Dans un soufflement de conque dont les échos ont retenti dans la salle de l’Assemblée générale, la Conférence de haut niveau des Nations Unies sur les océans a entamé, ce matin, sa semaine de travaux censés aboutir à l’adoption d’un « appel à l’action » à l’heure où « le monde industrialisé, dans sa quête de richesse, a oublié de protéger la poule aux œufs d’or ». Selon les études, près de 99% des oiseaux de mer auront ingéré du plastique d’ici à 2050.
La Conférence de haut niveau, qui se déroule du 5 au 9 juin 2017 au Siège de l’ONU, à New York, a pour but de soutenir la mise en œuvre de l’objectif 14 du Programme de développement durable à l’horizon 2030, intitulé « conserver et exploiter de manière durable les océans, les mers et les ressources marines aux fins du développement durable ».
Dans un silence de rigueur et une Assemblée générale archicomble, la Conférence s’est ouverte par une cérémonie traditionnelle de Fidji, l’un des deux pays à l’initiative de l’évènement, avec la Suède. Chefs d’État et de gouvernement, ministres et représentants de la société civile, du secteur privé et de la communauté scientifique ont assisté à l’« iTaukei », la cérémonie de bienvenue qui a débuté par une série d’appels lancés par un souffleur de conque, avant de céder la place à des chants et danses traditionnels durant lesquels le Secrétaire général de l’ONU a reçu un collier de fleurs.
« De ma langue, vous pouvez voir la mer », a déclaré M. António Guterres, citant l’écrivain portugais, Vergilio Ferreira, pour souligner la relation particulière qu’ont de nombreuses nationalités comme la sienne avec la mer. La vérité, a-t-il ajouté, « est que la mer a une relation particulière avec chacun d’entre nous: elle nous garde en vie ». Les océans ont un impact direct sur l’élimination de la pauvreté, la santé, la croissance économique, la sécurité alimentaire et la création d’emplois décents, a confirmé le Président du Conseil économique et social (ECOSOC), M. Frederick Makamure Shava.
Or, la relation entre l’homme et la mer est plus que jamais menacée, s’est inquiété le Secrétaire général, en s’attardant sur une donnée édifiante: d’ici à 2050, la quantité de déchets plastiques pourrait dépasser celle des poissons. Il a aussi mentionné le réchauffement des océans qui cause la montée des eaux, leur acidification qui provoque le blanchissement des coraux et réduit la biodiversité, l’effondrement de la pêche dans certains endroits et la progression des zones mortes, ces déserts sous-marins asphyxiés par le manque d’oxygène.
« Les océans ne sont donc plus éternels », a résumé la Coprésidente de la Conférence et la Ministre du développement international et de la coopération de la Suède, Mme Isabella Lövin, nostalgique de l’époque où l’humanité considérait les océans comme infinis. Elle a donné l’exemple de l’%u020Ale Henderson, une île inhabitée du Pacifique où les chercheurs ont trouvé pas moins de 38 millions de déchets plastiques. « Les créatures qui vivent dans les océans en souffrent », a acquiescé le Premier Ministre des Fidji et Coprésident de la Conférence, M. Josaia Voreqe Bainimarama, citant les tortues, dauphins, baleines et autres animaux marins dont les estomacs sont « remplis de sacs plastiques ». « Ces dégradations doivent cesser », s’est-il impatienté, en disant craindre des « conséquences catastrophiques ».
« Le moment est venu de corriger nos erreurs car il inexcusable que l’humanité déverse chaque minute de chaque jour l’équivalent d’un grand camion poubelle rempli de plastique dans l’océan », s’est alarmé le Président de l’Assemblée, M. Peter Thomson, dénonçant « la peste du plastique ». « Les problèmes causés par l’homme ont des solutions trouvées par l’homme », a-t-il insisté.
« Nous ne pourrons y arriver que si nous arrêtons de travailler de façon cloisonnée », a prévenu le Secrétaire général adjoint de l’ONU aux affaires économiques et sociales et Secrétaire général de la Conférence, M. Wu Hongbo. Cette Conférence doit être « un tournant » rassemblant gouvernements et secteur privé pour renforcer les partenariats existants et inspirer d’autres partenariats novateurs.
« Malheureusement, dans cette économie mondiale en expansion, le monde industrialisé, dans sa quête de richesse, a oublié que nous devions protéger la poule aux œufs d’or », a rappelé le Président des Palaos, qui avec d’autres de ses homologues a ouvert, le débat général.
Le Secrétaire général a prescrit cinq remèdes: mettre fin à la dichotomie « artificielle » entre besoins économiques et santé des océans; promouvoir un leadership politique fort et de nouveaux partenariats qui s’appuient sur le cadre juridique existant; traduire la volonté politique du Programme de développement durable à l’horizon 2030, de l’Accord de Paris sur les changements climatiques et du Programme d’action d’Addis-Abeba sur le financement du développement en des engagements financiers concrets; approfondir notre base de connaissances, avec de meilleures données, informations et analyses; et partager les pratiques et expériences exemplaires. Nous avons cinq jours pour réaliser « l’objectif historique » de la conservation et de l’exploitation durable de nos océans, a insisté le Président de l’Assemblée générale, en souhaitant que « chaque jour compte ».
La Conférence se décline en une série de « dialogues de partenariat » dont le premier avait trait aujourd’hui à la lutte contre la pollution marine causée par les activités humaines. Les participants ont appelé à un changement de comportements et à des partenariats locaux, nationaux, régionaux et internationaux pour une surveillance et une gestion commune des déchets marins et des autres formes de pollution notamment celle liée à la pêche.
[ODD2030-14]
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