Une Conférence régionale sur la mise en œuvre de la Décennie des Nations unies pour l’agriculture familiale (DNUAF) en Afrique centrale s’est tenue du 9 au 10 septembre 2024 à Douala. L’objectif était de donner une impulsion à la mise en œuvre de la DNUAF en Afrique centrale et de positionner l’agriculture familiale comme modèle dans la réalisation des systèmes alimentaires durables, résilients et inclusifs, nécessaires à la réalisation des objectifs de développement durable (ODD). Il était également question de stimuler et de provoquer des engagements concrets des différents acteurs qui aideront à libérer le potentiel unique de plus de 60% de personnes qui dépendent des activités de l’agriculture familiale dans la région. L’activité se tenait dans un contexte où les Nations Unies ont proclamé en décembre 2017 une Décennie des Nations Unies pour l’agriculture familiale (2019-2028), afin de donner à la communauté internationale une occasion d’aborder le problème de l’agriculture familiale dans une perspective holistique. L’idée étant de réaliser des transformations substantielles des systèmes de production alimentaire actuels, pour contribuer à la réalisation du Programme de travail en faveur du développement durable à l’horizon 2030.
L’évènement de haut niveau devait en outre permettre de valider le projet de plan d’action régional élaboré en 2019 par les principaux acteurs régionaux articulé autour des sept piliers à l’instar du plan d’actions global et assorti d’une feuille de route pour la CEEAC et les partenaires, ainsi que d’une proposition de composition et de mécanismes de fonctionnement du comité régional de coordination DNUAF. Les progrès réalisés dans la mise en place des comités nationaux de l’agriculture familiale dans les pays d’Afrique centrale ont été passés en revue, afin d’accroître le rôle central de l’agriculture familiale dans les stratégies d’adaptation et d’atténuation du changement climatique et dans la protection et la préservation de l’environnement.
D’après le Président du Conseil d’administration de la Plateforme régionale des organisations paysannes d’Afrique centrale (Propac), Kolyang Palebele, la Conférence de Douala était une occasion historique pour stimuler le développement des politiques et des investissements publics en faveur de l’agriculture familiale en libérant son plein potentiel de transformation. « La DNUAF place les agriculteurs familiaux au centre des systèmes communautaires en assurant la sécurité alimentaire, en améliorant les moyens de subsistance, en gérant mieux les ressources naturelles, en protégeant l’environnement, en maintenant la culture et en réalisant un développement inclusif et durable », a indiqué M. Kolyang. D’après ce dernier, il est important de donner une impulsion à la mise en œuvre de la DNUAF en Afrique centrale.
Plaidoyer pour un engagement collectif en faveur de l’agriculture familiale
Selon les pouvoirs publics du Cameroun, l’Afrique centrale est à un tournant où il est nécessaire d’accroître la visibilité de l’agriculture familiale. « L’agriculture familiale est au cœur de nos économies, de nos cultures et de notre sécurité alimentaire. Elle représente non seulement une source de subsistance pour des millions de familles mais elle joue également un rôle crucial dans la préservation de notre biodiversité et le renforcement de nos communautés rurales », a confié le directeur du développement local et communautaire au ministère camerounais de l’Agriculture et du Développement rural (Minader), Agnès Mesembe Enoh. La DNUAF offre l’occasion aux pays de la région de réaffirmer leur engagement envers les agriculteurs familiaux. « Elle nous invite à repenser nos politiques agricoles, à renforcer nos systèmes alimentaires et à encourager les pratiques durables qui bénéficieront à toutes les parties prenantes », soutient Mme Mesembe Enoh.
Face aux défis rencontrés par l’agriculture familiale (croissance démographique, changement climatique, déforestation et insécurité alimentaire), une action concertée et une coopération renforcée entre les Etats, les organisations internationales, les ONG et le secteur privé est de mise. Sur le plan opérationnel, la DNUAF permettra aux communautés rurales de réaliser efficacement les projets de développement local et de promouvoir les objectifs de développement durable porteurs de croissance inclusive et de renforcement de la politique d’autopromotion, ajoute la représentante du Minader. L’engagement collectif des différents pays à promouvoir l’agriculture familiale constitue d’ailleurs un pilier essentiel pour le développement durable de nos nations.
Les priorités du plan d’actions régional pour la période 2024-2028
Afin de donner un coup d’accélérateur à la mise en œuvre de la DNUAF en Afrique centrale, la Propac en partenariat avec la CEEAC, le Forum rural mondial, la FAO, le FIDA et les Etats d’Afrique centrale et tous les acteurs de la mise en œuvre de la DNUAF dans la région ont élaboré un plan d’actions régional pour la période 2024-2028, pour davantage être aux côtés des paysans. Parmi les chantiers à adresser, figurent l’inclusion des jeunes, l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes rurales qui sont des gages de l’avenir de l’agriculture familiale. « La participation des jeunes et des femmes dans le secteur agricole n’est plus à démontrer. Leur implication est essentielle pour garantir la durabilité et la résilience de nos pratiques. Nous devons créer des opportunités afin qu’ils puissent s’engager dans des pratiques agricoles innovantes et durables », souligne Sylvie Guillaud, coordonnatrice régionale pour l’Afrique au sein du Forum rural mondial (FRM) qui est un réseau international de l’agriculture familiale basé en Espagne.
Le financement de la recherche agricole constitue aussi une priorité. « La recherche agricole est fondamentale. Elle est là pour apporter des solutions, mais des solutions orientées vers les problèmes des exploitations familiales. Pour cela, il faut évidemment des cadres de concertation qui permettent aux agriculteurs et de discuter avec les acteurs de recherche, afin que cette recherche soit ciblée sur leurs principaux problèmes », rassure Mme Guillaud. La mise à contribution de la recherche, poursuit-elle, « contribuera forcément à assurer la sécurité alimentaire avec des productivités qui vont augmenter par le fait qu’on va prendre en main les différents défis d’ordre technique qui limitent les quantités à produire ». D’autres éléments doivent cependant être pris en compte, notamment la stabilisation et la protection des marchés. « Ce sont des défis que les agriculteurs connaissent très bien et qu’ils continuent à solutionner à travers le dialogue politique avec les autorités du Cameroun », explique fort à propos Sylvie Guillaud.
Raison pour laquelle le représentant de la CEEAC, Abakar Mohammed, chef de service agriculture, alimentation et nutrition à la Commission de la CEEAC, rappelle que la mobilisation générale est capitale pour mettre l’agriculture familiale au centre des politiques publiques en vue d’une transformation durable des systèmes alimentaires tenant compte des défis comme les changements climatiques, la sécurité et la souveraineté alimentaire et nutritionnelle, l’emploi des jeunes, l’entrepreneuriat agricole, le commerce régional et africain à l’aune de la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf).
09/12/24 à 13h08 GMT