Les résultats de l’essai vaccinal contre le paludisme, dénommé «de 5 à 17 mois RTS, S », ont été restitués ce vendredi 23 décembre 2016 à Ouagadougou. Il s’agissait d’apprécier les tendances sur l’efficacité et la sécurité du produit chez les jeunes enfants.
« Dans l’histoire de la médecine, l’histoire de l’humanité, il n’existe aucun vaccin contre un parasite. Si ce vaccin aboutissait, ce sera le premier vaccin contre un parasite », a souligné Dr Halidou Tinto, principal investigateur du projet vaccin contre le paludisme au Burkina. Le candidat vaccin antipaludique MosquirixTM, également connu sous le nom de « RTS, S » a déjà reçu l’aval de l’Agence européenne des médicaments (EMA) pour les enfants âgés de 6 semaines à 17 mois.
56% d’efficacité pendant un an
En rappel, de 2009 à 2014, un essai clinique sur un candidat vaccin contre le paludisme appelée « RTS, S » développé par la firme pharmaceutique GlaxoSmithKline (GSK), en partenariat avec la Malaria vaccine initiative (MVI), a été simultanément mené dans sept pays africains (Gabon, Ghana, Kenya, Malawi, Mozambique, Tanzanie, et Burkina). Au Burkina, le projet « RTS,S » a été mis en œuvre par l’Institut de recherche en sciences de la santé (IRSS), sous la direction du Dr Halidou Tinto, à travers son unité de recherche clinique basée à Nanoro. Cela s’est fait en collaboration avec le Centre Muraz, le District sanitaire de Nanoro et le CMA St Camille de Nanoro.
Et le Dr Halidou Tinto, investigateur principal de ce projet de préciser que dès le départ, la communauté internationale a recommandé de proposer un vaccin qui protège au moins à 50% pendant un an. « Je peux dire aujourd’hui que cet objectif a été atteint et même dépassé. Nous avons pu démontrer que ce vaccin protégeait à 56% pendant un an » a-t-il indiqué.
Sauver des vies et faire des économies
photo du Dr Tinto Halidou
« Les données de ce programme d’essai démontrent que sur les 18 premiers mois suivant l’administration de trois doses de « RTS, S », les cas de paludisme ont été divisés par deux chez les enfants âgés de 5 à 17 mois au moment de la première vaccination et ont diminué d’environs 1/ 3 chez les enfants de 6 à 12 semaines. A la fin de l’étude, quatre doses de « RTS,S » ont fait baisser les cas de paludisme de 36 % durant les quatre années de suivi chez les enfants de 5 à 17 mois et de 27 % durant les trois années de suivi chez les nourrissons de 6 à 12 semaines », selon les essais cliniques conduits par treize centres de recherche africains, impliquant plus de 16 000 jeunes enfants, nous informe le dossier de presse.
Ainsi, à en croire le Dr Tinto, « RTS, S » apparait comme le vaccin qui permettra de sauver des vies et de faire des économies. « Un enfant peut faire plusieurs épisodes de paludisme sur quatre ans (…). Si deux millions d’enfants sont vaccinés, vous évitez environ 8 millions de cas de paludisme. Vous prenez le traitement moyen à 4 mille francs CFA non subventionné, cela veut dire qu’on fait nos économies à l’échelle de 32 milliards de francs CFA. Ce qui est important pour un pays comme le Burkina où tout est prioritaire » a-t-il expliqué.
Puis, le Dr Tinto de souligner que l’efficacité du vaccin a été trouvée chez les enfants de 5 à 17 mois, une tranche d’âge qui d’habitude ne vient pas pour les vaccinations de routine. « Il faut trouver les moyens de retrouver ces enfants dans la communauté, ce sont ces aspects opérationnels, auxquels l’OMS veut répondre » a-t-il soutenu.
Phase pilote à partir de 2018
Pour lui, le Burkina a déjà joué sa partition. « Nous avons transmis le dossier aux autorités européennes, en l’occurrence l’agence européenne de médicaments qui a donné une opinion positive pour dire que ce vaccin peut être utilisé » a-t-il signifié. Et si à ce jour, le dossier se trouve au niveau de l’organisation mondiale de la santé, Halidou Tinto confie que l’OMS a entrepris une phase pilote à partir de 2018. Le vaccin sera déployé progressivement dans trois à cinq pays d’Afrique.
Des chercheurs burkinabè dynamiques
« Après avoir étudié la résistance de certains médicaments et décommandé certains pour leurs effets pervers, cette fois, une autre solution a été trouvée. Le vaccin, c’est la grande solution » a noté le Pr Filiga Michel Sawadogo, Ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche scientifique et de l’innovation. Exprimant sa satisfaction sur le fait que le centre médical Saint Camille de Nanoro ait été retenu pour l’essai vaccinal, seul site à avoir été sélectionné en Afrique de l’Ouest francophone, le Ministre en charge de la recherche scientifique a indiqué que cela démontrait une fois de plus, le « dynamisme des chercheurs burkinabè ». En attendant que le processus en cours connaisse un aboutissement heureux, le Pr Filiga a émis le souhait que les différentes populations touchées par ce fléau, puissent avoir un accès sur le marché au premier vaccin contre le paludisme.
S’inscrivant dans cette dynamique, le ministre de la Santé, Smaila Ouédraogo, a signifié que l’étape suivante sera de faire en sorte que les recommandations qui seront prises par l’OMS, puissent être mises en œuvre. Ce qui consisterait à mettre à la disposition de la population, le vaccin « RTS,S » et ce, en l’utilisant en combinaison avec l’ensemble des autres outils de lutte contre le paludisme qui existent déjà pour réduire le mal.
Nicole Ouédraogo
Lefaso.net
Lutte contre le paludisme : (1058 hits)