La méthanisation est un procédé en plein développement en France. Malgré son potentiel, cette technologie doit encore démontrer sa capacité à s'intégrer dans un environnement urbain. Compte tenu de sa relative dangerosité, il n'est pas dit qu'elle y parvienne.
Économie circulaire, recyclage, valorisation des déchets et autres résidus : on ne manque plus de formules aujourd'hui pour désigner le fait de réutiliser les produits secondaires des activités humaines afin de leur trouver une utilité. Parmi les technologies les plus prometteuses, il convient de citer la méthanisation qui permet de produire de l'énergie sous forme de gaz à partir de déchets organiques. Envisagé comme une véritable révolution écologique et énergétique, ce procédé n'en trouve pas moins des applications limitées, notamment en raison du risque industriel qui lui est associé.
Une technologie prometteuse
" La méthanisation est un procédé de plus en plus utilisé dans le cadre de la réduction des impacts environnementaux en matière de gestion des déchets ", précise l'Institut national de recherche et de sécurité pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles. L'INRS propose donc une brochure de sensibilisation aux risques de la filière, essentiellement destinée aux professionnels du monde agricole. Ce support de communication résume à lui seul toute l'ambivalence des espoirs suscités par la filière de la méthanisation en France. Les pouvoirs publics espèrent optimiser le développement d'une capacité de production sur le modèle des " milliers d'unités du parc allemand " ainsi que l'indique Actu-Environnement, tout en maîtrisant les risques associés à cette technologie.
Car la méthanisation est une activité nouvelle, hautement technique et potentiellement dangereuse. Informer à son sujet apparaît donc comme une nécessité. Pour autant, cette technologie constitue une opportunité industrielle très prometteuse pour la France. Et l'on assiste ainsi à l'inauguration de nombreux sites de production, comme en Bretagne où le Conseil régional a accordé 205 000 euros pour la création d'une unité à Pontivy et d'une autre à Plounévez-Lochrist. À Provency, dans l'Yonne, c'est une installation de 4 millions d'euros qui doit être inaugurée bientôt ; il est prévu qu'elle sera administrée par 3 agriculteurs, en leur qualité d'actionnaires majoritaires du site. Dans le territoire de Gavé dans l'Orne, Cap Vert Énergie a investi " plus de 3,8 millions d'euros ", dans un " méthaniseur " dont la mise en service est " prévue en 2015 ".
Faire d'une pierre deux coups : voilà l'ambition de la méthanisation dont l'objet est la prise en charge des déchets et leur réutilisation pour produire de l'énergie. Cette double opportunité suscite d'ailleurs l'intérêt des pouvoirs publics qui encouragent le développement du procédé : " un nouveau tarif sera mis en place dans les prochaines semaines pour le rachat du gaz et de l'électricité produits par méthanisation " annonçait par exemple François Hollande le 18 janvier 2013. La mesure a depuis pris effet et s'applique aux exploitations agricoles. Une disposition de bon sens, car un centre de production de gaz hautement inflammable s'implante plus volontiers à la campagne qu'en ville.
Des risques nouveaux
Dans la région parisienne par exemple, le Syndicat intercommunal de traitement des ordures ménagères (Syctom) en a fait l'expérience. À Ivry-sur-Seine ainsi qu'à Romainville, François Dagnaud - le président du syndicat - tente ou a tenté de faire accepter l'idée aux riverains que les traditionnels incinérateurs implantés dans ces communes puissent devenir des usines de méthanisation. Dans les deux localités, le Syctom se heurte à une vive opposition de la part des habitants soucieux des risques associés au procédé. À Ivry, où l'incinérateur a fait l'objet de lourds travaux de modernisation déjà estimés à 200 millions d'euros hors taxes au cours des dernières années, l'idée de débourser 800 millions d'euros supplémentaires pour raser la centrale et la remplacer par un dispositif de méthanisation fait - au mieux - débat. Au pire, elle exaspère des riverains qui comprennent mal aussi bien le coût pharaonique du projet, que le risque industriel qu'on leur fait ainsi courir.
" Ce projet est une aberration [...] il n'a fait l'objet d'aucune enquête publique digne de ce nom ", affirmait Me Alexandre Faro - avocat de l'association de riverains de Romainville Arivem - à la veille de procès qui a finalement débouché sur une annulation de l'autorisation d'exploitation de ce premier centre de méthanisation. À Ivry-sur-Seine, où la question n'est pas encore tranchée, des critiques et des inquiétudes similaires sont naturellement exprimées : " on ne comprend pas pourquoi on projette cette usine [...] dans une zone appelée à être très dense, où elle peut présenter un danger d'explosion ", explique le Collectif 3R rassemblant les riverains d'Ivry-sur-Seine.
On observe des cas similaires partout en France où des usines de méthanisation sont implantées près des villes. À Montpellier par exemple, les habitants ne manquent pas d'arguments pour dénoncer l'implantation d'un centre de méthanisation dans la zone artisanale de Garosud. " Les grosses unités de méthanisation en Espagne [...] se trouvent à 2 km du premier habitant ", explique Novethic qui rapporte les propos des riverains. " Les voisins de l'usine redoutent les émanations d'hydrogène sulfureux ", un gaz qui devient inodore à forte concentration, produit de la décomposition de matière organique, et létal lorsque concentré.
En raison de la nature même du type d'énergie produite, et en dépit de son efficacité, la méthanisation n'est évidemment pas adaptée à toutes les configurations géographiques. C'est en milieu urbain que son emploi reste le plus débattu. Sans grande surprise, c'est aussi en ville que se multiplient les tentatives les plus médiatisées et les plus polémiques d'implantation d'infrastructures exploitant ce type de technologies. La méthanisation est en plein développement sur le territoire français et doit à l'évidence encore trouver sa place sur ce marché. Toutefois, une chose semble d'ores et déjà certaine : cette place ne se trouve pas à proximité des habitations.