Dès les premiers apprentissages, il faut utiliser et enseigner nos langues nationales, telle est l’affirmation du professeur Nzanga Alphonse, Expert en Didactique des Langues et Professeur à l’Université Pédagogique Nationale (UPN) lors de son plaidoyer présenté ce mercredi 12 décembre 2018 à Matadi au cours de l’atelier de sensibilisation de l’enseignement en langues nationales dans le cadre du projet d’amélioration de la qualité de l’éducation (PAQUE).
Au cours de cette présentation qui a réuni une centaine de personnes, il y avait remarquablement la présence de Mbedi Félicien, Ministre provincial en charge de l’intérieur représentant le gouverneur du Kongo Central, de Mangobe Jean-Marie, Secrétaire Général à l’enseignement primaire, secondaire et professionnel (EPSP), de Tumba Nzuji Augustin, Secrétaire Général de la Fédération Nationale des Enseignants et Educateurs sociaux du Congo (FENECO/UNTC) représentant la société civile, de Wahema Omba Nono, Directeur Général du Service de Gestion de la Communication (SGC), de Nlandu Mabula Kinkela, Directeur de la Direction des Programmes scolaires et matériels didactiques (DIPROMAD), de Belade Wali, Assistante Exécutive du secrétaire général en charge PAQUE, des directeurs provinciaux de l’éduction (PROVED) de la zone de la langue kikongo (Kongo Central 1 et 2, Kwilu 1, 2 et 3, Kwango 1 et 2), et d’autres personnalités locales tant de la société civile, des syndicats, des associations des parents que des services de l’enseignement à Matadi.
L’orateur a introduit son intervention par un certain nombre de constats qui l’ont conduit au choix opéré pour l’enseignement des langues congolaises à l’école primaire.
En effet, l’objectif principal de tout système éducatif est de relever le défi de la qualité des apprentissages et de la quantité des élèves inscrits dans le circuit scolaire. L’objectif immédiat de l’enseignement primaire n’est-il pas de doter les enfants des techniques fondamentales du savoir : lire, écrire et calculer? Et pour installer avec aisance ces compétences et atteindre l’objectif précité , la stratégie pédagogique efficace demeure le recours à la langue maternelle de l’élève, a-t-il souligné.
Depuis plusieurs décennies, linguistes, didacticiens et pédagogues suivis par des grandes organisations internationales (UNESCO, ACCT, OIF, CONFEMEN) ont emboité le pas aux scientifiques.
Ainsi, dans le but de revaloriser le niveau intellectuel de leurs élèves, la plupart de pays d’Afrique subsaharienne ont entrepris des réformes éducatives dont l’un des axesconcerne l’utilisation des langues maternelles des élèves dans l’enseignement des disciplines scolaires ; ce qui a conduit aussi la RDC à instituer l’introduction et la promotion des langues congolaises en partenariat avec le français.C’est un bilinguisme scolaire favorisant le transfert des connaissances.
Particulièrement pour la RDC et à propos des langues nationales, des chercheurs ont maintes fois plaidé pour la recherche des voies et moyens de les valoriser, gage d’une identité conservée. Sinon, ces langues risquent de disparaitre sur la sphère internationale.
Pourquoi alors enseigner en langues maternelles dès les premiers apprentissages ?
Nous savons tous bien que l’enfant a ses tendances propres, ses intérêts fondamentaux, sa langue de communication qu’il comprend aisément et le mieux. Il faut donc tenir compte de tout cela si l’on veut réussir son processus éducatif et maximiser son développement intégral et cela, dès les premiers apprentissages. A savoir que les premiers apprentissages constituent le socle qui permettra de déblayer le terrain pour l’avenir intellectuel de l’enfant. Ce qui fait que le recours à la langue maternelle de l’élève à l’école le motive et facilite son développement intellectuel.
L’expert a déduit de ce qui précède que l’utilisation des langues maternelles dans l’enseignement peut conférer à leurs bénéficiaires des meilleurs résultats par rapport aux résultats de leurs condisciples évoluant directement en français ou en une autre langue étrangère.
Il a corroboré cette assertion par la présentation des résultats d’une enquête menée à Mbandaka, une ville de la province de l’Équateur en RDC, dans le cadre d’une recherche doctorale, sous sa propre direction en 2018.
Il est ressorti de cette enquête notamment que les élèves habitués à parler en famille une langue nationale congolaise comme langue maternelle et qui ont entamé les deux premières années du primaire dans cette même langue congolaise, mais avec une introduction progressive du français comme langue d’enseignement obtiennent de meilleurs résultats en général et en particulier dans l’acquisition de la lecture-écriture.
Le professeur Nzanga Alphonse a reconnu que le recours à la langue maternelle congolaise des élèves se heurte parfois à la critique d’autres chercheurs et aux réticences des parents préoccupés par l’avenir de leurs enfants. Par des arguments techniques et scientifiques, il a rassuré les participants du bénéfice à tirer en utilisant les langues nationales.
Il a conclu son plaidoyer par l’interprétation de la déclarationdu professeur Bondo Mulenda, de l’Université de Kamina au cours d’un colloque international tenu du 23 au 25 janvier 2012 à Mbuji-Mayi en invitant les Africains en général et les Congolais en particulier à changer de comportement par rapport à leurs propres langues, à les enseigner et à les parler sans complexe.