Côte d'Ivoire : Pollution chimique et crise politique à Abidjan.
Les habitants d'Abidjan sont victimes d'une grave pollution chimique, liée au déversement de 400 tonnes de produits toxiques dans plusieurs décharges de la capitale économique ivoirienne. Plus de 9000 personnes ont été intoxiquées et 6 sont mortes. Acheminée par un bateau russe battant pavillon panaméen, cette dangereuse cargaison a été amenée par camions, entre le 19 et le 20 août, en toute tranquillité. La crise humanitaire et écologique a ouvert une crise politique dans le pays où les autorités dont la responsabilité est mise en cause dans cette affaire, ont gardé le silence pendant deux semaines.Treichville, Marcory, Koumassi, Port-Bouët, jusqu'à Cocody, le quartier huppé de la présidence et des ambassades, c'est tout le sud et l'est d'Abidjan, la capitale de la Cote d'Ivoire, qui a du mal à respirer depuis le 20 août 2006. Depuis que le « Probo Koala », un navire russe battant pavillon panaméen a fait déverser par une société ivoirienne et par camions, en toute quiétude, dans la nuit du 19 au 20 août, 400 tonnes de déchets toxiques contenant au moins en partie, de l'hydrogène sulfuré - un produit cancérigène et dangereux - dans la capitale économique, Abidjan.Lorsque la pollution a commencé, « la première réaction des ménages a été de vérifier la bouteille de gaz », explique Moussa, du quartier de Marcory. Comprenant que le mal était général, les habitants ont fait part de leur inquiétude et « le district a produit un communiqué dans lequel il expliquait que 24 heures plus tôt, une opération de démoustication aérienne avait eu lieu, et que les produits utilisés étaient inoffensifs, quoique dégageant une certaine odeur. » Personne n'a vu d'avions survoler le quartier et « ce type d'opération de démoustication aérienne n'arrive plus depuis 2002 », explique Moussa. « Devant l'angoisse, le district a réitéré son explication, jusqu'à ce que les malades commencent à affluer vers les hôpitaux et que le Ciapol (Centre ivoirien antipollution) ne soit saisi ».Deux semaines durant, les Abidjanais ont ainsi crié leur colère dans le vide, se sentant « abandonnés », confirme Christian. « Personne n'assume la responsabilité de ce qui s'est passé. Ce sont des sites fréquentés par la population qui ont été souillés. Des gens étendent leur linge dans la forêt de Banko. Il y a un joli petit lac artificiel dans le plateau Dokoui qui est depuis complètement infecté. On y retrouve des oiseaux morts et les chiens qui se risquent à y boire de l'eau subissent le même sort. Qui a consigné le navire ? Comment a-t-il pu sortir ses produits aussi facilement ? »se demande cet Abidjanais ancien employé au port autonome.
Les malades retournent sur des sites pollués
« Le gouvernement continue à chercher pour que nous puissions identifier tous les sites où ces déchets ont été déversés », a répondu Rémy Allah Kouadio, le ministre de la Santé, le 4 septembre à la télévision publique. C'était la première intervention d'un membre du gouvernement sur cette affaire. Il s'est empressé d'indiquer que, selon lui, « ce qui importe, c'est de voir comment faire en sorte que les populations ne souffrent pas trop ». Ajoutant que « depuis le 23 août, les CHU de Cocody et de Treichville ont été mis à contribution et des dispositions ont été mis en place ». Mais des médecins exerçant dans ces deux CHU et rencontrés par un responsable du Ceides, une ONG qui milite pour un développement écologique en Côte d'Ivoire, se demandent à quoi rime de soigner des malades qui vont retourner sur un site pollué pour revenir les voir quelques jours après.Le scandale d'Etat a conduit le Premier ministre ivoirien, Charles Konan Banny, à démissionner le 6 septembre. Le Président Laurent Gbagbo l'a néanmoins reconduit dans ses fonctions. La démission du cabinet du Premier ministre paraît symptomatique d'une affaire dont les ramifications devraient mettre en cause plusieurs hauts responsables ivoiriens. Des personnes qui ont cru pouvoir berner environ 16 millions d'habitants, dont une blague qui circule actuellement à Abidjan fait dire que chacun d'eux vaut un peu plus d'un franc. Compte tenu du montant de la somme qu'aurait prétendument perçue les responsables de ce désastre pour méfaits rendus : 17 millions de francs CFA.Des experts français du traitement des déchets toxiques ont été envoyés à Abidjan le 8 septembre, à la demande des autorités ivoiriennes. Quant aux responsables des sociétés enregistrées au port d'Abidjan qui ont pris en charge les déchets, ils ont été arrêtés début septembre et risquent 10 à 15 ans de prison.
Source :
http://www.novethic.fr
Saïd Aït-Hatrit (Afrik.com)
Mis en ligne le : 10/09/2006
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