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Le «droit au froid» : sauver la culture inuit pour sauver la planète


Il n’y a pas que des ours polaires et des phoques en Arctique, martèle Sheila Watt-Cloutier depuis plus de 20 ans. Les changements climatiques doivent être vus comme une menace directe aux droits fondamentaux des Inuit, dont le mode de vie est en train de disparaître avec la banquise, plaide la militante de renommée dans Le droit au froid, paru chez Écosociété le 24 janvier. 

L’Arctique se réchauffe deux fois plus vite que le reste de la planète et les glaciers fondent à vitesse grand V. Mais les conséquences ne se limitent pas qu’à la hausse du niveau des océans, illustre Sheila Watt-Cloutier, qui a vu son village natal, Kuujjuaq, se transformer rapidement avec les années.

Pour les communautés de pêcheurs et de chasseurs qui ne connaissent que le froid et la glace, les changements climatiques sont à la source d’un mal-être et d’une perte de repères certaine. La glace est à la base de leur identité : lorsqu’elle fond, c’est aussi leur culture et leur histoire qui se dérobent sous leurs pieds. 

Alors qu’elle leur était familière, cette glace est de plus en plus incertaine. Il devient dangereux de maintenir leurs activités traditionnelles de chasse et de pêche. « Le domaine arctique, composante fondamentale de notre esprit et de notre culture, source de bien-être et de richesse collective, devient un endroit de plus en plus imprévisible pour notre peuple », écrit Sheila Watt-Cloutier.

Dans ce contexte, le réchauffement fait également perdre tout son sens aux savoir ancestraux, lesquels sont rapidement remplacés par des technologies venues du Sud mais qui ne cadrent pas avec la culture des communautés nordiques ni avec leurs moyens de subsistance. 

Ce que la leader inuit appelle le « droit au froid » est la possibilité de jouir d’un climat stable et sécuritaire permettant aux peuples d’exercer leurs droits économiques, sociaux et culturel sur leur territoire d’origine.

Ce territoire est celui qui a vu grandir Sheila Watt-Cloutier, née à Kuujjuaq en 1953, une époque où le transport en traîneaux à chiens et la chasse sur glace dominaient toujours.  

Ayant fait partie d’une cohorte de jeunes inuit partis recevoir une éducation au Sud, c’est au fil de ses courtes visites à Kuujjuaq qu’elle a vu dépérir les éléments de sa culture qui lui étaient si chers. Un jour, elle s’est aperçue de la présence des motoneiges, dont le moteur avait remplacé la puissance et le flair des chiens de traîneaux. Bien qu’elle n’ait compris que des années plus tard ce qui était arrivé à ces bêtes, Sheila Watt-Cloutier a rapidement senti que leur absence contribuait au désespoir des hommes de sa communauté.

C’est le désarroi de son peuple qui l’a menée à défendre les droits humains et l’environnement sur la scène internationale, et à recevoir une nomination pour le prix Nobel de la paix en 2007. 

« Le monde dans lequel je suis née ne sera plus jamais le même »

Sheila Watt-Cloutier livre dans Le droit au froid un récit à mi-chemin entre le plaidoyer et l’autobiographie, racontant en détail son enfance sur la banquise, son adolescence dans les institutions d’enseignement du Sud, son retour à Kuujjuaq à l’arrivée des militaires canadiens, sa tristesse devant cette perte de repères qui a coûté la vie à plusieurs membres de sa communauté, son parcours de mère, et sans oublier, de militante. 

À travers des événements tirés de sa vie familiale, puis professionnelle, l’autrice illustre la souffrance des peuples du Nord dont la culture disparaît à la fois avec la glace, mais aussi au profit des grandes entreprises d’exploitation des ressources naturelles de l’Arctique. 

Sans que le ton ne soit accusateur envers les populations du Sud, il reflète son amertume et le grand amour de la culture qu’elle tente de sauver ; la saveur de la viande de phoque et de baleine, la présence rassurante du murmure des aînées qui l’ont entourée, le froid des ballades en traineaux, mais surtout, la ferme intention de lier la cause environnementale et la lutte pour les droits humains.

Les changements climatiques et le bien être environnemental sont l’affaire de tous les citoyens et de tous les gouvernements, affirme Sheila Watt-Cloutier, qui craint que la douleur de son peuple ne soit un jour partagée par de nombreuses populations. En effet, les ravages causés par les changements climatiques et la fonte des glaces affectent déjà les modes de vie des populations du Sud.

« Le pays des Inuit est le baromètre de ce qui est en train d’arriver à notre planète », rappelle la militante.

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Le droit au froid, paru chez Écosociété, est une traduction de The right to be cold, paru en 2015 aux éditions Allen Lane. 

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