En France, les critères de définition d'un produit made
in France sont paradoxaux. Un produit peut avoir acquis plus de 50 % de sa
valeur à l'étranger et être estampillé " fabriqué en France ". La
création du label Origine France Garantie en 2010 témoigne d'une quête de
cohérence dans la définition du made in France. Mais la question est loin
d'être simple à traiter.
Jusqu'aux États-Unis, on a entendu parler de la croisade du gouvernement français et de son ministre du Redressement productif pour le made in France. Si les journalistes de BusinessWeek semblent dubitatifs sur la capacité de notre gouvernement à " prévenir ainsi la destruction continue d'emploi " en France, il faut bien concéder que François Hollande et ses ministres ne sont pas les premiers à s'être emparés du sujet. Malgré la relative ancienneté du débat, l'intérêt du sigle made in France n'est en rien acquis. À l'heure actuelle en effet, il s'agit plus d'une coquille vide que d'une véritable garantie pour les consommateurs qui se voudraient responsables.
Le made in France, un concept vide de sens ?
Défendu par Nicolas
Sarkozy lorsqu'il était chef de l'État, vanté par François Bayrou comme
" une démarche civique " pendant la campagne présidentielle, repris
par Arnaud Montebourg comme son fer de lance, le made in France est devenu en
peu de temps un incontournable du débat économique. L'intérêt des politiques
français pour le sujet ne faiblit pas. Et d'ailleurs, après avoir posé en
marinière Armor Lux pour promouvoir l'industrie française, le ministre du
Redressement productif déclarait fin octobre 2012 vouloir obtenir des enseignes
de la grande distribution la création de rayons made in France. " Comme elles
l'ont fait pour le bio ", déclarait Arnaud Montebourg. Mais ces deux
choses sont-elles seulement comparables ?
Qualifier un produit de
" bio " est une tâche relativement simple : d'après la législation
européenne, il suffit pour cela de contrôler que le produit a été cultivé à
l'abri de toute exposition à des " produits chimiques de synthèse ". La
définition du made in France est pour sa part extrêmement ambiguë, pour ne pas
dire floue. La marinière Armor
Lux d'Arnaud Montebourg affiche ainsi fièrement son " made in
France ", mais, le directeur de la société, Jean-Guy Le Floch ne cache pas
que cet article est pour l'essentiel produit hors de France. " Nos
produits sont fabriqués à 40% en France, 45% au Maghreb [...]. S'y ajoute un
complément en Bulgarie, au Maroc et en Inde pour le coton équitable",
explique-t-il en toute honnêteté dans une longue interview donnée pour
Fashion Daily News.
Le Code des douanes
de la Communauté européenne prévoit seulement qu'une marchandise " est
originaire du pays où a eu lieu la dernière transformation [...] ayant abouti à
la fabrication d'un produit nouveau ou représentant un stade de fabrication
important " (article
24). Quant au Code des douanes françaises, il interdit
l'importation de produits étrangers comportant toute mention " de nature à
faire croire qu'ils ont été fabriqués en France où qu'ils soient d'origine
française ". Le texte stipule également qu'un produit peut être estampillé
" made in France " ou " fabriqué en France " à condition
d'avoir pris 45 % au moins de sa valeur ajoutée en France.
En vertu de cette définition a minima, la marinière d'Arnaud Montebourg est bel et bien made in France. Pour le consommateur-citoyen en revanche, autant dire que cette mention ne présente aucun intérêt puisqu'elle ne lui permet pas de faire la distinction entre les produits issus de l'importation, et ceux dont la réalisation a majoritairement profité au tissu économique français. Pour remédier aux paradoxes de la loi, des initiatives de labélisation ont donc vu le jour.
La labélisation comme solution ?
En 2010, le député Yves Jégo remettait à Nicolas Sarkozy un rapport élégamment intitulé. En finir avec la mondialisation anonyme. La traçabilité au service des consommateurs et de l'emploi résumait ainsi fort bien les principaux enjeux du made in France : favoriser la production nationale en informant le consommateur et en lui permettant ainsi de privilégier les produits dont l'impact positif est le plus grand pour l'économie française.
Ce rapport a débouché sur la création d'un
label. Baptisé Origine France Garantie, il assure aux consommateurs que l'origine
française du produit est une réalité économique et pas seulement
administrative.
Le bureau de
certification Véritas délivre ce nouveau label en s'appuyant sur un cahier des
charges plus étroit, et plus cohérent. Tout article éligible doit ainsi
" prendre ses caractéristiques essentielles en France ", et acquérir
50 à 100 % de sa valeur ajoutée d'autre part. Fort de ces critères
sélectifs, le label comptait, fin 2012, plus de 200 entreprises dont une
écrasante majorité de PME. Même les entreprises en B to B se font certifier :
elles représentent " 40 % de nos clients " peut-on lire dans Les Echos qui rapportent les propos
Jacques-Henri Semelle, le secrétaire général l'association Pro France en charge
du label. Le succès de la démarche semble évident, et pourtant.
Déjà les critiques
pleuvent sur ce nouveau label. Sa légitimité a notamment été contestée
en ce sens qu'elle ne tenait compte que du coût de revient du produit.
Interrogé par Capital.fr, le
secrétaire de l'Union française des industries de l'habillement, François-Marie
Grau, expliquait ainsi : " moins les composants achetés à l'étranger
sont chers, plus la part de la valeur ajoutée française est importante ".
L'argument n'enlève rien au fait que l'impact économique positif d'un produit
labélisé par Véritas est plus grand que celui simplement estampillé " made
in France ". Mais François-Marie Grau montre que le label Origine France
Garantie ne renseigne pas forcément très bien, comme le consommateur pourrait
l'espérer, sur l'origine du produit. Quoi qu'il en soit, les outils qui servent
à qualifier le made in France sont toujours en pleine maturation.
Face aux mauvaises pratiques et aux risques de désinformation du consommateur, la démarche de labellisation semble s'imposer aujourd'hui comme la solution la plus pertinente pour donner une consistance au concept de made in France. Il revient notamment au label Origine France Garantie d'avoir su remettre un peu d'ordre dans le critère de définition d'un produit français, dont la consommation a un impact positif fort sur l'économie nationale. Pour autant, la valse des étiquettes n'a pas fini de faire tourner la tête aux consommateurs français. Il est encore difficile de se procurer des informations sur l'origine des composants des produits. Par ailleurs, est-il besoin de souligner l'incompréhension qu'entretient la cohabitation de plusieurs mentions comme " made in France " ou " Origine France Garantie " ? Ainsi y a-t-il fort à parier que, tant que cohabiteront ces terminologies ambigües, les producteurs peineront à faire valoir leurs produits sur le marché, et le discours des politiques continuera de faire sourire.