Que le système éducatif burkinabé soit malade relève d'une vérité de lapalissade. Les leaders du parti au pouvoir, comme si cette situation leur était étrangère s'offusquent et appellent à une réforme en profondeur. Un citoyen donne sa lecture de cette posture des tenants du pouvoir actuel et donne son propre diagnostic.
Ce constat est choquant. Pour le moins il devrait choquer, et tous les acteurs de l’éducation : parents, parents d’élèves, enseignants, ministres et ministères, et imposer à l’esprit de tous la nécessité d’une refondation immédiate du système éducatif. Voilà qu’aujourd’hui, les experts associés au parti au pouvoir se réunissent, comme pour nous faire croire qu’il va enfin se réveiller !
Le Pr Jean-Marie Dipama dit, avec raison : « Il faut d’abord la volonté et le courage politique ». Le problème est qu’il n’y en a, ni dans le projet présidentiel, pour le moins tiède en matière d’éducation, ni dans le programme de gouvernement du premier ministre, qui s’appuie sur le projet présidentiel.
Dans son discours de politique générale devant l’Assemblée nationale, après avoir établi cet affligeant constat que « la capacité productive est limitée par la faiblesse du niveau d’instruction et l’inefficacité de notre système éducatif » [feignant d’ignorer que la capacité productive s’acquiert, non par l’enseignement général seul, mais combiné à un apprentissage de production, par un enseignement technique et professionnel !] le premier ministre avait énoncé l’engagement de son gouvernement à construire des infrastructures.
Initiative louable, certes, qui tendra à réduire les surcharges d’effectifs, mais qui privilégie, encore et toujours, l’enseignement général aux dépens de l’enseignement technique et professionnel, n’apportant ainsi qu’une fausse réponse au premier constat (capacité productive), mais aussi au second constat énoncé : « La croissance de notre économie est dramatiquement contrainte par l’insuffisance des capacités dans tous les corps de métiers ». Il est bien dit « métiers », or, l’enseignement général ne prépare à aucun métier, mais au mieux à des fonctions.
Au cours des cinq années à venir, 2016 compris, il est prévu de construire les infrastructures suivantes :
310 nouveaux collèges du post primaire, prévus bien sûr pour l’enseignement général seul ;
45 centres de formation technique et professionnelle, soit 7 fois moins que de nouveaux collèges !
20 lycées professionnels, soit 14 fois moins que les 286 nouveaux lycées d’enseignement général prévus ;
et 13 lycées scientifiques dans les différents chefs-lieux de régions. Merci pour cette innovation.
Les surcharges d’effectif par classe sont, en effet, une des causes de la faillite du système éducatif, et il est louable de prévoir des infrastructures supplémentaires, mais vouloir augmenter la capacité productive et la croissance de notre économie, cela supposerait d’accorder une importance considérable à l’apprentissage des métiers, et ce n’est pas l’orientation choisie, preuve s’il en fallait qu’il n’est pas question d’inverser radicalement la tendance, et de réduire le déséquilibre entre enseignement général et enseignement professionnel.
Selon les données statistiques DEP/MESSRS de 2007-2008 (dernières statistiques auxquelles nous avons eu accès), l’enseignement technique et professionnel ne représentait que seulement 6,43 % des effectifs totaux de l’enseignement secondaire, soit exactement 25 587 élèves. Le programme du candidat MPP à la présidentielle prévoit d’accroître les effectifs de l’éducation formelle technique et professionnelle jusqu’à 16 % de l’effectif global. Non seulement c’est tout-à-fait insuffisant au vu de la situation du pays en matière de chômage, de “clochardisation” des différents acteurs, selon le diagnostic du Dr Salif Diallo, président par intérim du MPP, mais comment même y parvenir au regard du programme de gouvernement tel que présenté pour 2016 - 2020 ?
Trop peu de jeunes Burkinabè ont la possibilité de suivre les cycles d’enseignement de métiers (éloignement des structures, peu ou pas d’hébergement sur place) ; les autres, la grande majorité, s’ils parviennent à poursuivre leurs études, débouchent pour la plupart sur l’impasse du chômage, exceptés ceux qui parviennent à entrer dans la fonction publique. Mais le Burkina Faso a-t-il donc tant besoin de fonctionnaires qu’il contraigne 90 % de sa jeunesse, dans la grande majorité de ses structures, à n’acquérir que des connaissances générales, formant ainsi davantage de chômeurs que de producteurs ?
Le Pr Dipama a raison, les universités publiques sont devenues des usines à fabriquer des chômeurs et un lieu d’attente des étudiants pour les concours de la Fonction publique. Et il en réfère à la vision du président du Faso, mais les objectifs, présentés comme audacieux [inscrire l’enseignement supérieur au titre des priorités nationales ; mettre en œuvre la réforme de la gouvernance administrative et financière des universités ; renforcer le potentiel des infrastructures d’accueil et équipements techniques ; promouvoir l’utilisation des TIC ; améliorer les conditions de vie des étudiants, des enseignants et su personnel ATOS ; renforcer la configuration de l’offre de formation supérieure en consolidant le système LMD par la garantie de meilleures conditions de mise en œuvre], ne sont que du bla-bla dont on ne voit pas l’ombre d’une action concrète, jusqu’ici. Au contraire, comment prétendre à l’amélioration des conditions des étudiants quand, à Bobo-Dioulasso, ceux-ci ne disposent plus de moyen de transport depuis plus de six mois pour se rendre à l’université très éloignée de la ville, ni de possibilité de restauration ?
De l’avis du président par intérim du MPP, le Dr Salif Diallo, « Notre système éducatif est moribond et agonisant… », et il y a obligation de prendre des décisions fortes et courageuses pour parvenir à des solutions. Comment lui donner tort ? Mais des décisions fortes et courageuses ne sont ni prévues dans le projet présidentiel, ni dans le programme du premier ministre Paul Thiéba ! Alors quoi ? Les experts du MPP, et le président par intérim se préparent-ils à quitter le MPP et offrir leurs services à l’opposition ?
Car quoi qu’en disent les uns et les autres, une refondation du système éducatif n’est pas à l’ordre du jour, ni à celui des cinq prochaines années, et le constat est amer : les écoles généralistes des cinq années à venir seront encore des fabriques à chômeurs, alors que penser de cet élan soudain ?
Coulibaly Junwel
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