Si le nom de Flavien KOUATCHA, ne vous dit peut-être pas grand chose, cet agri-entrepreneur camerounais promeut pourtant dans son pays un concept novateur : l'aquaponie. Figure d'une jeunesse africaine battante, ce dernier cumule les prix et récompenses. Entre l'Entrepreneurship Award ou le prix de Champion Digital de l'agriculture , cet entrepreneur passionné d'initiative privée, renonça à la sécurité d'un emploi bien payé afin de mettre au point une méthode qui puisse permettre aux agriculteurs un rendement maximal. La technique agricole de l'aquaponie revêt deux avantages majeurs, permettant aux agriculteurs de réduire leur charge tout en luttant efficacement contre le réchauffement climatique. Ainsi, ce mode de production alternatif actionne le levier de l'investissement et stimule la croissance, en même temps qu'il participe à l'établissement d'un mode de production durable. Mais alors, l'aquaponie...Qu'en est-il exactement? Peut-on réellement parler d'innovation? Si les vertus sont indénombrables, pourquoi n'est-elle pas d'avantage sous le feu des projecteurs?
L'aquaponie est un mot valise formé par la fusion du terme aquaculture (élevage de poissons ou autres organismes aquatiques) avec celui d'hydroponie (culture des plantes par l'eau enrichie en matières minérales). En d'autres termes, il s'agit là d'un système accordant à l'unisson culture de plantes et élevage de poissons. Si ces deux domaines semblent éloignés voir même diamétralement opposés, leur alliance permet en réalité de contrebalancer leurs inconvénients respectifs, participant à la création d'un cercle de production vertueux, tant sur le point quantitatif que qualitatif. La culture se veut être irriguée en circuit fermé par l'eau de l'aquarium où sont élevés les poissons. Mais alors comment la magie opère-t-elle? Entre les deux pôles de production, des bactéries transforment l'ammoniaque contenu dans les déjections de poisson (celui-là même qui constitue le problème majeur de l'aquaculture) en nitrates, nutriments d'excellence pour la végétation. Les racines des végétaux purifient alors l'eau qui s'en vient retourner dans l'aquarium! Non seulement la pollution est relativement moindre puisque il s'agit là d'un exemple parfait de l'adage "rien ne se perd, tout se transforme", mais l'économie d'eau se veut aussi être dantesque. Après diverses expériences dites de re-circulation, Laurent Labbé, directeur du centre de pisciculture expérimentale de l'INRA en Bretagne, nous fournit en effet des chiffres plus qu'évocateurs : pour la production d'un kilo de poissons, l'aquaponie ne nécessite que de 7 mètres cubes d'eau, là où l'aquaculture ordinaire en requiert 100! Les aliments quand à eux, en plus de ne recevoir aucun traitement chimique (aucun antibiotique ou insecticide), constituent des aliments 100% naturels de haute qualité, au même titre que les aliments bios, sans risques sanitaires et à forte valeur ajoutée.
Il est possible de retrouver des traces d'aquaponie chez la brillante civilisation Maya, qui développa des Chinanpas, îles artificielles flottantes faites de boue sur lesquelles étaient cultivés maïs et haricots. Tout le long de l'année, cette pratique donnait lieu à une production intensive permettant de subvenir aux besoins d'une population grandissante. De l'autre côté du Pacifique, les Chinois furent pionniers, inventant il y a de cela 1700 ans, un système ingénieux de cohabitation de pisciculture et de culture du riz! C'est la révolution industrielle qui provoqua le quasi abandon de la pratique. Bientôt et comme partout ailleurs sur le globe, la production de masse fut bientôt entrevue sous le prisme unique d'une mécanisation toujours plus "ingénieuse", s'alliant de bonne volonté avec des produits chimiques toujours plus nocif. Le système de production agricole souffre malheureusement aujourd'hui de cette idée selon laquelle le défi qui nous attend, nourrir une population croissant de 80millions d'individus par an, ne peut se faire que par le biais d'une production dite industrielle. A titre d'exemple, la réaction du ministre de l'agriculture américain Sonny Perdue quant à l'interdiction du glyphosate (pesticide de la firme Monsanto) par le Vietnam en ce début d'année est incroyablement révélateur :
"Nous sommes déçus. La décision de Hanoi d'interdire le glyphosate va avoir des effets dévastateurs sur la production mondiale. Si nous voulons nourrir dix milliards de personnes en 2050, les agriculteurs du monde entier doivent avoir accès à tous les outils et technologies à disposition".
For heureusement, de nombreux esprits demeurent persuadés qu'une révolution verte est possible, tout aussi productive et bien plus saine pour l'homme et son environnent. Fait plutôt cocasse, les leaders du secteur aquaponique ne sont autres que les Etats-Unis eux mêmes! Le pays abrite à titre d'exemple la plus grosse ferme d'aquaponie dans le coeur même de Chicago, produisant 50 tonnes de légumes par an (Farmed Here).
En 2015, Flavien KOUATCHA, ingénieur de formation, lança sa start-up au nom évocateur, Save Our Agriculture. En véritable passionné, ce dernier s'engagea alors pour le développement en Afrique à travers une entreprise concevant et fabriquant des unités ou kits aquaponiques pour particuliers comme professionnels désireux de produire des aliments biologiques à domicile. Les kits vendus par Save Our Agriculture donnent ainsi l'opportunité aux utilisateurs de produire légumes et poissons pour un prix compris entre 80 000 et 250 000 FCFA. En réduisant ainsi le coût d'investissement initial, Flavien KOUATCHA va plus loin encore que ne le fait Fermed Here, projetant la possibilité d'une agriculture non plus de proximité mais potentiellement directement chez l'individu. A travers sa start-up, Flavien démontre aux agriculteurs en même temps qu'aux gouvernements africains et bailleurs de fonds, qu'une troisième voie est possible en matière de circuit productif. Ambitieux, il s'atèle à former d'autres agriculteurs à l'utilisation de cette méthode tout en renforçant son équipe afin de satisfaire des demandes extérieures croissantes. Largement remarqué lors de la conférence Africa 4 Tech tenue à Marrakech avant la COP22, Monsieur KOUATCHA incarne avec force et brio une jeunesse prête à surmonter les défis environnementaux qui l'attendent.
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Image : Système d'aquaponie Néerlandais.
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