en eau.
Le SAGE concilie à l'échelle des sous-bassins le développement économique, social, environnemental et culturel.
Plus précis que le SDAGE, il définit à l'échelle d'un regroupement de sous-bassins, d'un sous-bassin, d'une portion de cours d'eau ou d'un point d'eau les objectifs généraux d'utilisation, de mise en valeur et de protection quantitative et qualitative des ressources en eau et des écosystèmes aquatiques, de préservation des zones humides en tenant compte des équilibres naturels.
B. La portée des schémas d'aménagement et de gestion de l'eau
Les Schémas d'Aménagement et de Gestion de l'Eau (SDAGE/SAGE) s'insèrent dans l'armature juridique dès leurs adoptions et approbations.
Le SAGE doit être conforme au SDAGE et à tous les documents et dispositions prises dans le cadre de la mise en oeuvre de la loi sur l'eau. L'une des pièces écrites du SAGE permet de s'assurer de cette conformité (article 19.1.5 du décret n° 2005-192).
Le rapport entre le SDAGE et les autres documents de développement est par contre ambiguë. Le décret du 04 avril 2005 fait intervenir successivement les notions de " prise en compte ", de " conformité " et de " compatibilité ".
L'article 3 énonce en effet la prise en compte des schémas régionaux et de programmes des collectivités territoriales par les SDAGE. Au même moment, le point 4.1.5 de l'article 4 traite de " la conformité des dispositions du SDAGE avec le schéma national d'aménagement du territoire, les schémas régionaux d'aménagement du territoire et les plans de développement existants ou en cours d'exécution ". Or, les trois termes n'ont pas la même valeur juridique. Par exemple, le rapport de compatibilité exige que les dispositions d'un document ne fassent pas obstacle à l'application des dispositions du document de rang supérieur ; tandis que la notion de prise en compte, moins stricte, implique de ne pas ignorer les objectifs généraux d'un autre document.
La loi du 08 avril 2001 portant loi d'orientation relative à la gestion de l'eau règle en partie ce problème. L'alinéa 3 de son article 21 énonce que " Les programmes et les décisions administratives dans le domaine de l'eau doivent être compatibles ou rendus compatibles avec les dispositions du schéma ". Ainsi, la loi ne reconnaît qu'un seul rapport de normativité : la compatibilité. Par conséquent, le décret va à l'encontre de la loi sur l'eau en prévoyant le rapport de " prise en compte ".
Néanmoins, tels que formulés, la loi et le décret réduisent considérablement la portée des schémas d'aménagement et de gestion des eaux puisqu'ils excluent de son champ de normativité tous les documents sectoriels locaux qui, bien que n'ayant aucun rapport avec la gestion des ressources en eau, sont de nature à avoir un impact sur la gestion ou la qualité des ressources en eau. En effet, ils prévoient un rapport de normativité qui ne vaut que pour les programmes et décisions administratives prises " dans le domaine de l'eau ".
Par ailleurs, une autre question demeure : que doit-on comprendre par " plans de développement existants ou en cours d'exécution " auxquels les SDAGE doivent se conformer ? S'agit-il seulement des Plans Communaux et Régionaux de Développement (PCD et PRD) ou tient-elle compte notamment des Plans d'Occupation des Sols (POS) et des Schémas Directeurs d'Aménagement et d'Urbanisme (SDAU) ?
Il reviendra au juge de se prononcer en temps opportun, à moins que le législateur ne revienne entre temps sur l'article 21 de la loi sur l'eau pour supprimer la mention " dans le domaine de l'eau ".
Ismaël MILLOGO
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