Au Burkina Faso faut-il le rappeler, la surpopulation carcérale est presque devenue un fait banal dans les maisons d'arrêt et de correction à travers le pays. A la Maison d'Arrêt et de Correction de Ouagadougou (MACO) on a même craint à un certain moment que le grand bâtiment qui abrite le plus gros contingent, ne s’écroule, au regard de sa vétusté. Pour la énième fois, les prisonniers se sont mutinés pour dénoncer leurs conditions de vie précaires, du reste, connues des autorités judiciaires. Les "bagnards" ont, au cours des négociations engagées avec les autorités judiciaires, relevé, entre autres, qu’ils mangeaient mal, que leur infirmerie manquait cruellement de médicaments et qu’il y avait une certaine lenteur dans le traitement des dossiers d’appel.
Pour une plate-forme revendicative, on peut dire qu’ils ont été bien inspirés tant les problèmes posés sont loin d’être imaginaires. En effet, les maisons d’arrêt sont conçues pour corriger ceux qui se sont écartés des normes sociales. Un prisonnier, malgré la restriction de sa liberté, a toujours des droits et une dignité à préserver parce que la société a toujours besoin de lui. Autant donc humaniser les prisons en améliorant les conditions de vie des détenus. Certes, les maisons d’arrêt bénéficient de soutiens divers d’organisations de la société civile qui permettent d’améliorer le quotidien des prisonniers mais beaucoup reste à faire. et que dire des détenus dans les commissariats de police et les gendarmeries? Membre du bureau exécutif de la Ligue pour la Défense de la Justice Et de la Liberté (LIDEJEL), et détenteur de permis de visite permanent, nos passages dans ces lieux de détention nous ont fait toucher du doigt les réalités tristes que vivent les délinquants et les larcins qui y séjournent. Tortures, privation de nourriture, corvées diverses, nous avons découvert dans ces lieux des pratiques d'un autre siècle au mépris total des droits humains sans que l'autorité ne trouve à redire. Pourtant ils ne sont là que le temps des enquêtes préliminaires avant d'être remis au parquet pour suite à donner. De simple garde à vue se prolongent anormalement et les pensionnaires subissent toutes sortes de traitements dégradants.
Pour désengorger les prisons actuelles devenues trop exiguës, l’Etat a décidé de construire de nouvelles infrastructures . Il reste à voir si la promesse sera tenue. Et c’est là que le bât blesse. Si les détenus manifestent bruyamment leur colère, c’est que le système judiciaire connaît quelques défaillances. Il avait d’ailleurs été sous les feux de la rampe pendant plusieurs années. Si des progrès ont été accomplis, il reste que leur rythme ne répond pas aux aspirations des populations.
Aujourd’hui, le Burkina post-insurrectionnel doit avoir une Justice indépendante et qui fait preuve de célérité. S’il y a surpeuplement à la MACO, c’est parce que, entre autres, il y a de nombreux détenus qui attendent des mois avant d’être jugés. Et le grave problème que cela pose, c’est que des auteurs de petits larcins ressortent de la MACO avec une expertise avérée en matière de vol et autres crimes parce qu’ils ont côtoyé longtemps de grands délinquants et des coupeurs de route. Vivement donc que la prison de haute sécurité soit rapidement mise en service pour que la réinsertion des prisonniers ne soit plus un vain mot. L’univers carcéral ne doit pas fabriquer d’autres hors-la-loi. Il faut aussi relever que la politique des travaux d’intérêt communs mérite d’être encouragée d’autant que cela permettra de désengorger un tant soit peu les prisons du Burkina.
Toutefois, l’indépendance de la Justice reste un serpent de mer. En effet, on a bien souvent le sentiment que ceux qui ont « les bras longs » sont toujours privilégiés par rapport aux autres. C’est pourquoi d’ailleurs, la police a, plusieurs fois, relevé qu’à cause des interventions, elle n’arrivait souvent pas à travailler correctement. L’un des hauts responsables avait martelé que la MACO est une passoire. ceci est d'autant vrai que les gros poissons n'y séjournent que rarement. Et s'il arrive qu'un protégé des gourous de la république y reste, il bénéficiera de largesses des agents de sécurité pénitencière sur instructions. C'est aisi qu'il nous est revenu que des détenus de luxe passaient la nuit chez eux pour ne réintégrer la prison qu'au petit matin. Pour une justice crédible, il faudrait combattre ce genre de problèmes et travailler à l’amélioration des ratios en ressources humaines.
Car, la Justice est une chaîne dans laquelle il y a les magistrats, les avocats, les greffiers, les huissiers, les gardes de sécurité pénitentiaire… C’est aussi l’un des piliers d’une démocratie véritable où l’injustice et l’impunité sont toujours combattues et où chacun a la chance de voir ses droits protégés.
La transition saura-t-elle remettre l'ordre nécessaire avant le passage du témoins au nouveau gouvernement? Attendons de voir.
PRISONS DU BURKINA : L'introuvable remède à la surpopulation (701 hits)