Le Parlement européen appelle la Commission européenne à ne pas utiliser l'aide au développement pour financer des écoles commerciales privées, dans une résolution décisive adoptée cette semaine et portée par le député européen français Vincent Peillon (paragraphe 12).
La résolution, qui a été adoptée par plus de 90% des voix, considère que l'abstention de l’Union européenne de financer des écoles privées à vocation commerciale est une exigence du droit relatif aux droits humains et une nécessité pour atteindre les objectifs de développement durable.
« Cela confirme notre analyse selon laquelle l’argent des contribuables ne devrait pas être utilisé pour financer des chaînes d’écoles privées ou des acteurs de l’éducation à but lucratif. Compte tenu des effets préjudiciables de ces écoles sur la transparence, la démocratie et la qualité, ce financement constitue une violation des obligations des États en matière de droits humains et des engagements mondiaux en faveur d’une éducation de qualité et gratuite », a déclaré Kira Boe du groupe danois Oxfam-IBIS.
Cette résolution crée un précédent crucial au milieu d’une préoccupation majeure : la croissance rapide des acteurs privés de l'éducation dans les pays en développement pourrait saper des décennies de progrès dans la mise en place de systèmes d'éducation publique libres et non discriminatoires. Le Royaume-Uni, l'un des principaux pays donateurs, a commencé ces dernières années à financer des acteurs commerciaux dans le cadre d'un programme contesté, et les États-Unis envisagent de faire de même. Cela a eu des effets néfastes sur la qualité et l'accès à l'éducation que cette résolution espère inverser.
« L’évidence est claire : c’est seulement en finançant des systèmes d’éducation publique de qualité que nous pourrons vaincre la
pauvreté et garantir la justice sociale dans les pays en développement. Le Parlement européen positionne l'UE comme le leader
idéal pour garantir des services publics pour tous. »
- Carole Coupez, Coalition Éducation
La résolution n'empêche pas la Commission européenne de financer les petites écoles privées à but non lucratif, telles que des écoles confessionnelles, des ONG ou des écoles communautaires, elle interdit le financement des « établissements commerciaux ». Ces établissements ont été définis par plusieurs résolutions de l'ONU et dans un document de 2016 de la société civile signé par plus de 400 organisations comme des établissements dont l'un des objectifs principaux, sans être nécessairement l'unique, est « de commercialiser les services d'éducation et de protéger leurs propres intérêts plutôt que de servir l’intérêt public ».
« La résolution indique clairement que les prestataires privés à but lucratif, tels que la chaîne multinationale d'écoles très controversée Bridge International Academies, qui gére plus de 500 écoles destinées aux familles pauvres dans quatre pays africains et en Inde, les écoles Omega, qui opérent au Ghana et au Libéria, ou les écoles de l'APEC aux Philippines, qui sont des établissements commerciaux, ne sont pas conformes aux principes et aux valeurs de l'UE. Garantir l'éducation en tant que droit et service public est dans l'ADN de l'Union européenne et des pays européens», a déclaré Sylvain Aubry, de Global Initiative for Economic, Social and Cultural Rights.
La résolution intervient au moment où les controverses sur le soutien public apporté aux établissements commerciaux d'enseignement font rage. En mars 2018, plus de 80 organisations ont appelé la Banque européenne d'investissement, et de nombreux autres bailleurs dont Proparco - filiale de l'Agence Française de Développement dédiée au secteur privé - à cesser leur financement dans la chaîne d'écoles privées à but lucratif Bridge International Academies. Parallèlement, le Partenariat mondial pour l'éducation (PME), un organisme multilatéral qui finance l'éducation dans plus de 65 pays, est en train de finaliser sa position politique sur son engagement avec les acteurs privés.
«Nous attendons à présent que la Commission européenne, qui est actuellement le principal bailleur de fonds du PME, agisse
conformément à cette résolution et veille à ce que le PME mette clairement en place une politique garantissant la non-utilisation
de son financement pour soutenir les écoles privées commerciales. La Commission européenne doit également prendre les mesures
nécessaires pour que la Banque européenne d'investissement agisse en conformité avec les valeurs et les politiques de l'UE et retire
immédiatement son financements des établissements d'enseignement commerciaux. »
- Conny Reuter, SOLIDAR.
L'UE rejoint un groupe grandissant de donateurs qui ont affirmé leur préoccupation quant à la commercialisation croissante de l'éducation et qui se sont engagés à y remédier. Le Conseil des droits de l'homme des Nations unies a publié quatre résolutions demandant de « lutter contre tous les impacts négatifs de la commercialisation de l'éducation » et la France s'est engagée en mars 2017 à « agir contre toute tentative de commercialisation de l'éducation ». Cette nouvelle résolution issue de l’un des plus importants acteurs de l’aide au développement de l’éducation pourrait définir la tendance pour tous les donateurs qui ne souhaiteraient pas suivre l’approche du Royaume-Uni et des Etats-Unis, et souhaiteraient s’opposer à la commercialisation de l’éducation.
Signataires du communiqué
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