Des modèles climatiques contribuant au projet Coupled Model Inter-comparison Project (CMIP) prévoient tous une élévation du niveau mondial des mers pour le XXIe siècle. Mais les changements prévus diffèrent selon le modèle et ne sont pas uniformes dans l'espace. Les prévisions fondées sur les scénarios de rejets lors du XXIe siècle varient jusqu'à un facteur de deux, qui augmente pour les siècles suivants.
Vu l'impact potentiel de l'élévation du niveau de la mer sur les populations et les écosystèmes côtiers, ce manque des connaissances est inquiétant. Le consensus est entravé par la difficulté d'interpréter des informations complexes à partir des systèmes terrestres et sur des échelles de temps variables. En vue de réduire cette incertitude entre les modèles prédictifs, le projet SEACHANGE financé par l'UE a évalué sur plusieurs décennies et siècles les effets de changements de la température, de la salinité et de la circulation océaniques sur le niveau de la mer. Ces effets sont comparables aux contributions des glaces terrestres (glaciers et calottes glaciaires).
Vers une modélisation plus précise
Le réchauffement planétaire dilate l'eau de mer, augmentant ainsi le niveau de la mer au niveau mondial. Les changements régionaux de la température des océans, parallèlement aux modifications des vents et de la salinité, provoquent un changement local du niveau de la mer, qui peut différer considérablement de l'élévation mondiale. D'après le professeur Jonathan Gregory, le coordinateur du projet SEACHANGE, «L'augmentation mondiale moyenne est un indicateur relativement bon de l'impact du changement climatique, mais une prévision plus exacte et sûre, notamment pour les zones localisées, reste un des plus grands défis de la climatologie.»
SEACHANGE s'est engagé à examiner de plus près les processus physiques simulés impliqués dans l'absorption mondiale de la chaleur par les océans, parallèlement à la distribution régionale de l'élévation du niveau de la mer prévue à partir de modèles climatiques 3D atmosphère-océan, utilisés par le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC). Le projet a étudié comment le changement du niveau de la mer est affecté par divers facteurs, comme les changements dans les vents, et les détails de la conception du modèle.
Les modèles de prévision étaient particulièrement divergents pour l'océan Antarctique et l'Atlantique Nord, des régions où d'importants changements du niveau de la mer sont prévus. Comme le fait remarquer le professeur Gregory, «Les modèles sont plus ou moins imparfaits, mais pour les améliorer il faut rechercher les éléments qui y contribuent, et voir ce qui a été changé ou ce qui n'a pas été pris en compte.»
Le projet a découvert que le changement du niveau de la mer de l'océan Antarctique est notamment influencé par le réchauffement à la surface et les changements des vents (flux de quantité à la surface), tandis qu'en Antarctique Nord le changement est plutôt affecté par le réchauffement de la surface avec (à un moindre degré) l'influence de l'affaiblissement de la circulation méridienne Atlantique (MOC, Atlantic Meridional Overturning Circulation). Les flux des eaux de surface (précipitation, évaporation et débit entrant) semblaient moins influencer le modèle de changement du niveau de la mer. Le modèle géographique du changement anthropique du niveau de la mer devrait devenir évident au cours de la prochaine décennie.
Les chercheurs soutiennent notamment que pour fixer des cibles de rejets de CO2 afin de limiter l'élévation du niveau de la mer, on devrait tenir compte non seulement des rejets cumulés de CO2, mais aussi de leur chronologie ou de leur origine. Le professeur Gregory explique que «Plus tôt on réduira les émissions, plus efficace sera la restriction de l'élévation à venir du niveau de la mer.» Mais en raison des longs délais nécessaires à l'expansion thermique anthropique, même lorsque la concentration de C02 sera stabilisée (ce qui stabilisera la température moyenne de la surface mondiale en l'espace de quelques décennies), le niveau de la mer continuera d'augmenter pendant plusieurs siècles. Autrement dit, les actions menées dans un avenir proche auront des conséquences à long terme.
Innovation et inspiration
Afin d'entreprendre une étude sur six ans, SEACHANGE a développé de nombreuses approches de recherche innovantes. L'étude était la première à procéder à des comparaisons entre les processus physiques de l'absorption de chaleur par les océans et le changement de température intérieure comme simulé par un ensemble de modèles; à quantifier l'influence du flux à la surface sur les projections pour le modèle géographique du changement du niveau de la mer; et à représenter de façon satisfaisante l'élévation mondiale du niveau de la mer pendant le vingtième siècle.
Les découvertes de l'étude ont complété les informations des projections du GIEC sur le changement de niveau de la mer. Elles ont été citées dans son cinquième rapport d'évaluation (2013), qui a influencé la procédure politique conduisant à l'accord de Paris (2015) de la conférence des partis à la Convention-cadre sur le changement climatique des Nations Unies (COP21).
SEACHANGE a également stimulé une nouvelle comparaison internationale de modélisation mondiale et régionale pour les processus physiques déterminant l'absorption de la chaleur par les océans et le changement du niveau de la mer régional, sous les auspices du CMIP.
Contribution aux efforts d'atténuation et d'adaptation
Le changement climatique affectant tous les États membres de l'UE, les institutions européennes ont convenu d'allouer 180 milliards d'euros (20 % du budget 2014-2020) aux efforts d'atténuation et d'adaptation pour le climat, ainsi que 864 millions d'euros de la part de LIFE, le fonds de l'UE dédié à l'environnement.
Grâce à ces importantes ressources consacrées à la réponse au changement climatique, des prévisions plus exactes de ses impacts potentiels seront utiles aux décideurs politiques. Comme le fait remarquer le professeur Gregory, des efforts approfondis sont nécessaires pour affiner et limiter les modèles, mais ajoute qu'«Alors que nous n'avons pas atteint notre destination finale, nous devenons plus précis d'un point de vue quantitatif et confiants quant à nos projections.»
Source : CORDIS
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