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L'inadaptation au changement climatique des chevreuils en forêt entraîne une mortalité accrue des faons


Le changement climatique décale certains phénomènes saisonniers. Sous l'effet de températures plus douces, le réveil printanier de la végétation est plus précoce, les larves d'insectes éclosent plus tôt... Comment réagissent les animaux qui dépendent de ces ressources alimentaires ? La mésange charbonnière a avancé sa date de ponte afin que la période des naissances reste synchrone avec l'abondance des chenilles dont elle se nourrit. La plupart des mammifères étudiés jusqu'à présent (dont le cerf élaphe) s'adaptent de manière similaire. Mais ce n'est pas le cas du chevreuil, qui comme le montre l'étude menée par l'équipe " Ecologie évolutive des populations " du Laboratoire biométrie et biologie évolutive (CNRS/Université Claude Bernard Lyon 1) et de l'Office National de la Chasse et de la Faune Sauvage (ONCFS), est incapable de régler la période des naissances sur le pic printanier des ressources végétales dont il dépend.

Les chercheurs sont parvenus à ce constat en étudiant la population de chevreuils de la forêt de Trois-Fontaines, en Champagne. Chaque année depuis 1985, les faons nouveau-nés sont capturés d'avril à juin afin d'estimer leur date de naissance et de les marquer par une bague à chaque oreille. De janvier à mars, une campagne de recapture permet d'estimer le taux de survie à 8 mois des faons. Par ailleurs, l'avancée du printemps a été mesurée grâce aux dates de floraison du vignoble champenois. Au cours de la période d'étude de 1985 à 2011, alors que la température printanière a augmenté de 0,07°C par an et que l'avance de la végétation a été de 0,6 jour par an, la date moyenne de mise-bas du chevreuil est restée constante, centrée autour du 16 mai. Par conséquent, les naissances se produisent aujourd'hui deux semaines après l'apparition en forêt des jeunes pousses dont se nourrissent les chevreuils et dont dépendent particulièrement les femelles allaitantes. Ce déficit de ressources végétales accroît la mortalité des jeunes faons, ce qui diminue le recrutement , et in fine, le taux d'accroissement de la population (passé de 1,23 à 1,06).

Les raisons de cette inadaptation sont doubles : d'une part, le cycle reproductif du chevreuil dépend de la photopériode qui n'est pas modifiée par le changement climatique. D'autre part, la date de naissance ne semble pas être héritable : bien que les femelles nées tôt dans la saison aient plus de chance de survivre (un quart des faons nés après le 31 mai atteignent l'âge de 8 mois, soit deux fois moins que ceux nés avant le 12 mai), elles n'ont pas tendance à mettre bas plus tôt que les autres.

Si l'avancée du printemps se poursuit, le chevreuil pourrait décliner dans les écosystèmes forestiers, mais toutefois pas avant plusieurs décennies. Quant aux chevreuils vivant en milieu ouvert, ils ne semblent pas souffrir du changement climatique, car ils se nourrissent aussi des cultures agricoles.
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