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Les faiblesses de la gestion territoriale des ressources en eau : un buissonnement normatif territorial contradictoire et segmenté


En l'espace de 12 ans, plus d'une centaine de textes a été adopté dans le cadre de la mise en oeuvre du Plan d'Action pour la Gestion Intégrée des Ressources en Eau (PAGIRE) et pour le développement du secteur privé. Cette effervescence normative entraine à la fois des incohérences juridiques (A) et une gestion segmentée des ressources en eau (B).

 

A. Les incohérences juridiques de la gestion territoriale des ressources en eau

La 1ère incohérence réside dans les modifications substantielles temporelles des dispositions des documents de gestion des ressources en eau. Par exemple, en l'espace de deux (2) ans, l'agence de l'eau est passée du statut d'établissement public à celui de groupement d'intérêt public.

La qualification des Comités locaux de l'eau est sujette à questionnement. Le guide de mise en place des CLE définit à plusieurs reprises les Comités Locaux de l'Eau (CLE) comme des " associations sans personnalité juridique "[1].

La loi n° 10-92/ADP portant liberté d'association attribue la personnalité juridique aux associations sous réserve du respect de son article 3 ci-après : " Toutes personnes désirant former une association dotée de la capacité juridique doivent observer les formalités ci-après :

-         assoir une instance constitutive (Assemblée Générale, Congrès ...) ;

-         soumettre à cette instance, pour adoption, les projets de statuts portant l'objet, les buts, la durée, le siège et le règlement intérieur de  la future association ;

-         procéder à la désignation des membres dirigeants de l'association ;

-         établir un procès-verbal des travaux de l'instance constitutive avec mentions obligatoires de la composition de l'organe dirigeant, l'indication de l'identité et des adresses complètes de ses membres. "

A l%u2018analyse, les Comités Locaux de l'Eau sont bel et bien des associations disposant de la personnalité juridique au sens de la loi portant liberté d'association.

Toutefois, le PAGIRE indique que les Comités Locaux de l'Eau (CLE) " ont pour mission l'élaboration des SAGE, sous forme notamment de conventions de gestion de sous-bassins, d'ouvrages, de contrats de rivières, de contrats d'agglomération, le tout en concertation avec les agences de bassin "[2].

Comment peuvent-ils passer des contrats s'ils n'ont pas la personnalité juridique ? Là réside toute la contradiction du dispositif.

 

B. Une gestion territoriale des ressources en eau segmentée

La gestion des ressources en eau à l'échelle des bassins et des collectivités territoriales doit en principe s'effectuer dans le respect et la prise en considération des schémas sectoriels régionaux et municipaux.

Certes, les différents ministères sont représentés au niveau territorial dans les instances de gestion, de planification et/ou de concertation des ressources en eau et certaines structures compétentes dans des domaines autres que l'eau donnent leur avis quant à l'adoption des schémas d'aménagement et de gestion des eaux.

Néanmoins, aucun rapport de droit n'a été défini par le législateur entre les documents de gestion des eaux et les autres documents, notamment d'aménagement et d'urbanisme. En effet, la loi exclut du champ de compatibilité des schémas d'aménagement et de gestion des eaux tous les documents sectoriels locaux qui, bien que n'ayant aucun rapport avec la gestion des ressources en eau, sont de nature à avoir une influence sur la gestion ou la qualité des ressources en eau[3].

Aussi, la loi ne prévoit aucun rapport de " prise en compte " entre ces documents.

L'initiative de la " prise en compte " provient du décret portant schémas d'aménagement et de gestion des eaux. Il étend le champ de normativité à tous les autres documents locaux via cette nouvelle relation. Ainsi, ce décret d'application élargit la sphère d'influence des schémas d'aménagement et de gestion de l'eau.

Nonobstant ces éclaircissements, une autre question demeure : que doit-on comprendre par " plans de développement existants ou en cours d'exécution "[4] auxquels les SDAGE doivent se conformer ? S'agit-il des Plans Communaux et Régionaux de Développement (PCD et PRD) ou tient-elle compte des Plan d'Occupation des Sols (POS) et des Schémas Directeurs d'Aménagement et d'Urbanisme (SDAU) ?

Selon le code de l'urbanisme et de la construction, le SDAU " fixe les orientations du développement des agglomérations urbaines "[5], fait apparaitre avec le POS " les éléments essentiels des réseaux d'eau" et " les plans de réseaux existants et futurs relatifs à l'eau potable (...) "[6].

Par conséquent et dans le respect de la lettre de l'article 4.1.5 du décret n° 2005-192, les SDAGE doivent être conformes aux SDAU et POS. En toute logique, ce sont les POS et les SDAU qui doivent être rendu conformes ou compatibles aux SDAGE et SAGE et non l'inverse. Dans tous les cas, ce sera au juge de se prononcer sur la légalité du décret en temps opportun ; à moins que le législateur ne revienne entre temps sur la loi sur l'eau de 2001 pour supprimer la mention " dans le domaine de l'eau " contenue dans le dernier alinéa de l'article 21 de la loi sur l'eau.


[1] Direction Générale de l'Inventaire des Ressources Hydrauliques, Les comités locaux de l'eau, maillons de base du cadre institutionnel de Gestion Intégrée des Ressources en Eau du Burkina Faso, Juillet 2004, P. 22.

[2] Ministère de l'Agriculture, de l'Hydraulique et des Ressources Halieutiques, Plan d'Action pour la Gestion Intégrée des Ressources en Eau, Mars 2003, page P.32

[3] L'article 21 de la loi n° 002-2001/AN du 08 février 2001 énonce que " les programmes et décisions administratives dans le domaine de l'au doivent être compatibles ou rendu compatibles avec les dispositions du schémas. Il s'agit donc d'une compatibilité qui ne vaut que pour les programmes et décisions administratives prises " dans le domaine de l'eau "

[4] Article 4.1.5 du décret n° 2005-192  portant procédures d'élaboration, d'approbation, de mise en  oeuvre et de suivi des schémas d'aménagement  et de gestion de l'eau.

[5] Article 2 de la loi n° 017-2006 du 18 mai 2006 portant code de l'urbanisme et de la construction au Burkina Faso.

[6] Article 59 et 73 de la loi n° 017-2006 du 18 mai 2006 portant code de l'urbanisme et de la construction au Burkina Faso.

 

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