Le Gret, présent en Mauritanie depuis 1991 sur diverses thématiques, a démarré en 2014 ses premières activités dans le domaine agricole et sur la gestion des ressources naturelles. Depuis lors, les équipes sont engagées à construire auprès des populations des démarches d’intervention innovantes, visant à favoriser l’autonomisation des communautés agro-pastorales.
L’adhésion des agro-pasteurs et des partenaires a incité le Gret à étendre son intervention au gré des collaborations. De nouveaux projets en agriculture et en gestion concertée des ressources naturelles ont ainsi émergé en Assaba (Rimrap – 2016), au Gorgol (SAP3C – 2018) et au Brakna (Safire – 2019), dans des contextes géographiques et sociaux variés, mais avec des principes d’intervention communs qui se poursuivent aujourd’hui, avec plusieurs nouveaux projets lancés en 2020*.
L’agriculture paysanne mauritanienne, qu’elle soit de décrue, pluviale, irriguée ou pastorale est contrainte par de multiples facteurs. Les paysan%u2219ne%u2219s sont régulièrement soumis·es à des situations de fortes incertitudes, qu’il s’agisse de droits et d’accès à la terre, de risques liés au changement climatique, de l’instabilité des prix sur les marchés, des difficultés d’investissement, ou de la qualité incertaine des semences disponibles. Ces contraintes sont autant de facteurs empêchant les paysan%u2219ne%u2219s de s’investir pleinement dans l’activité agricole, certain%u2219e%u2219s privilégiant des stratégies de diversification familiale des revenus comme le travail urbain intermittent, le travail dans les mines, ou la migration nationale et internationale.
Récolte de salades sur un périmètre maraîcher © Gret[/caption]
Les communautés rurales sont également piégées dans des situations de dépendance vis-à-vis de l’aide extérieure (distributions de semences, d’intrants, d’aliments), souvent entretenues par les politiques publiques et des services techniques sous-dotés, ainsi que par certaines organisations internationales. La mise en place d’infrastructures sans impliquer au préalable les futur%u2219e%u2219s usager%u2219e%u2219s ou la diffusion de bonnes pratiques agricoles sans prendre en compte les réalités paysannes sont autant de freins pour les agriculteur%u2219rice%u2219s et les autorités locales pour continuer à investir durablement dans les activités agricoles, tandis que le faible intérêt des politiques publiques pour les produits agricoles locaux (hormis le riz produit dans la basse vallée du fleuve Sénégal) bloque les velléités de production locale durable.
Par ailleurs, des contraintes agroécologiques récurrentes, comme les épisodes climatiques extrêmes, les ravageurs et l’érosion des sols sont trop peu prises en compte par une recherche agronomique et zootechnique nationale fragile.
Enfin, la croissance démographique accentue la pression sur les ressources naturelles (terres cultivables, pâturages, forêts, eaux de surface et souterraines), aggravant les difficultés et les risques de malnutrition pour les habitant%u2219e%u2219s, dans un pays où plus d’un enfant sur cinq en zone rurale souffre de malnutrition chronique et de carences alimentaires liées principalement à une alimentation peu diversifiée.
Récoltes de tomates et d'aubergines sur un périmètre maraîcher © Gret[/caption]
Pour faire face à ces contraintes, l’action du Gret s’inscrit dans le temps long, en répondant à des besoins immédiats (investissements, renforcement des capacités techniques, etc.) tout en les inscrivant dans une perspective à long terme d’autonomisation des agro-pasteurs. La création d’une relation de confiance avec les acteur%u2219rice%u2219s du territoire est un enjeu transversal au cœur de la démarche du Gret, afin d’être à même de les renforcer et les valoriser au sein des stratégies développées et des actions conduites.
Réunion d'un groupement paysan © Gret[/caption]
Ainsi, au Guidimakha, les premières activités ont permis aux paysan%u2219ne%u2219s d’expérimenter des pratiques agroécologiques innovantes et durables, et de disposer d’infrastructures et d’équipements adaptés. Ces actions étaient portées par des groupements villageois qui se sont progressivement organisés et renforcés. Aujourd’hui, le Gret continue d’accompagner ces groupements dans leur mise en réseau et la mutualisation de leurs efforts, afin d’améliorer les services qu’ils offrent à leurs membres autour des enjeux qu’ils ont eux-mêmes identifiés, tels que l’approvisionnement en semences maraîchères de qualité, l’apprentissage entre pairs ou le plaidoyer collectif auprès des autorités locales. A terme, l’objectif de cet appui est de permettre aux groupements de porter de manière autonome et pérenne les revendications des paysan%u2219ne%u2219s mauritanien%u2219ne%u2219s et de leur garantir un accès à des services de qualité pour permettre à leurs membres d’agir collectivement pour leur bien-être.
