La situation sécuritaire reste problématique au pays des hommes intègres. Depuis les attaques djihadistes de 2016, les cas de banditismes aussi se sont multipliés obligeant les populations à s’organiser pour se défendre dès lors que la puissance publique est défaillante.
Toutefois, il faut reconnaître que la torture physique ou morale ainsi que les contraintes psychologiques constituent une violation de l’intégrité de la personne humaine. Toutes ces pratiques et d’autres analogues sont, en vérité, infâmes. Tandis qu’elles corrompent la civilisation, elles déshonorent ceux qui s’y livrent plus encore que ceux qui les subissent. Pourtant, l’année 2016 a été marquée par les procès organisés par les groupes d’auto-défense spontanément constitués sans aucune autorisation suivis de tortures de présumés voleurs. Des comportements qui avilissent et dégradent l’homme. Raison pour laquelle il faut les combattre et les interdire.
Quel crédit accorder aux aveux d’une personne torturée de la sorte?
Les Burkinabè ont des raisons particulières de lutter contre la torture et le lynchage des présumés voleurs. Ils croient que la vie humaine est sacrée et tous les hommes ont la même dignité. D’ailleurs l’article 5 de la Déclaration universelle des Droits de l’Homme est sans ambigüité: «Nul ne sera soumis à la torture ni à des peines ou traitements cruels ou dégradants».
Comment donc accepter que dans un Etat démocratique comme le Burkina, des individus arrêtent, punissent et jugent des présumés coupables de vols sous les regards moqueurs de spectateurs? Où sont donc nos valeurs que nous chérissons? Comment proclamer à haute et intelligible voix notre attachement à la dignité humaine et admettre que des supposés voleurs soient attachés et torturés parfois pendant plusieurs jours, jusqu’à ce que mort s’en suivre?
Personne n’encourage le vol et le voleur. L’acte d’un cambrioleur ou d’un détrousseur est condamnable. Celui qui s’y adonne mérite des sanctions selon la loi. Mais nul n’a le droit de supprimer la vie (ni pour soi ni pour autrui). Torturer les présumés voleurs est ignoble et barbare comme le sont les agissements de certains brigands et bandits de grands chemin.
Certes, les tortures ne sont pas nées par hasard. Elles ont pour origine les comportements des voleurs, les situations économique, politique et sociale qui doivent être analysées afin d’y trouver des solutions appropriées.
Des interrogatoires musclés à partir de simples allégations. Dans un Etat démocratique!
Les tortures relèvent également d’une certaine mentalité selon laquelle rien ne peut mieux dissuader les dérobeurs récidivistes que les sévices et même la mort. C’est la même réflexion qui est faite par les défenseurs de la peine de mort. L’on justifie la torture par la menace potentielle à la sécurité publique. Mais à bien réfléchir, à court terme, grâce à la torture et à tous ses corolaires, les bourreaux (Koglwéogo) peuvent obtenir des informations utiles, mais à long terme, c’est contre-productif. La torture finira par engendrer chez les victimes et dans les communautés dont elles sont issues douleur, souffrance, humiliation, peur, colère et haine. De plus, selon les conventions internationales, les informations obtenues par des méthodes de tortures ne peuvent pas être utilisées comme évidence. Les aveux obtenus d’une personne torturée ne peuvent pas être utilisés contre elle. Le Burkina n’a donc pas intérêt à instaurer une culture de la torture. Il faut donc arrêter cette pratique qui déshonore le Burkina et les Burkinabè.
Théophile MONE
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