Par: Agnès Béatrice BIKOKO et Paul OMBIONO
Plus d'un demi-siècle après les indépendances, les villes africaines en général et camerounaises en particulier peinent à emprunter l'itinéraire de la gestion rationnelle de l'espace urbain. Une seule expression les caractérise : le désordre urbain.
Tout commence par les plans d'urbanisation. Si certaines de nos villes en ont un, il est sagement resté dans les tiroirs. Les citadins n'en ont aucune idée et les autorités municipales ne font rien pour le mettre à la disposition des citoyens. Les mairies n'aménagent pas le lotissement urbain ; cette tâche est abandonnée à la liberté des propriétaires terriens qui peuvent, s'ils le veulent, lotir leur parcelle ou non. Lorsque ceux qui le veulent le font, certains acheteurs vont parfois jusqu'à ronger les espaces laissés pour les servitudes de sorte qu'à la fin, tout se passe comme si rien n'avait été prévu.
De nombreux propriétaires ne prennent même pas cette précaution, mettant en vente le moindre espace pour engranger le plus d'argent possible. Il y a donc un processus de bidonvilisation des cités camerounaises. Il y a même mieux, les terrains privés de l'Etat sont occupés par les particuliers qui réussissent même l'exploit d'y obtenir des titres fonciers ! Tout ce désordre s'organise à la barbe des autorités. De temps en temps, lorsque l'Etat veut viabiliser un bidonville, agrandir une route, la mairie se livre alors à des destructions de maisons et informe à l'occasion, soit que l'espace appartenait à l'Etat, soit que le plan d'urbanisation prévoyait autre chose à cet endroit.
Dans les quartiers sans servitudes, les risques d'incendie sont très élevés, surtout que la gestion du réseau électrique y est essentiellement frauduleuse. Mais un autre phénomène non moins inquiétant est en train de se généraliser avec des conséquences écologiques et sanitaires très graves. Les cours d'eau des grandes villes sont devenus des poubelles. La société en charge du ramassage d'ordures est apparemment débordée par la quantité d'ordures et la taille de nos centres urbains. Pour palier ses insuffisances, les citadins ont transformé les cours d'eau en dépotoirs d'ordures de toutes sortes. Quand on y ajoute le phénomène d'érosion avec les eaux de ruissellement qui se dirigent dans ces mêmes cours d'eau, on assiste à un rétrécissement du drain de ces cours d'eau, avec pour conséquence les inondations fréquentes. Lorsque l'on sait que la plupart des toilettes sont traditionnelles dans nos villes, et que l'on se ravitaille encore en eau dans des puits traditionnels, on comprend que lors des inondations, tous les déchets sortent des WC et vont dans les maisons et les puits, exposant les populations à des maladies diverses. C'est ce qui explique la résurgence des maladies comme le choléra pendant les inondations.
Dans la cité capitale, la mairie a commencé à assainir le principal cours d'eau, le Mfoundi, qui est à l'origine des inondations dans la ville. Le travail consiste à élargir son lit et à couler du béton sur les rives pour empêcher l'érosion et laisser la possibilité de drainer les ordures.
Mais cette démarche n'apportera pas la solution définitive si l'on ne procède pas à l'éducation des populations sur les dangers environnementaux de leurs comportements
09/12/24 à 13h08 GMT