Seuil et digue en gabions © Gret[/caption]Témoignage d’Alassane Sow, responsable du volet agriculture à l’antenne de Kaedi“Nous travaillons avec les acteurs publics de différentes manières et à différents temps de nos interventions, au-delà des exigences liées à notre présence sur des territoires ou des secteurs sous leur responsabilité.Par exemple, la gestion concertée des ressources naturelles nécessite une implication forte des communes, des services techniques de l’environnement et des préfets, car il s’agit de garantir aux usagers une réelle délégation des droits sur le territoire concerné.Les maires et services techniques ont aussi été parties prenantes des comités de sélection des micro-projets qui bénéficieraient d’une subvention du fonds d’appui au Guidimakha. La transparence du processus a permis aux acteurs publics de s’éloigner de certaines pratiques clientélistes.En revanche sur le dispositif de conseil agricole, la participation des acteurs publics reste faible malgré nos invitations ; ils considèrent les ONG comme une manière de fournir ces services à leur place, donc ils ne voient pas l’intérêt de s’y impliquer”.
La riche histoire agraire mauritanienne a notamment créé une superposition de droits et de revendications sur les ressources, qui a parfois mené à de graves conflits, comme lors de la crise entre la Mauritanie et le Sénégal entre 1989 et 1991. Comprendre la complexité de ces situations est essentiel pour la mise en place de méthodologies d’intervention efficaces et acceptées pour les populations, notamment lors de la réalisation d’infrastructures comme des petits barrages visant à augmenter les surfaces cultivées en décrue. Les équipes du Gret mènent ainsi des études poussées pour analyser les différents points de vue et les mécanismes internes de régulation de l’accès aux ressources. L’animation continue et la proximité avec les populations rurales permettent de faire évoluer ces régulations vers une plus grande inclusion de certaines personnes auparavant exclues des ressources ou peu dotées, notamment les femmes. Elle permet également de prévenir les conflits qui pourraient émerger suite à la construction d’infrastructures ou la mise en valeur de terres.
Témoignage de Seydou Gandega, conseiller agricole et chargé de mission sur la gestion concertée des ressources naturelles au sein du projet SAP3C“Notre approche est participative, locale et concertée. Je me rends dans les localités pour rencontrer les villageois et leur fournir le plus d’informations possibles sur le projet et son objectif. Ensemble, nous élaborons des comités de gestion, définissons une cartographie et mettons en place des conventions de gestion des ressources naturelles qui sont ensuite reconnues par l’administration. Dans tout le processus d’élaboration, ce sont les populations qui proposent, décident et valident, ce qui permet leur responsabilisation. Une convention peut par exemple résoudre des conflits liés à la fermeture ou l’ouverture des champs pendant les campagnes culturales en concertation avec les différents usagers de l’espace (éleveurs, agriculteurs, agro-éleveurs, etc.).” Champ-école paysan © Gret[/caption]
Témoignage de Sidi Mohamed Hmeida, chef de projet et maître-formateur en assistance technique au projet RimfilLe champ-école paysan (CEP) est un processus mobilisant un groupe de paysans en synergie avec d’autres acteurs, utilisant un dispositif physique (parcelle d’expérimentation) et des méthodes d’apprentissage entre pairs. Le CEP respecte et valorise le savoir paysan et met les participants en confiance pour qu’ils puissent mieux appréhender les relations internes au groupe et les relations avec leur environnement.Les premières expériences de CEP lancées par le Gret dès 2015 en Mauritanie ont donné rapidement aux participants des perspectives de changement assez global au niveau de leur champ, en termes de pratiques agroécologiques, mais aussi d’évolution des systèmes de production, de diversification alimentaire, de commercialisation des produits ou encore de relations plus équilibrées avec les institutions locales. Cet appui technique répondait à une absence criante d’accompagnement des paysans et a vite rencontré l’adhésion de ces derniers et des partenaires du développement.L’animation des CEP est un travail qui demande à la fois des connaissances techniques et des compétences d’animation. Le Gret forme des facilitateurs-paysans pour qu’ils acquièrent un bagage technique leur permettant de tester et d’innover pour répondre à leurs besoins, mais aussi des compétences d’animation afin de porter une dynamique au sein de leur groupe.
*Plusieurs nouveaux projets du Gret ont démarré en 2020 :
Objectifs et chiffres clés de nos actions pour un développement agricole équitable et respectueux des ressources naturelles en Mauritanie :
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Retrouvez quelques éléments de contexte sur les régions d’intervention du Gret
Les activités du Gret en Mauritanie sont menées grâce au soutien financier de différents bailleurs. Le contenu de la publication relève de la seule responsabilité du Gret et ne peut aucunement être considéré comme reflétant le point de vue de ses partenaires financiers.
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