par Mathilde Fois-Duclerc, Genre en Action
Bordeaux, le 10 avril 2014. "Genre et Développement : une thématique à part ?", est le titre d’un atelier animé par Genre en Action dans le cadre d’une journée consacrée à l’Agenda Post-2015, organisée par Cap Coopération (Centre aquitain de ressources pour la coopération internationale).
Alors que la date butoir de 2015 pour l’atteinte des Objectifs du Millénaire pour le Développement « OMD » approche, des réflexions sont en cours pour l’élaboration de l’Agenda International du Développement : la stratégie post-2015.
Au sein, des OMD, le genre était concentré dans l’OMD 3 : « Promouvoir l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes ». La question du Genre a donc été traitée de façon sectorielle durant la stratégie des OMD, quel bilan peut-on tirer de cette approche ? Doit-on favoriser une approche transversale de la thématique du Genre pour l’Agenda International du Développement ?
De plus, l’OMD 3 ainsi que ses indicateurs (Rapport filles/garçons dans l’enseignement primaire, secondaire et supérieur ; Proportion des femmes salariées dans le secteur non agricole ; Proportion des sièges occupés par les femmes au parlement national) a-t-il inclus toutes les problématiques, et notamment qualitatives, liées au Genre ?
La question du Genre constitue-t-elle une thématique à part dans le Développement ou bien en est-elle une condition indispensable ?
Penser le genre pour penser un développement équitable
Claudy Vouhé et Lucille Terré - présidente et coordinatrice de Genre en Action - ont questionné la place donnée au genre dans les politiques de développement, aux côtés de Safia Otokoré, chargée de mission « Relations extérieures et Genre » à l’Agence Française de Développement (AFD).
« Partout, les femmes sont les plus pauvres parmi les pauvres. Elles subissent les inégalités salariales, la charge du travail non rémunéré et d’emplois mal valorisés socialement et financièrement... »
L’atelier a d’abord permis que des personnes aux profils variés, travailleurs sociaux, membres d’ONG, militantes féministes ou encore actrices de la coopération décentralisée, se rencontrent et réfléchissent ensemble. Tou.te.s se sont plié.e.s à l’exercice qui visait à déterminer les difficultés particulières vécues par les femmes et les filles face aux nouveaux objectifs du développement.
Pendant une vingtaine de minutes, les participant.e.s ont pu échanger leurs expériences, connaissances et intuitions sur le sujet... Un temps certes trop court pour mener la réflexion à son terme, mais suffisant pour lancer des pistes très intéressantes.
Concernant la gestion durable des ressources naturelles, « il y a une difficulté réelle d’accès à la propriété foncière. Les femmes travaillent sur des lopins de terre qui ne leur appartiennent pas. Mais on constate tout de même de plus en plus d’initiatives de coopératives, qui sont un levier très important pour l’autonomie. »
Sur l’énergie durable, on a observé que « dans de nombreux pays des Suds, on utilise beaucoup le charbon de bois, en particulier pour la cuisine... et presque toujours, ce sont les femmes qui s’en occupent. Elles sont donc particulièrement affectées par la toxicité de ce combustible. »
Le genre ne se mesure pas au kilo
Après ces premiers échanges, les participant.e.s sont entré.e.s dans le vif du sujet en pensant le genre non comme synonyme de femmes, mais comme de rapports sociaux de sexe. Une barrière théorique pas facile à franchir pour tout le monde, même si la plupart semblaient déjà sensibles à la question.
La question de la mixité ou de la non-mixité a notamment donné lieu a d’intenses échanges entre les participant.e.s.
"- Il peut y avoir une non-mixité choisie, entre opprimées, qui va permettre de faciliter la prise de parole, de partager un outil d’émancipation. - Tout-à-fait, mais l’approche genre dans un groupe mixte, cela ne veut pas dire non plus qu’on homogénéise tout. Au contraire, cela signifie faire attention aux rapports de pouvoir et de hiérarchie dans les prises de parole, dans la prise de décision, dans l’action. - Un nombre minimal de femmes n’est pas garant d’une action genrée : on peut faire du genre en travaillant avec des groupes d’hommes, le genre ne se mesure pas au kilo !"
Les différences entre les femmes ont également été abordées :
"On ne peut pas décemment parler de LA femme (la femme africaine, la femme européenne, etc.). Les femmes ne sont pas toutes les mêmes, il y a des urbaines, des rurales, des célibataires, des mariées, des hétérosexuelles, des lesbiennes... Certaines, en fonction de leur classe sociale ou de leur origine, sont doublement discriminées."
Pour Genre en Action, il est surtout important d’insister sur le rôle du genre comme outil de compréhension des inégalités :
"L’intérêt du genre, c’est de montrer que le problème n’est pas lié aux femmes, ni que ce sont les femmes le problème. Il n’y a pas de raisons biologiques ou hormonales aux inégalités. Il s’agit de problèmes sociétaux qui affectent les femmes. Faire des projets qui ne sont dirigés que vers les femmes, comme le micro-crédit, est donc une erreur, car cela sous-entend que le problème vient des femmes. C’est aux contextes socio-économiques qu’il faut s’attaquer."
Et Safia Otokoré de résumer : « cette approche rend visible l’invisible ».
Conclusion
L’atelier touche à sa fin, une conclusion se dessine : non, le genre n’est pas une thématique à part, il a sa place dans chacun des objectifs de développement post-2015. Sur tous ces sujets, il existe de la matière pour lutter contre les inégalités et créer la possibilité d’un développement durable. C’est la raison pour laquelle Genre en Action plaide pour une intégration transversale du genre, en plus d’un objectif dédié.
[POST2015G]
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