Sollicitées par le gouvernement, les partis politiques et les masses, les organisations de la société civile (Osc) sont de plus en plus interpellées dans le champ de l’amélioration de la gouvernance. Le défi à relever pour elles est donc immense. Et les attentes sont du même acabit. Seulement, les Osc, elles mêmes regrettent les freins à leurs actions causées par le cadre légal de leurs activités, et les sources de financement à hauteur du rôle que l’opinion publique leur attribue. Dans le but de donner un début de solutions, sinon de trouver un palliatif aux deux problématiques centrales du fonctionnement, de la vitalité et de l’efficacité des associations, des organisations non gouvernementales (Ong) et autres syndicats, le Programme d’appui à la société civile (Pasc) dont la Délégation de l’Union européenne au Cameroun est la matrice et le Programme d’appui à la décentralisation et au développement local (Paddl-Giz), produit de la coopération allemande au Cameroun, ont commandé deux études restituées et discutées les 27 et 28 novembre 2014 à Yaoundé.
A l’origine des deux études, le constat de la persistance de contraintes d’ordre administratif, législatif, fiscal ou les aspects liés aux financements publics ou privés dans l’environnement de la vie associative. Aussi, les travaux commandés par deux entités, ayant pignon sur rue dans le domaine de l’accompagnement des Osc au ont-ils permis de fournir une analyse des textes de lois et règlements nationaux en lien avec l’action associative, ainsi que leur application. Ce, dans le but de déblayer le terrain en vue d’enrayer les freins et les contraintes qui réduisent la capacité des organisations de la société civile à jouer leurs rôles.
(1)- Les retards causés par une législation surannée
La première étude a pour centre d’intérêt le cadre juridique de la société civile au Cameroun. La deuxième étude quant à elle décrit les bonnes pratiques dans le financement des Organisations de la société civile (Osc) dans le monde. Réalisées à l’initiative du Programme d’appui à la décentralisation et le développement local (Paddl), de la coopération allemande (Giz) et sous la tutelle du ministère en charge de l’administration territoriale et de la décentralisation (Minatd), ces études partent du constat de la persistance de contraintes d’ordres législatif, administratif, fiscal ou liées à l’accès au financement public ou privé dans l’environnement de l’action associative. Un atelier conjoint de restitution de ces études comparatives se déroule ainsi depuis le 27 novembre 2014 dans la ville de Yaoundé. L’Etat camerounais se montre plus favorable à l’implication croissante de la société civile dans le processus de prise de décision politique, le rôle des Osc dans la promotion de la gouvernance en tant que relais de l’opinion des citoyens est donc davantage reconnu au Cameroun.
Mais, une problématique demeure, celle de la capacité de la société civile à assumer effectivement et efficacement son rôle. En effet, pour que les Osc puissent pleinement jouer leur rôle, deux pré-conditions apparaissent comme nécessaires. La première porte sur l’irréprochabilité des Organisations de la société civile en ce qui concerne leur propre gouvernance interne. Les Osc doivent avoir les compétences et la crédibilité nécessaires auprès des autorités. Comme seconde pré-condition, les autorités doivent garantir des conditions propices à l’exercice des Osc, des conditions qui sont d’abord d’ordre légal et financier.
En vue d’aider les Osc, plusieurs initiatives ont ainsi été mises en œuvre tant par l’Union européenne (Fourmi I, Fourmi II et Pacddu, Pasoc et Pasc depuis 2011) que par d’autres partenaires techniques et financiers du Cameroun. Les études réalisées par des consultants visent à ressortir dans le cadre juridique et les systèmes de financements, les contraintes qui réduisent la capacité des Osc. L’étude critique du cadre juridique relève les entraves portant sur les libertés fondamentales des Osc avec les questions réglées de manière insatisfaisante par la loi, les entraves d’origine administrative à ces libertés fondamentales telles que les entraves d’origine administrative à la liberté de se réunir et de manifester en public, la non-délivrance ou la délivrance tardive des récépissés de déclaration dans la pratique. S’agissant des bonnes pratiques de financement, l’étude portait essentiellement sur les dispositions restrictives qui régissent la vie associative, sur l’identification des leçons apprises et sur les perspectives d’avenir afin d’améliorer l’environnement dans lequel les organisations de la société civile opèrent au Cameroun.
