Des chercheurs de l'IRD et leurs partenaires de l'Agence régionale de santé océan Indien viennent d'identifier une nouvelle espèce de moustique à Mayotte. Celle-ci pourrait être un vecteur de la dengue et du chikungunya jusque-là inconnu. Stegomyia pia, nom que les scientifiques lui ont donné, appartient en effet au groupe d'espèces qui transmettent ces virus. Le célèbre moustique tigre en fait aussi partie. La découverte de cette nouvelle espèce de moustique mahoraise, potentiellement vectrice, permet de mieux connaître les moustiques susceptibles d'être combattus. Elle devrait conduire à renforcer l'efficacité des programmes de prévention de ces maladies.
Une découverte inattendue
Les chercheurs ont passé au crible l'ensemble de l'île, à la recherche du moindre moustique ou de larves. Leur objectif : établir l'inventaire complet des espèces mahoraises. Grâce à des études morphologiques approfondies et au séquençage moléculaire des individus collectés, les entomologistes ont mis à jour une considérable diversité d'espèces au regard de la petite taille du territoire (376 km²). Ils ont répertorié 4 espèces de moustiques Stegomyia dont une espèce jusque-là inconnue, qu'ils ont baptisée Stegomyia pia. Son corps noir et brillant est orné d'écailles à reflet argenté ou jaune - " pia " signifie " joli " en Shimaore, la langue de Mayotte. Une apparence flatteuse sous laquelle se cache un caractère nuisible...
De forts soupçons pèsent sur la nouvelle espèce
Stegomyia pia recèle en effet un potentiel de transmission de graves maladies virales, telles que la dengue et le chikungunya qui sévissent dans l'océan Indien et le Pacifique. Elle appartient au même groupe que les moustiques Aedes aegypti et Aedes albopictus, ce dernier étant mieux connu sous le nom de moustique tigre. Ce groupe réunit des espèces très proches sur les plans morphologique et physiologique ainsi que pour de nombreux traits de vie - gîtes larvaires préférentiels, habitudes alimentaires et la longévité. Toutes sont connues pour transmettre par leur piqûre ces infections. L'inventaire ayant été réalisé essentiellement sur les stades larvaires aquatiques et hors période épidémique, les scientifiques n'ont pas pu mettre la main sur des Stegomyia pia porteuses de l'un de ces virus et, donc, démontrer sa capacité vectorielle. Mais la présomption qui pèse sur cette nouvelle espèce est forte.
Mieux connaître les moustiques transmetteurs
La 4ème espèce de Stegomyia de Mayotte est a priori endémique de l'île : les chercheurs ont établi que Stegomyia pia est une espèce autochtone, et non introduite à partir d'une autre région du monde comme son cousin le " moustique tigre ", originaire d'Asie de l'Est. Cette espèce se révèle relativement abondante : elle a été identifiée dans 6 % des 420 sites échantillonnés, principalement dans les petites collections d'eau des trous d'arbres et de bambous coupés. La découverte de cette nouvelle espèce mahoraise, vecteur présumé, permet de mieux connaître les moustiques à combattre, leurs particularités et leurs habitudes, notamment alimentaires. Elle pourra conduire à mieux prévenir le risque de transmission des maladies. L'équipe de recherche évalue désormais la compétence vectorielle de ce moustique et les préférences des femelles adultes pour leur repas de sang.
Partenaires
Agence régionale de santé (ARS) océan Indien, Mayotte, France.
Références
Le Goff Gilbert, Brengues Cécile, Robert Vincent. Stegomyia mosquitoes in Mayotte, taxonomic study and description of Stegomyia pia n. sp. Parasite, 2013, 20, in press.
Bon à savoir
Mayotte est un département et une région d'outre-mer (DROM) français de l'océan Indien. Elle appartient à l'archipel des Comores et est située à 250 km à l'ouest de Madagascar. Elle est densément peuplée, avec plus de 210 000 habitants.
De par sa situation géographique et son climat tropical, Mayotte est exposée à de nombreuses menaces sanitaires, et en particulier au risque d'épidémie de dengue et de chikungunya. Le chikungunya y est apparu en 2004-2005. L'année 2010 a été marquée par une épidémie de dengue et de chikungunya. En 2012, 43 cas de dengue et quelques cas de chikungunya ont été identifiés à Mayotte.
La dengue et le chikungunya se manifestent par une forte fièvre, des maux de tête, vomissements, douleurs articulaires et musculaires, ecchymoses, voire des hémorragies. Il n'existe pas à ce jour de traitement ni de vaccin.
Glossaire
Stegomyia : ancien sous-genre du genre Aedes, récemment érigé au rang de genre, qui compte les principaux vecteurs de la dengue, du chikungunya et de la fièvre jaune.
Capacité vectorielle : potentiel de transmission d'un agent infectieux par le moustique, qui combine sa compétence vectorielle et les conditions écologiques locales.
Photos sur www.indigo.ird.fr
Contacts
Vincent Robert, chercheur à l'IRD
Tél: 33 (0)4 67 41 61 27
Gilbert Le Goff, ingénieur à l'IRD
Tél : 33 (0)2 62 93 88 19
UMR Maladies infectieuses et vecteurs : écologie, génétique, évolution et contrôle - MIVEGEC (IRD / CNRS / Université Montpellier 1 et 2)
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