Le numéro 88 de la lettre NAPA poursuit et termine notre série sur la gouvernance des aires protégées en Afrique : cette fois-ci, ce sont des exemples illustrant la gouvernance partagée qui sont présentés. C’est un sujet très important et cette NAPA mérite vraiment toute votre attention. La lettre propose aussi diverses lectures et offres d’emploi…
Le numéro 88 de la lettre NAPA
Edito : Geoffroy MAUVAIS Coordinateur du Papaco
Pendjari – la preuve par l’échec
Le parc national de la Pendjari est une sorte de célébrité locale en Afrique de l’Ouest. Non que ce soit le plus grand, ni le plus beau des parcs du coin. Ce n’est pas non plus le plus riche en biodiversité et ce n’est pas non plus le plus visité de la sous-région. Mais, au fil du temps, c’est un parc qui a acquis une certaine réputation de sérieux et de réussite en matière de conservation.
Cela ne s’est pas produit par hasard : appuyé de façon continue et durable par la coopération allemande, l’Etat béninois a su créer là les conditions nécessaires pour une gouvernance réussie. Notamment en instaurant progressivement de bonnes relations avec ses voisins, que ce soient les concessionnaires privés des zones de chasse alentours ou, de façon encore plus déterminante, en aidant la structuration des communautés riveraines pour qu’elles contribuent et bénéficient des retombées du parc (les fameuses associations villageoises de gestion des ressources fauniques, AVIGREF).
Le parc a ainsi su passer d’une gestion monolithique par l’Etat à une gouvernance partagée entre plusieurs acteurs, condition préalable à toute forme de succès durable. Voilà des années qu’on le dit et qu’on le répète, et voilà des années que les archaïsmes de systèmes nationaux à bout de souffle, et ceux qui les incarnent, contrecarrent cette évolution. Il est tellement plus reposant de (mal) gérer tout seul...
Le parc a eu son âge d’or. Petit à petit, la confiance s’est installée entre les hommes. Les intérêts de chacun et de tous ont été pris en compte, discutés, revisités, parfois compromis mais tout cela a débouché sur un système efficace dont les premiers effets ont été le redressement des effectifs de faune. L’on croyait cela solide et durable et on avait, en théorie, raison. A plus d’une occasion, j’ai pris ce parc en modèle pour l’Afrique de l’Ouest où les exemples d’une gouvernance à trois ou plus sont si rares !
Et puis les hommes ont changé (c’est toujours nécessaire après un certain temps n’est-ce pas ?). Et le système en place s’est grippé, les vieux conflits d’acteurs ont resurgi, les intérêts particuliers ont supplanté l’intérêt de tous ; le parc n’était plus un bien commun mais une proie pour chacun, et une proie, cela ne se partage pas. Quelle qu’en soit la raison, et chacun avait la sienne, le dialogue s’est arrêté et on est revenu à l’affrontement habituel entre ceux chargés de la protection et ceux supposés convoiter le parc, sans trop savoir d’ailleurs qui appartient réellement à quelle catégorie. L’affaire a dépassé les frontières du Bénin et a fait le tour de la blogosphère, suscitant des milliers de signatures dans une pétition mondialisée…
C’était, pour tous les détracteurs de nos efforts sur la gouvernance, la démonstration par l’exemple : même partagée, la gouvernance ne peut rien pour un parc et la seule bonne recette qui marche encore, c’est bien l’AK-47 et le dialogue imposé au fusil !
Je ne crois pas : ce que cet exemple démontre, c’est tout l’inverse. Quand la gouvernance est bonne (et elle le fût), ça marche. Premier acquis. Pour que la bonne gouvernance dure, il faut simplement passer des hommes aux structures, c’est-à-dire consolider le processus pour qu’il ne soit plus simplement une affaire de quelques bonnes volontés, mais deviennent la philosophie, la raison d’être de tous. Le parc de la Pendjari a été victime de son succès, et abandonné trop tôt à son sort, avant qu’un système solide de gouvernance ne soit vraiment institutionnalisé… cela ne remet pas en cause la nécessité de travailler sur la gouvernance, simplement la façon de le faire.
Ce n’est pas pour rien que notre feuille de route pour les aires protégées d’Afrique associe gouvernance et durabilité car elles sont intrinsèquement liées. Nous avons besoin d’une gouvernance construite, solide, représentative, transparente, éthique, responsable, légitime etc. mais avant tout bâtie sur le long terme… et les moyens techniques, l’argent, les politiciens, les militaires n’y feront rien tout seuls. C’est aussi pourquoi nous avons publié dans les NAPA, depuis mars, les analyses et les études de cas conduites sur la gouvernance, globale, étatique, privée ou encore partagée, dans la présente édition, des aires protégées du continent. On le dit et on le répète, et on le répètera encore : changer la gouvernance des aires protégées en Afrique est inévitable si l’on veut enfin réussir… mais encore faut-il le faire bien.
Cette étude sur la gouvernance partagée nous donnera certainement matière à réfléchir...
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