Les indicateurs identifiés dans cette étude sont axés sur la fiscalité, les sources de financement du gouvernement, la philanthropie et la responsabilité sociale des entreprises comme élément crucial dans la pérennisation du financement pour la société civile. Cette étude sur le financement compare les lois du Cameroun régissant les associations et les Ong aux lois des pays ciblés comme le Brésil avec la loi Lei 13.019/2014 qui fournit des procédures uniformes pour les différentes composantes du gouvernement pour garantir la transparence et la reddition de comptes. Des propositions pour un meilleur environnement pour l’activité des Osc seront recueillies à l’issue des travaux de cet atelier.
(2) L’urgence d’un rôle plus accru des Osc dans les politiques publiques
A travers ces études comparatives sur le cadre juridique et les systèmes de financements, l’U.e et la Giz ont pour objectif de relancer le débat initié par le Pasc dès 2008 sur l’environnement régissant l’exercice des organisations de la société civile au Cameroun.
Le Programme d’appui à la décentralisation et le développement local (Paddl) est un programme de la coopération allemande. Ce programme soutient le processus de décentralisation au Cameroun impulsé par la loi N° 96/06 du 18 janvier 1996 portant révision de la constitution du Cameroun du 2 juin 1972. L’objectif global de la 3e phase du paddl est que « par une mise en œuvre efficace de la décentralisation et une administration publique efficiente au niveau national et local, les possibilités de participation et l’accès aux services de base pour la population sont améliorés ». Financé par le Xe Fonds européen de développement, le Programme d’appui à la société civile (Pasc) se fixe comme objectif général de contribuer à l’amélioration de la gouvernance politique, économique et sociale responsable et participative au Cameroun. Ceci à travers une meilleure information et implication des Osc dans la définition, la programmation, la mise en œuvre, le suivi et l’évaluation des programmes et politiques de développement.
Les principales observations faites par les consultants sur le cadre juridique lors de l’atelier conjoint pasc/ paddl du 27 novembre dernier portaient sur le dépôt du dossier de déclaration d’association et la suspension, la dissolution des associations. En effet, la loi du 19 décembre 1990 reste silencieuse sur une pièce attestant du dépôt et l’inertie, la mauvaise foi des autorités administratives. Le problème sur la suspension et la dissolution des associations repose sur le choix critiquable de la dissolution des associations par l’administration et non par le juge. S’agissant des systèmes de financement, les experts relèvent le fait que l’article 11 de la loi N°90/053 du 19 décembre 1990 sur la liberté d’association qui dispose que « hormis les associations reconnues d’utilité publique, aucune association déclarée ne peut recevoir ni subventions des personnes publiques, ni dons et legs des personnes privées ». Une disposition qui, toujours selon les experts apporte des effets limitatifs pour les Osc.
(3) Reconnaissance d’utilité publique
Comme recommandations, les consultants préconisent la dissolution par le juge judiciaire et non par l’administration ou le pouvoir exécutif. Le Minatd doit se limiter à saisir le juge judiciaire. Pour les financements, il faut lever l’interdiction faite aux Osc de recevoir des subventions des personnes publiques et que les associations puissent obtenir des dons. Il faut également lever l’interdiction faite aux Organisations de la société civile de recevoir des subventions des dons et legs de tierces personnes privées. Le contrôle de l’origine des fonds est cependant souhaité. Les experts critiquent aussi le fait que le ministre de l’Administration territoriale soit considéré comme la seule autorité chargée de donner l’avis sur les demandes de reconnaissance d’utilité publique. Ces derniers recommandent plutôt que d’autres ministre puissent donner leur avis.
Des recommandations nécessaires pour les Osc qui représentent et alimentent un pluralisme d’opinion qui peut contribuer à des politiques publiques et efficaces, un développement davantage durable et inclusif. Les acteurs de la société civile souhaitent que le législateur intègre dans la loi 053/90 du 19 décembre 1990, un article reconnaissant les OSC comme un des acteurs majeurs de la chaîne d’élaboration des politiques publiques, formaliser dans la loi de 1990, le droit pour toutes les associations de bénéficier des subventions, dons et legs des personnes publiques et privées.