En Europe, le Danemark est devenu l’exemple à suivre en matière de transition écologique. Sa capitale – Copenhague – est en pointe pour relever le défi annoncé il y a 19 ans : atteindre la neutralité carbone d’ici 2025. Une ambition forte déjà en passe d’être réalisée.
Copenhague, à seulement 1000km de Paris. Copenhague et sa Petite sirène, sa citadelle du Kastellet, son château de Rosenborg, ses célèbres jardins de Tivoli, son vieux port, son quartier branché de Vesterbro… La capitale danoise a tout de la carte postale de ces grandes villes du nord de l’Europe, un peu comme Amsterdam aux Pays-Bas : une histoire riche, un capital architectural d’exception, et un goût prononcé pour le développement durable et la « slow life ». Cette agglomération de plus d’un million d’habitants a surtout fait des choix radicaux bien avant toutes les autres capitales européennes. Le plus important d’entre eux : atteindre la neutralité carbone d’ici 2025. Dans quatre ans seulement.
Cette grande ambition remonte à près de vingt ans déjà. En 2002, la ville met sur la table un plan d’investissements de plus de 26 milliards d’euros avec pour objectif de devenir la première ville verte intelligente, autour de quatre piliers majeurs : la mobilité, la production et la consommation d’énergie et la gestion des services municipaux. Des éco-quartiers sortent alors de terre, les façades sont végétalisées, les immeubles se transforment et deviennent multifonction, intégrant parkings et stations de recyclage, l’éclairage passe du tungstène au LED, la municipalité fait le pari de l’éolien en mer avec le parc de Middelgrunden pour son approvisionnement en électricité… Les décideurs locaux ne se reposent d’ailleurs pas sur leurs lauriers et souhaitent moderniser en permanence leurs installations. « La technologie s’est tellement développée en vingt ans que les turbines éoliennes pourraient produire 30% d’énergie en plus qu’à l’heure actuelle », assure Monica Magnussen, la directrice du programme Meet Copenhagen City. A tous les niveaux, Copenhague est à la pointe de la technologie, et compte bien le rester.
En octobre 2019, le bourgmestre de Copenhague, Frank Jensen, assistait au sommet du C40, présidé par la maire de Paris Anne Hidalgo. Au menu des discussions : la réduction des émissions de carbone des grandes cités. « Nous avons réduit nos émissions carbone de 42% depuis 2005, ce qui a été largement possible grâce à notre réseau de chauffage urbain, expliquait alors Jensen. Ce système est alimenté par la chaleur co-générée lors de la production d’électricité et l’incinération des déchets. Il y a quelques décennies, les habitants de Copenhague se chauffaient au fioul. L’air empestait. Aujourd’hui, 90% des foyers sont connectés au réseau. Nous avons également mis en place un système de refroidissement urbain qui a permis de réduire de 70% la consommation d’électricité, comparé aux systèmes de climatisation traditionnels. » La révolution était possible, et la population a adhéré sans hésiter.
Car les habitants sont aussi au cœur de cette transformation, par leur changement de comportements. Aujourd’hui, plus de 75% des déplacements se font à vélo (la ville compte 400km de pistes cyclables), à pied ou en transports en commun. Le métro tourne ici 24h/24 et s’est imposé comme une alternative à la voiture individuelle : selon Henrik Plougmann-Olsen, responsable du métro, « vous émettez en métro l’équivalent de 7g de CO2 par kilomètre. A comparer avec une voiture normale, traditionnelle, dont les émissions seront autour de 130g… ». Copenhague est ainsi devenue une ville du quart d’heure, chère à l’urbaniste Carlos Moreno : la quasi-totalité des habitants vit à moins de quinze minutes d’un espace vert, tout est à portée de la main pour favoriser une « proximité heureuse ». Autant d’avancées qui ont permis à la capitale danoise de collectionner les récompenses internationales depuis dix ans, comme le titre prestigieux de Capitale verte de l’Europe en 2014.
L’un des acteurs de cette réussite est une entreprise française, Citelum. C’est en 2013 que la ville de Copenhague lui attribue un contrat de douze ans. Le cahier des charges est limpide : gérer l’éclairage public et la mise en lumière de bâtiments publics de la ville et de monuments, en réduisant de 57% la facture énergétique. Les Français de Citelum ont ainsi rénové 20.000 points lumineux vétustes donc énergivores grâce au déploiement de la LED permettant d’atteindre l’objectif d’une réduction de 20% des émissions de gaz à effet de serre (GES) de l’agglomération danoise, et ont mis en place la plateforme Muse, afin d’optimiser la consommation énergétique.
« Copenhague a pour objectif majeur d’être la première ville neutre en carbone d’ici 2025, rappelleMatthew Nunn, directeur général de Citelum Danemark. Nous avons retiré tous les anciens luminaires surannés et les avons remplacés par de la technologie LED. En plus de cela, nous avons connecté ces luminaires LED à un réseau de communication intelligent qui permet de les contrôler à distance, de les allumer ou de les éteindre, de diminuer ou d’augmenter leur intensité, afin d’optimiser la consommation d’énergie. Ce que j’espère, c’est que ce que nous avons fait à Copenhague rassurera et inspirera les décideurs européens et du monde entier. Je crois que nous avons atteint un équilibre entre le fait d’améliorer la sécurité et le confort des citoyens, et de parvenir à des bénéfices économiques substantiels. » Des bénéfices que tous les Européens envient. L’Ademe (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie), pour ne citer qu’elle, ne cesse en effet de rappeler l’importance la facture énergétique des grandes villes.
Partout en Europe, les décideurs politiques gardent un œil sur ce qui se fait à Copenhague. Car il y a urgence à agir. En Belgique par exemple, le gouvernement régional flamand vient d’allouer 150 millions d’euros supplémentaires à l’amélioration et à la construction de pistes cyclables. Le ministre flamand des Affaires intérieures, Bart Somers, a simplement baptisé son programme « Plan Copenhague ». « L’un des points positifs de cette horrible période de coronavirus est que de nombreux Flamands ont redécouvert le vélo comme moyen de transport, remarque Somers. Nous espérons que les gens continueront après cette période de choisir le vélo pour leurs déplacements vers le travail et vers l’école. » Si les capitales européennes ont toutes fait le choix des mobilités propres depuis quelques années, c’est bien sur le dossier de l’énergie qu’il reste encore d’énormes efforts à faire.
Plus près de nous, Paris se rêve elle aussi en « smart city ». Dans cette inéluctable marche en avant, la ville-lumière va déjà devoir faire sa mue vers une généralisation de la technologie LED, les 190.000 points lumineux représentant à eux seuls 30% de la consommation énergétique de la capitale française. Si, depuis l’arrivée d’Anne Hidalgo à l’Hôtel de ville en 2014, les services municipaux ont bien avancé sur « l’accélération des services numériques de la ville, la gestion de l’identité numérique et la gestion de la relation avec le citoyen » – pour reprendre les mots d’Emmanuel Grégoire, premier adjoint en charge de l’urbanisme – l’heure est maintenant à la rationalisation de l’énergie et à une mobilité plus apaisée à Paris. Un passage obligé vers le monde de demain comme l’a prouvé l’expérience danoise.
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